Etats-Unis : La présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, l’exemple de la résistance à Donald Trump ?
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Jouer David contre Goliath ne lui fait pas peur. Après tout, David avait gagné… Malgré la puissance de Donald Trump, la présidente du Mexique Claudia Sheinbaum ne compte pas se laisser impressionner. Comme pour le Canada et l’Union européenne, le locataire de la Maison Blanche a menacé, au début du mois, d’imposer des droits de douane de 25 % au Mexique, jusqu’à un coup de fil avec son homologue à Mexico.
La présidente mexicaine avait alors accepté de déployer la garde nationale à la frontière pour lutter contre le trafic de drogue. « Hier, le Mexique a extradé 29 narcotrafiquants vers les Etats-Unis. C’est bien joué de sa part, ça ne lui coûte pas très cher » politiquement, ajoute Jean-Louis Martin, chercheur associé à l’Ifri. Dans la négociation sur les droits de douane, « elle a repris la main », estime-t-il.
« La raison et le sang-froid »
Sur ce dossier, que le Mexique aurait largement préféré traiter à part des questions d’immigration ou de trafic de drogue, cette victoire n’est toutefois que temporaire. « Les exportations vers les Etats-Unis représentent 40 % du PIB du Mexique, c’est vital », pointe le chercheur. Mais la présidente mexicaine peut aussi s’appuyer sur les conséquences de ces droits de douane sur les Etats-Unis eux-mêmes. « On ne mesure pas assez l’imbrication extrême des deux économies, surtout dans des domaines comme l’automobile où certaines pièces peuvent passer 7 à 10 fois la frontière » avant le produit final, insiste Jean-Louis Martin.
Face à un Donald Trump provocateur, viriliste et parfois très agité, Claudia Sheinbaum s’est aussi distinguée en « incarnant la raison et le sang-froid », décrit l’économiste. A la tête d’un Etat que le milliardaire méprise, orientée politiquement à gauche, et surtout étant une femme, elle est « à l’opposé » de tout ce que représente Donald Trump. Sa fermeté face au président américain lui vaut d’ailleurs les louanges de ses concitoyens, qui à 80 % ont une bonne opinion d’elle rapporte Le Monde. Pourtant, force est de constater que le locataire de la Maison Blanche lui voue un relatif respect. Ou du moins, « il n’a jamais eu contre elle les propos méprisants qu’il a eu sur Justin Trudeau », relativise Jean-Louis Martin.
Le Mexique de retour sur la scène internationale
Au vu du bras de fer engagé avec le Premier ministre canadien ou plus récemment avec l’UE, Claudia Sheinbaum peut-elle montrer à l’international un exemple de résistance à Donald Trump ? « On ne peut pas vraiment s’inspirer de ce que fait le Mexique » car les enjeux sont différents, grimace Jean-Louis Martin. Mais « elle représente quelque chose sur les valeurs de très différent », reconnaît-il.
A défaut d’inspirer ou de prendre le leadership d’un groupe de pays qui voudraient tenir tête à Donald Trump, Claudia Sheinbaum apporte tout de même « un retour de visibilité du Mexique sur la scène internationale ». Son prédécesseur, Andres Manuel Lopez Obrador, avait marqué son mandat d’un « dédain » pour l’international, ne faisant quasiment aucun voyage officiel. Un cap que ne compte pas garder la présidente actuelle. « C’est quand même un gros pays parmi les pays émergents, elle peut avoir une certaine influence », notamment auprès des Brics, longtemps délaissés par la diplomatie mexicaine.
Mais quoi qu’il en soit, « elle reste limitée par sa dépendance au marché américain », reprend Jean-Louis Martin. L’économie mexicaine, mais aussi les près de 30 millions de personnes d’origine mexicaine qui vivent aux Etats-Unis, dont plus des deux-tiers de façon légale, en dépendent. « Sur l’immigration, le Mexique n’est pas affolé pour l’instant, Trump a aussi besoin d’eux », reconnaît l’économiste. Claudia Sheinbaum a encore quelques atouts dans sa manche, notamment sur la question des expulsions de non-mexicains que Donald Trump souhaite aussi envoyer à Mexico. Jusqu’ici, la position de la présidente n’est pas claire. « Certains responsables politiques prennent conscience que le Mexique pourrait devenir un pays d’immigration, mais ce n’est pas encore mûr », note Jean-Louis Martin. Dans son bras de fer, Claudia Sheinbaum peut encore tout gagner.