Etats-Unis : Joe Biden a-t-il caché son cancer de la prostate pendant la campagne présidentielle ?

Ce dimanche, la presse américaine annonce avec stupeur que Joe Biden a été diagnostiqué d’une forme « agressive » d’un cancer de la prostate présentant des « métastases osseuses ».
Un choc outre-Atlantique, notamment pour son ancien adversaire Donald Trump, qui s’est dit « attristé » par la nouvelle et qui lui souhaite un bon rétablissement. Mais pour beaucoup d’Américains, ce diagnostic tardif est la certitude que l’ancien président a caché son cancer pendant sa campagne présidentielle avortée. Le fils Trump, Donald Trump Jr, évoque une « nouvelle opération de dissimulation » de la part des Démocrates.
Un cancer fulgurant ou caché ?
Pour le chirurgien urologue François Desgrandchamps, chef du service urologie à l’hôpital Saint-Louis à Paris, rien d’étonnant dans la détection tardive de ce cancer : « Le problème du cancer de la prostate c’est qu’il est très silencieux. Les patients peuvent aller très bien, vivre normalement, avant qu’on découvre du jour au lendemain des métastases. » Même si le cas de l’ancien président est présenté comme agressif, cela ne veut pas dire pour autant qu’il est atteint depuis longtemps.
Mais les Américains, qui ont vu pendant des mois la santé de Joe Biden se dégrader, ont du mal à croire à un cancer tombé du ciel. Politologue et journaliste spécialiste des Etats-Unis basée à Washington de 1989 à 2018, Marie-Christine Bonzom a suivi de près la carrière politique de Joe Biden. Elle se souvient du flou qui régnait autour de la santé du président et évoque ses bilans médicaux « loin d’être transparents » transmis aux journalistes. « Contrairement à ses prédécesseurs, le président Biden n’a ainsi jamais autorisé son médecin à tenir un point de presse pour répondre aux journalistes. »
Alors comme beaucoup elle s’interroge : Comment les bilans complets réguliers du président, supervisés par certains des meilleurs spécialistes des Etats-Unis, ont-ils pu passer à côté d’un cancer de la prostate aussi grave ?
Opération camouflage
Dominique Simonnet, spécialiste des Etats-Unis, a lui aussi épluché les bilans de santé de Joe Biden et n’y trouve aucune mention du fameux PSA, ou antigène prostatique spécifique, une protéine qui permet d’évaluer la présence ou de cellules cancéreuses dans la prostate. « Dans son dernier bilan en juillet 2024, aucune mention n’est faite de ce taux de PSA, alors qu’à son âge avancé, cela devrait être normal de le contrôler. » Même s’il rappelle que les médecins (et surtout la Maison Blanche) n’ont aucune obligation de publier ce bulletin de santé présidentiel, le flou ne fait que créer théories et fantasmes dans le pays du complotisme.
Marie-Christine Bonzom s’interroge aussi sur le timing « curieux » de cette annonce, la veille de la publication d’un nouveau livre sur le « scandale de dissimulation » de l’état de santé de Joe Biden par le journaliste Jake Tapper, intitulé « Le péché originel : Le déclin du président Biden, sa dissimulation et son choix désastreux de se représenter ».
« Est-ce que la Maison Blanche avait connaissance de ce problème de prostate et l’a-t-elle caché aussi ? Est-ce que le médecin personnel de Biden a été transparent ? Est-ce que les examens ont été faits correctement ? » Beaucoup de questions qui interpellent la journaliste mais surtout la société américaine, à qui les Démocrates avaient déjà, selon elle « des comptes à rendre », pour le scandale relatif à la tentative de dissimulation de la détérioration cognitive de Biden.
L’omission, une « tradition » américaine
En cachant ses problèmes médicaux, Joe Biden ne suivait-il pas tout simplement la tradition des chefs d’État américains ? Roosevelt, Kennedy, Reagan, tous souffraient de douleurs ou pathologies chroniques qui rendaient leur exercice du pouvoir plus ou moins difficile. « L’Histoire est jalonnée de présidents dont les maladies ont été cachées au grand public » ajoute Dominique Simonnet.
Même Trump, dont la Maison Blanche vante régulièrement la force herculéenne, a caché son état de santé lorsqu’il a été contaminé par le Covid-19. « Il a été hospitalisé, il aurait pu mourir, se rappelle le politologue, son taux d’oxygène était très faible et pourtant tout a été nié. »
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Et si finalement l’omission n’était pas si grave ? Pour le Dr François Desgrandchamps, ce type de cancer n’aurait jamais empêché Joe Biden de mener un deuxième mandat : « Cela ne me choque pas de ne pas rendre public le diagnostic dans le sens où ce n’est pas la même importance qu’une maladie dégénérative. Le cancer de la prostate ne change rien aux capacités cognitives d’un président à gouverner. »