Etats-Unis : Il subit volontairement 200 morsures de serpents pour la mise au point d’un super antivenin

C’est une avancée scientifique « sans précédent » : le sang d’un Américain volontairement mordu par des serpents plus de 200 fois a permis de développer un antivenin capable de neutraliser les venins de certaines des espèces les plus mortelles au monde, révèle un article publié dans la revue Cell et relayé par la BBC.
Pendant près de deux décennies, Tim Friede, ancien mécanicien poids lourd du Wisconsin, s’est aussi injecté plus de 700 doses de venin extrait de serpents comme les cobras, les mambas, les taipans ou les kraits. L’objectif ? A l’origine, renforcer sa propre immunité pour manipuler ces reptiles sans danger. Mais l’obsession personnelle s’est vite transformée en mission humanitaire. « Je n’ai jamais voulu mourir, ni perdre un doigt. Mais j’ai continué, pour les gens à 8.000 kilomètres de moi qui meurent de morsures », confie-t-il à la BBC.
Près de 150.000 morts chaque année
Chaque année, les morsures de serpent tuent jusqu’à 140.000 personnes et en laissent plus de 400.000 avec des séquelles graves. Le traitement actuel repose sur des antivenins spécifiques à chaque espèce, produits en injectant de faibles doses de venin à des chevaux pour récolter ensuite les anticorps générés. Une méthode imparfaite, car inefficace face à la diversité des venins, y compris au sein d’une même espèce selon les régions du monde.
Pour dépasser cette limite, les chercheurs de la biotech américaine Centivax, dirigée par le Dr Jacob Glanville, se sont lancés à la recherche d’anticorps à large spectre. « Si quelqu’un au monde devait en avoir développé naturellement, c’était lui », a estimé Jacob Glanville en découvrant le parcours de Tim Friede. Après avoir obtenu l’autorisation éthique de prélever son sang, l’équipe a identifié deux anticorps capables de neutraliser deux grandes familles de neurotoxines, principaux composants des venins des serpents appelés élapidés (mambas, cobras, kraits…).
Tournant majeur dans la lutte contre les morsures
Résultat : sur 19 espèces de serpents parmi les plus dangereuses au monde, le traitement a permis à des souris de survivre à une dose normalement mortelle pour 13 d’entre elles. Pour les 6 autres, une protection partielle a été observée. Selon Jacob Glanville, cette couverture inédite est « sans équivalent » et pourrait représenter un tournant majeur dans la lutte contre les morsures de serpents.
« Tim a appris à son système immunitaire à reconnaître un spectre très large de toxines. Ses anticorps sont véritablement extraordinaires », confirme le professeur Peter Kwong, immunologiste à l’université Columbia et coauteur de l’étude. L’équipe ambitionne désormais d’élargir cette couverture pour atteindre une protection complète contre tous les élapidés.
Prochaine étape : les vipères
La prochaine étape ? Cibler les vipères, l’autre grande famille de serpents venimeux, dont le venin agit principalement sur le sang (hémotoxines), ainsi que d’autres toxines comme les cytotoxines. « D’ici 10 à 15 ans, nous espérons disposer d’un traitement efficace contre chaque classe majeure de toxine », projette le Pr Peter Kwong.
Notre dossier sur les serpents
Le Professeur Nick Casewell, directeur du Centre de recherche sur les morsures de serpent à Liverpool, salue une avancée « enthousiasmante » qui démontre « qu’une approche universelle est envisageable », tout en soulignant que des tests rigoureux restent nécessaires avant toute application clinique.