Espace : Le patron du Cnes alerte sur l’influence d’Elon Musk dans l’avenir de l’ISS et de l’exploration de la lune

Le président du Cnes, Lionel Suchet, s’inquiète de l’avenir de la coopération spatiale internationale, et notamment européenne, face à l’influence croissante d’Elon Musk dans les grandes orientations spatiales américaines.
Dans un entretien publié vendredi par Le Monde, il pointe les incertitudes autour des programmes Artemis et de la Station spatiale internationale (ISS), qui pourraient être profondément bouleversés si les positions du patron de SpaceX prévalent.
Elon Musk contre la station lunaire
Le programme Artemis, dans lequel sont engagés la France et l’Agence spatiale européenne (ESA), prévoit la création d’une station en orbite lunaire permanente – le Gateway – qui aura sa propre activité et accueillera les astronautes, une sorte base pour les missions habitées. Ce modèle est clairement remis en cause par Elon Musk, qui juge inutile d’établir une station autour de la Lune et plaide pour un alunissage direct. Le milliardaire a également rappelé que sa priorité reste Mars.
Sauf que… « La Nasa a conçu le lanceur Space Launch System (SLS) qui servira à mettre en orbite la capsule Orion ; il s’agit d’une fusée géante qui n’est pas fabriquée par la firme d’Elon Musk. S’il n’y a plus de station, il n’y aura plus de capsule Orion, ni d’ESM (modules de service européens) et encore moins de lanceur SLS. Cela suscite de fortes interrogations », alerte Lionel Suchet.
De lourds investissements européens menacés
Des entreprises européennes comme Thales Alenia Space ou Airbus sont fortement impliquées dans Artemis : les moteurs, les structures et les modules sont en grande partie conçus en Europe, notamment en Allemagne. Toute remise en question du modèle orbital lunaire menacerait directement ces retombées industrielles et stratégiques. « Cela suscite de fortes interrogations », insiste le patron du Cnes.
Concernant le calendrier, le patron du Cnes évoque désormais mi-2027 pour un vol Artemis, tout en émettant des doutes : « La question est de savoir si elle se fera réellement. »
L’ISS aussi sur la sellette
Lionel Suchet alerte aussi sur le risque d’un arrêt anticipé de la Station spatiale internationale. Elon Musk souhaiterait avancer la fin de l’ISS à 2027, soit trois ans plus tôt que prévu. Un scénario plausible selon Suchet, qui rappelle que « les États-Unis ont un rôle majeur » dans le programme. « Si les Américains décident de l’arrêter, ni les Russes ni les Européens ne pourront la maintenir seuls. »
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Une telle décision aurait également des conséquences en chaîne sur les projets privés développés autour de l’orbite basse, notamment ceux soutenus par la Nasa mais portés par des acteurs concurrents de SpaceX. « Nous sommes peut-être à la veille d’un bouleversement assez profond des équilibres », conclut Lionel Suchet, inquiet du poids croissant du secteur privé américain dans les choix de la Nasa.