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Entre coups bas et provocations, l’état de santé d’Alexeï Navalny se dégrade en prison : « Notre théorie est qu’ils le tuent progressivement »

C’est la situation dans laquelle s’est retrouvé Alexeï Navalny, il y a quelques jours, à lire les faits rapportés dans les médias par son avocat, Vadim Kobzev. « Un homme a été placé dans sa cellule en son absence, un homme avec de gros problèmes d’hygiène corporelle. A tel point qu’il était impossible de respirer dans la cellule », a-t-il décrit. Refusant d’y entrer, Alexeï Navalny s’est penché vers la caméra personnelle de l’officier qui l’accompagnait pour dénoncer « une provocation en cours », preuve de sa bonne foi si la justice venait à se saisir de l’affaire. Poussé dans la cellule par des policiers anti-émeutes, les gardes espéraient contraindre l’opposant à en venir aux mains avec cet homme, un sans-abri. Alexeï Navalny a finalement attrapé son codétenu par le col pour le tirer vers la sortie. Un groupe d’intervention a plaqué le militant au sol et l’a frappé. Les autorités se sont empressées d’ouvrir un nouveau dossier contre lui après avoir contraint le sans-abri à témoigner. Alexeï Navalny fait aujourd’hui face à une dizaine d’actions judiciaires, jugées ou en cours. Il risque de passer plus de 35 ans en prison, auxquelles pourraient s’ajouter cinq années de plus avec ces nouvelles accusations.

Une stratégie qui s’applique à tous les critiques du Kremlin ou de l' »opération spéciale » en Ukraine comme le montrent également les récentes condamnations d’Ilia Iachine et de Vladimir Kara-Mourza.

Des provocations répétées et un traitement « personnalisé »

Depuis son incarcération le 17 février 2021, au lendemain de son empoisonnement par les services russes, Alexeï Navalny subit provocation sur provocation. Il survit depuis 2022 dans la colonie pénitentiaire numéro 6 de la région de Vladimir, à 250 km de Moscou. A chaque coup bas des services pénitentiaires, l’objectif est clair : il s’agit de le faire passer pour un prisonnier turbulent et, au passage, d’ouvrir une nouvelle enquête contre lui, pour augmenter sa peine. Ce critique virulent du président russe pourrait passer sa vie, ou du moins le temps de la vie de Vladimir Poutine, en prison, s’il ne meurt pas avant un éventuel changement de régime.

Navalny fait face à un traitement « personnalisé », concocté par Moscou, une torture permanente destinée à le briser, moralement et physiquement. Il passe de nombreuses semaines à l’isolement pour des futilités, il y a été envoyé treize fois depuis août 2022. Son codétenu est maintenu dans un manque d’hygiène pour l’utiliser régulièrement contre lui. Selon les récits diffusés par ses avocats, les autorités vont jusqu’à placer l’homme dans l’infirmerie de l’hôpital, à proximité de détenus atteints du Covid ou de la grippe dans l’espoir qu’il attrape un virus à transmettre à l’opposant une fois de retour en cellule.

Insuffisance de soins

Suite à cette dernière provocation, les avocats d’Alexeï Navalny ont déposé une requête à la direction du Service pénitentiaire fédéral et au bureau du procureur, sans grand espoir. L’opposant se meurt à petit feu et ses proches s’inquiètent de la possibilité d’un nouvel empoisonnement. « Notre théorie est qu’ils le tuent progressivement, en utilisant un poison à action lente appliqué par le biais de la nourriture », a récemment déclaré Ruslan Shaveddinov, un assistant du militant. Les soutiens de Navalny admettent néanmoins la possibilité « d’une paranoïa » de leur part. Par le passé, certains ont en effet grossi le trait de certains faits pour attirer l’attention des médias vers ce prisonnier particulier. Mais l’état de santé du militant anti-corruption n’en semble pas moins réellement préoccupant.

Les autorités nient les accusations d’empoisonnement mais accusent l’opposant de « réaliser une grève de la faim qui aggrave ses maladies rénales et hépatiques ». Une chose est certaine : empoisonné en 2020, Alexeï Navalny n’a jamais pu aller au bout des soins liés à son empoisonnement. Il souffre désormais du dos et d’une maladie à l’estomac. Il est régulièrement privé de consultations médicales, les médecins lui refusent une analyse toxicologique. Le mercredi 19 avril, il est apparu par téléconférence sur les écrans d’un tribunal de Moscou, témoignant dans le cadre du procès d’une membre de son mouvement. L’opposant était affaibli et amaigri, mais il se tenait debout seul et parvenait à s’exprimer normalement.