En Arabie saoudite, une « frénésie d’exécutions » loin de l’image réformiste
L’Arabie saoudite a annoncé mercredi 1er janvier l’exécution de six Iraniens condamnés à mort pour trafic de drogue, après une année marquée par un record de 338 exécutions, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles. Un record pour cette monarchie à laquelle le prince héritier Mohammed ben Salman s’emploie pourtant à donner une image moderne et réformiste.
Une « frénésie d’exécutions ». Dans un communiqué publié jeudi 2 janvier, l’ONG Reprieve et l’Organisation saoudienne européenne pour les droits de l’homme (European Saudi Organization for Human Rights – ESOHR) dénoncent le nombre record de peines capitales exécutées en Arabie saoudite en 2024. Selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles, au moins 338 condamnés à mort ont été exécutés l’année dernière dans le pays. Les deux organisations de défense des droits humaines font quant à elles état « d’au moins 345 » exécutions.
« Le couloir de la mort en Arabie saoudite, c’est une boîte noire. Il n’y a aucune transparence, on n’a pas idée de ce qu’il s’y passe. Des gens sont condamnés et exécutés sans avoir jamais parlé à un avocat. Depuis le Covid, les exécutions se font en prison, secrètement. Les corps ne sont pas renvoyés aux familles. On ne sait donc pas comment les gens ont été tués », relève Jeed Basyouni, représentante Moyen-Orient de Reprieve, au micro de RFI.
Selon Amnesty International, qui comptabilise depuis 1990 les exécutions dans ce pays suivant une application rigoriste de la loi islamique, les bilans les plus élevés jusque-là étaient de 196 exécutions en 2022 et 192 en 1995. Le royaume est le pays qui a exécuté le plus de prisonniers au monde en 2023 après la Chine et l’Iran, d’après l’ONG, avec 170 exécutions, selon le décompte de l’AFP. « On ne sait pas ce qui légal ou pas. Vous pouvez être exécuté pour quelque chose qui n’apparait pas clairement dans la loi. C’est totalement arbitraire. Tout le monde est constamment en danger », prévient Jeed Basyouni.
Parmi les personnes exécutées en 2024, 117 avaient été condamnées pour des affaires de drogue, dont certaines pour simple possession de haschich. Mercredi 1er janvier, encore, le ministère saoudien de l’Intérieur a annoncé l’exécution de six Iraniens dans l’est du royaume pour avoir « introduit clandestinement du haschisch », sans en préciser la date.
Plus de 1 000 exécutions en huit ans
L’application de la peine de mort par Riyad est critiquée par les défenseurs des droits humains qui la considèrent excessive et en décalage avec les efforts affichés par le royaume pour présenter une image moderne et réformiste. L’Arabie saoudite a procédé à plus de 1 000 exécutions depuis l’arrivée au pouvoir du roi Salman en 2015, selon un rapport publié début 2023 par Reprieve et l’ESOHR.
« Mohammed ben Salman a dit avoir réformé le système judiciaire saoudien, qui serait désormais aligné sur le droit international en ce qui concerne la peine de mort. Il a été prouvé que c’était un mensonge, remarque Jeed Basyouni, de l’ONG Reprieve. Il a dit qu’il avait mis fin à la peine de mort pour les enfants, ce qui était aussi un mensonge. On sait que des enfants sont dans le couloir de la mort en Arabie saoudite. Il a dit que la peine de mort ne serait plus utilisée pour les délits liés à la drogue. Encore un mensonge. Il suffit de gratter un peu sous la surface pour voir que Mohammed ben Salman ne tient pas parole. »
Riyad, engagé dans une ambitieuse politique de réformes portée par son prince héritier, cherche à attirer touristes et compétitions sportives, et accueillera le Mondial-2034. « Ce que j’aimerais voir, ce sont des dirigeants internationaux qui prennent davantage la parole sur agissements de l’Arabie saoudite. Mais malheureusement, ce que l’on constate, c’est que les dirigeants anglais, français, américains, donnent la priorité aux investissements plutôt que de prendre la parole sur les droits humains », regrette Jeed Basyouni.