Election de Léon XIV : « Ce pape peut parler à tous les catholiques américains, y compris à Trump et Vance »

Quoique à majorité protestante, les Etats-Unis ont à la tête de leur gouvernement exécutif deux catholiques : Donald Trump et son vice-président J.D Vance. Et avec la papauté, notamment sous François, les sujets de discordes ont été pluriels, notamment sur la question des migrations.
L’élection de Robert Francis Prevost, premier pape originaire des Etats-Unis et qui régnera sous le nom de Léon XIV, peut-elle faire évoluer cette relation et renouer un dialogue « que ne pouvait pas faire le pape François », souligne pour 20 Minutes, Bernard Lecomte, journaliste spécialiste de la papauté, auteur de France-Vatican : Deux siècles de guerre secrète.
On a pu voir Donald Trump se réjouir de l’élection d’un pape américain. Peut-on envisager une proximité ?
Le nouveau pape est né à Chicago. Ça en fait le premier pape de l’histoire qui soit nord-américain. Mais tout le monde a vu avec sa biographie que son vrai pays d’origine sur le plan culturel et spirituel est le Pérou. Donc c’est plus un Américain du Sud que du Nord. D’être né aux Etats-Unis en fait quelqu’un capable de parler à tous les catholiques américains, y compris les traditionalistes et conservateurs. Y compris à Trump et Vance, ce que ne pouvait pas faire le pape François. Il ne savait pas parler à Vance et Trump, il avait tout de suite dit qu’il était anticapitaliste, antilibéral.
Quels seront les sujets de discussion ?
L’unité de l’Église. C’est le sujet de fond avec les catholiques américains. Éviter que la tendance néoconservatrice de l’Église, incarnée par J.D. Vance, ne finisse de couper l’Église en deux.
Pensez-vous une scission possible ?
Non, parce que l’Église est à la fois progressiste et conservatrice. Mais là, on est dans le néo-conservatisme engagé. Dans le traditionalisme et la nostalgie d’une autre Église, une Église du passé. Et la vraie faille est là. La dernière photo du pape François est avec J.D Vance, et il y a là deux Églises qui n’ont à peu près rien à voir.
Léon XIV peut-il faire la jonction ?
Il est capable d’apaiser la tension, de résoudre ce clivage. C’est pour ça qu’il rassure un peu tout le monde. Il a la capacité de parler aux uns et aux autres. Parce qu’il est né à Chicago, parce qu’il est du Sud, et en plus le patron de la Congrégation des évêques, il est donc complètement mondialisé, comme l’est l’Église depuis le pape François, depuis qu’elle n’est plus européenne. Ce pape-là en a la capacité d’être à la tête d’une Église mondialisée.
Quelle est la place, notamment politique, du catholicisme romain aux États-Unis ? Il s’agit de la deuxième religion du pays, après les protestants et évangélistes.
C’est la deuxième confession, environ un quart de la population. Une population qui grandit car beaucoup des immigrés du Sud sont catholiques. Donc c’est une place importante et Trump, comme tous les politiciens américains, ne peut pas se couper de cet électorat. C’est ça qui est important. C’est pour ça que Trump est allé aux obsèques de François.
Donald Trump est de culture catholique romaine, J.D. Vance s’est converti il y a six ans, peuvent-ils entendre ce pape ?
Comme tous les convertis, Vance est plus virulent que la plupart des catholiques. C’est une règle d’or chez tous les convertis, pas seulement en religion : ils sont toujours plus exigeants et plus militants que les autres. C’est pour ça que Vance est à la fois dangereux pour l’Église et très intéressant à regarder, car il incarne une Église militante qui ne va pas dans le même sens que celle du pape.
Et quels sont les sujets de dissensions qui traversent l’Église justement ? La fin de vie ? Le mariage homosexuel ? L’immigration ?
Ce n’est pas la fin de vie, ni le mariage homosexuel. François, jusqu’au bout, a été contre l’avortement, contre l’euthanasie, contre le mariage gay. Il n’y a pas de virage sur ces sujets. Sur les LGBT, oui, il y a un clivage, mais ce n’est pas un clivage dogmatique fondamental.
En revanche, sur l’immigration, la définition de l’homme, la paix dans le monde, là on commence à avoir une vraie césure avec les catholiques comme Trump et Vance, qui virent manu militari des centaines de milliers d’immigrés. Ceux-là sont assez loin de l’Évangile. Dans l’Évangile, Jésus a passé trois ans de sa vie publique à défendre les étrangers et les pauvres. Des sujets sur lesquels Trump et Vance sont assez décalés. C’est là-dessus qu’il faudra être attentif à l’avenir.
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Peut-on penser que Léon XIV aura une relation privilégiée avec les États-Unis ?
On verra. C’est possible, il ne faut pas l’exclure. La fracture dont on parle est très importante pour l’avenir de l’Église. Donc c’est normal que le pape soit très attentif à ça. Et dans l’autre sens, c’est normal que Trump le soit également et excité, car c’est un pape américain. Je ne serais pas étonné que Trump rende visite au pape dans les mois qui viennent.