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Election américaine 2024 : Comment Kamala Harris a-t-elle pu perdre le vote des latinos ?

«Je ne pense pas qu’il soit raciste, il en a juste assez des immigrés clandestins. » A Phoenix, Jimmy Archuleta se dit mercredi « très content » de la victoire de Donald Trump. Comme un nombre croissant d’Américains d’origine hispanique, il a pris fait et cause pour le républicain.

Au lendemain d’une défaite historique de leur candidate Kamala Harris, les démocrates se retrouvent confrontés au difficile travail d’introspection pour expliquer cette déroute. Si les raisons sont multiples, l’érosion du soutien de l’électorat latino, qui a représenté en 2024 un peu plus d’un votant sur dix, figure haut dans la liste.

Un effritement progressif

Selon un sondage de sortie des urnes publié par NBC News, 53 % des électeurs d’origine hispanique ont voté pour Kamala Harris contre 45 % pour Donald Trump. Un chiffre à mettre en relief avec 2020, quand Joe Biden avait remporté 59 % de leurs voix et Donald Trump 38 %, selon le Pew Research Center.

Mais cette perte de vitesse des démocrates ne date pas d’aujourd’hui. « Il est clair que c’est un mouvement progressif. Nous avons observé une tendance qui a commencé en 2016, s’est réaffirmée en 2020 et a fait un pas en avant en 2024 », explique Roberto Suro, professeur à l’université de Californie du Sud.

Le soutien à des politiques d’immigration xénophobes

Pour expliquer ce mouvement vers Donald Trump, il cite plusieurs éléments. « L’idée que les Latinos réagiraient de manière négative aux promesses de politiques d’immigrations plus strictes s’est révélée fausse », explique Roberto Suro, car certains « électeurs latinos – citoyens américains – voteront pour des politiques d’immigration sévères, voire xénophobes ».

Pour lui, « ces personnes-là font véritablement une distinction entre deux types d’immigration », celle qui date de plusieurs décennies, et la plus récente. « Ils disent : « Je suis pour un programme de régularisation des personnes qui sont là depuis longtemps, ont des enfants ici, ont travaillé ici, n’ont pas de casier judiciaire et font partie du tissu de la société » et « Je veux renvoyer ceux qui sont arrivés récemment, je veux un mur, je veux une sécurité des frontières » », souligne le chercheur.

Les hommes latinos de plus en plus attirés par Trump

Des aspects religieux, de genre et d’appartenance socio-économique sont également derrière ce ralliement, selon lui. « On a véritablement observé – parmi les hommes Mexicains Américains, [chrétiens] évangéliques, sans diplôme universitaire et membres de la classe ouvrière – un mouvement constant vers Trump, élection après élection », notamment car ils sont traditionnellement conservateurs sur les questions sociales.

Selon le cabinet Edison Research, 54 % des électeurs latinos masculins ont voté pour le républicain cette année, contre 36 % en 2020. Ce mouvement « très clair » vers Donald Trump est également observé « le long de la frontière, dans les endroits les plus directement touchés par cette nouvelle immigration », dit Roberto Suro.

Le mythe du « génie des affaires »

Rencontré mercredi dans les rues de Phoenix, grande ville d’Arizona, un Etat frontalier du Mexique, Jimmy Archuleta explique que l’inflation fait partie des raisons principales qui l’ont poussé à soutenir le milliardaire.

« C’est vraiment un génie des affaires, donc j’espère qu’il va améliorer l’économie », confie cet Américain d’origine mexicaine, alors que Donald Trump collectionne pourtant les déroutes professionnelles. « J’espère juste qu’il rendra les prix des produits alimentaires et de l’essence plus raisonnables », ajoute-t-il. Pour ce carrossier de 47 ans, le républicain n’est pas raciste et va surtout s’attaquer aux immigrés en situation irrégulière.

« Je sais que si quelqu’un me voit dans la rue, il ne sait pas quel est mon statut ici », reprend l’ouvrier, dont la mère est arrivée légalement depuis le Mexique dans les années 1970. « Mais pour moi, c’est différent, je ne m’inquiète pas : je sais que je suis en règle. » Quant à certains de ses amis sans-papiers, il répond que « s’ils viennent ici et se font choper, ça fait partie des règles, ils ont toujours connu les risques. »