Donald Trump suspend une loi interdisant la corruption
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Le président américain a signé un nouveau décret en début de semaine gelant l’application du Foreign Corrupt Practices Act, une loi fédérale de 1977 permettant à la justice de poursuivre individus et entreprises même pour des faits commis à l’étranger.
C’est juste incroyable d’en arriver là! Pour être franc, il est remarquable qu’il ait fallu trois semaines à Donald Trump pour geler l’application de la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger, étant donné qu’elle est conçue pour empêcher les entreprises et les pouvoirs americians à corrompre les décideurs étrangers.
« Ça sonne bien sur le papier, mais en pratique, c’est un désastre », assure Donald Trump dans une vidéo diffusée par la Maison Blanche où on le voit signant le décret qui suspend cette loi en vigueur depuis près de 50 ans. « À cause de cette loi, si un Américain se rend dans un pays étranger pour y faire des affaires, de manière légale ou non, il est quasiment sûr de faire l’objet d’une enquête et de poursuites. Résultat : plus personne ne veut faire affaire avec les Américains », poursuit le président des États-Unis.
Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) signé en 1977 introduisait le principe d’extraterritorialité : des entreprises pouvaient être poursuivies pour des actes de corruption commis à l’étranger, qu’elles soient ou non américaines. À partir du moment où elles participaient d’une manière ou d’une autre à un marché financier aux États-Unis, la justice américaine pouvait s’intéresser à leurs activités.
Un mauvais signal ?
Pour Laurent Dublet, secrétaire général adjoint de l’association anticorruption Anticor, la suspension de la loi envoie un mauvais signal. « Cela va permettre à des entreprises américaines et aux multinationales américaines de corrompre des agents publics étrangers pour conquérir de nouveaux marchés ou obtenir des marchés publics, notamment pour s’assurer l’exploitation de terres rares ou de pétrole dans certains États très sensibles à la corruption », craint-il.
Ce n’est pas pour autant une bonne nouvelle pour les entreprises américaines très implantées à l’étranger. « Le FCPA leur permettait d’être fermes dans leur refus de céder à des demandes de pot-de-vin », souligne un ancien cadre de la lutte anticorruption au sein du département d’État sur X.
La nouvelle est très commentée dans les médias indiens, alors que le puissant groupe Adani était poursuivi dans le cadre de cette loi américaine, accusé notamment d’avoir versé d’importants pots-de-vin au gouvernement indien.
Le FCPA a aussi laissé de mauvais souvenirs en France. « Cette législation était aussi souvent l’occasion pour les États-Unis de faire main basse sur des entreprises étrangères, au prétexte de faits de corruption. On en a fait l’expérience avec Alstom », rappelle Laurent Dublet, qui évoque un « impérialisme juridique ».
En 2014, le géant français Alstom avait en effet été condamné par la justice américaine à une amende de plus de 750 millions de dollars pour des faits de corruption dans plusieurs pays d’Asie et du Moyen-Orient. Un an plus tard, l’entreprise était contrainte de vendre son pôle Énergie à l’entreprise américaine General Electrics, suscitant à l’époque l’ouverture d’une enquête approfondie de Bruxelles.