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« Des gens vont mourir, et massivement de l’arrêt d’USAID »… « Chaos » et « sidération » des ONG après l’annonce de Trump

«Sidération », « chaos », « fou ». Les qualificatifs de responsables d’ONG françaises après l’annonce par la nouvelle administration Donald Trump de suspendre, avec effet immédiat, toute contribution à l’aide humanitaire internationale témoignent de la « radicalité » de cette décision. « On avait suivi les annonces et les décrets pris par Trump le jour de son investiture, et l’on pensait alors que cet arrêt concernait uniquement les nouveaux programmes. Mais c’est beaucoup plus dramatique que ça », constate auprès de 20 Minutes Kevin Goldberg, directeur général de Solidarités international.

Des précisions apportées par la réception d’un premier courrier, consulté par 20 Minutes et envoyé aux ONG partenaires de l’USAID, qui « émettent immédiatement des ordres d’arrêt des travaux, modifient ou suspendent les attributions existantes » et précisent qu’« aucunes nouvelles demandes d’attributions », ou « toutes autres formes de sollicitations de fonds à l’aide internationale » ne seront examinées. Une semaine plus tard, dans un second courrier, une liste d’exemption concernant « l’aide humanitaire vitale » est toutefois apportée par l’administration des Etats-Unis.

« Mas ce n’est vraiment pas clair et très flou. Par exemple, le Yémen n’est pas concerné par ces exemptions. Aussi, si apparemment la distribution d’urgence d’eau rentrerait dans ces critères, est-ce que l’installation d’un réseau provisoire dans un camp de réfugiés l’est également ? », s’interroge le directeur général de Solidarités international, dont le budget de 165 millions d’euros dépend à 36 % de l’aide américaine. Il poursuit : « De toute façon, tous nos interlocuteurs américains ont été mis à pied et nous n’avons plus personne à qui nous adresser ou pour nous faire les virements. »

« Les pays européens vont dans le même sens »

D’autres ONG, tel que Médecins sans frontières, ont reçu avec « sidération » cette nouvelle même si cette dernière, au budget de 2 milliards de dollars ne bénéficie pas de l’aide américaine. « Car si l’on n’en subit pas les conséquences directes, tout l’écosystème et beaucoup d’associations avec lesquelles nous travaillons sont touchés », estime Michael Neuman, directeur d’études chez MSF, qui conclut : « C’est le chaos, il y a beaucoup d’incertitudes et c’est très inquiétant. »

Même son de cloche chez Médecins du monde, dont 10 % des fonds de l’activité internationale proviennent des Etats-Unis, qui s’inquiète notamment du devenir « des programmes de lutte contre le VIH, les hépatites ou la tuberculose ». « Ce qui est énorme, c’est le caractère brutal de cette décision », décrit Jean-François Corty, président de MDM qui anticipe « une révolution historique » dans l’organisation de la solidarité internationale.

Car si les Etats-Unis, en plus de s’être retirés de l’OMS, suspendent leurs aides qui avec 70 milliards de dollars pesaient pour 40 % du budget de l’humanitaire international, « les pays européens prennent la même direction, de façon moins brutale mais plus sournoise, avec une baisse de l’ordre de 30 à 40 % dans les années à venir de leur budget de l’aide au développement [96 milliards d’euros en 2023] », observe Jean-François Corty.

« Des gens vont mourir, et massivement »

« Des ONG vont crever, des agences des Nations Unis vont fermer et de fait, des gens vont mourir, et massivement de cette politique », s’étrangle-t-il. Michael Neuman y voit également une autre conséquence, à plus long terme : « Il va y avoir une concurrence accrue sur les fonds d’origine privés. » « Une telle décision, prise aussi soudainement et avec une très grande radicalité, c’est complètement fou et nous n’avons pas fini d’en mesurer les conséquences », regrette-t-il.

Dans ses courriers, l’administration Trump précise que cette suspension, qui doit permettre de réévaluer et rediriger « l’aide étrangère sur le programme de politique étrangère du président Trump », est initialement prévue pour « une durée de 85 jours », le temps d’examiner la situation.

Un temps largement suffisant pour tuer des milliers de personnes et laisser des situations sanitaires dégénérer, « comme en Ouganda actuellement, où il y a une vraie résurgence de l’épidémie d’Ebola », donne en exemple Kevin Goldberg. « Il y avait certainement des choses à dire et à faire sur le programme USAID, avec des vrais gains d’efficience possible, mais les conséquences de cet arrêt brutal n’ont peut-être pas été mesurées par ceux qui ont pris cette décision. »