Craintes d’un retour des jihadistes libérés en Syrie
En Syrie, le principal chef des rebelles promet de ne pas engager le pays dans une nouvelle guerre, après le départ de Bachar el-Assad. Malgré tout, dans certains pays étrangers, on observe la situation avec prudence. L’inquiétude grandit face à l’éventuel retour de jihadistes, par exemple en France ou en Tunisie.
En Syrie, certains islamistes français ont été libérés de prison ces derniers jours. Plus d’une centaine seraient présents dans le pays, mais il est difficile d’avoir des données exactes à leur sujet.
Ces jihadistes français libérés peuvent représenter une menace pour la France, comme le souligne Adel Bakawan, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste du Moyen-Orient, au micro d’Olivier Chermann du service France de RFI. « La menace est là et réelle. Pour le moment, cette menace est encadrée. Les autorités françaises ont une connaissance très précise de leurs profils, de leurs trajectoires. Chez les Kurdes, il y a des Français jihadistes incarcérés. Mais avec ces jihadistes libérés des prisons, oui, la menace est là. »
Les menaces sont multiples, comme « un retour au pays, l’organisation d’attentats, la vengeance des acteurs ultra-radicaux qui sortent de prison. À un moment donné, ils vont s’orienter vers leur pays. Et pour eux, leur pays, c’est l’Allemagne, la France, l’Angleterre, etc. ce sont des pays avec lesquels ils se voient toujours en guerre ».
Les autorités françaises insistent régulièrement sur la crainte que d’ex-jihadistes regagnent le territoire pour y commettre des attentats. « La menace à court terme pesant sur la France n’est pas relevée, mais nous suivons de près la situation en Syrie », a déclaré mardi une source sécuritaire française, rapporte l’Agence France presse. Cela pourrait changer « en cas d’instabilité prolongée, de recomposition des forces locales en présence, ou de libération » de jihadistes français se trouvant dans les prisons du nord-est syrien tenues par les Kurdes. Quant aux jihadistes français dans les prisons du régime syrien, il y en a « moins d’une dizaine », a-t-elle estimé.
Une centaine de Français engagés dans des groupes radicaux selon Olivier Christen
Une centaine de Français sont engagés dans des groupes islamistes radicaux qui ont renversé Bachar el-Assad en Syrie et vivent dans la poche d’Idleb depuis des années. En France, certains ont déjà été condamnés pour des « actes terroristes ». « Nous évaluons à une grosse centaine le nombre de ressortissants français » présents dans cette zone du nord-ouest syrien, a expliqué hier mardi au quotidien Le Figaro le procureur antiterroriste Olivier Christen.
Une trentaine sont affiliées au groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fer de lance de l’offensive rebelle avec l’aide d’autres mouvements plus ou moins radicaux.
Une cinquantaine de Français appartiendraient par ailleurs à la brigade du Franco-Sénégalais Oumar Diaby, alias Omar Omsen, soupçonné d’avoir convaincu de nombreux Français de rejoindre la Syrie. Arrêté par HTS en août 2020, il a été libéré en février 2022 sans que les raisons de son arrestation ne soient communiquées. « Nous ne savons pas exactement combien de ces combattants ont participé à l’assaut de Damas et dans quelle proportion », a précisé le procureur, relevant que certains d’entre eux passent parfois « d’un groupe à l’autre ».
Inquiétude en Tunisie
Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad dimanche dernier et la libération de tous les prisonniers qui s’est ensuivi, la Tunisie est inquiète. Des dizaines de jihadistes tunisiens figurent parmi ces prisonniers désormais libres. Après 2012, des milliers de Tunisiens, encouragés par les islamistes alors au pouvoir, ont rejoint la Syrie. Les gouvernements précédents ont refusé de coopérer avec les autorités syriennes pour leur retour.
Le chiffre exact de ces jihadistes tunisiens libérés en Syrie n’est pas connu. En 2015, le ministre de l’Intérieur de l’époque, a estimé à 2000 le nombre de Tunisiens présents sur le terrain du conflit en Irak et en Syrie.
Dans un passé proche, les forces sécuritaires tunisiennes ont été la cible des attaques des islamistes. Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, le président Kaïs Saïed, s’est montré particulièrement hostile envers les islamistes. En 2022, il a réactivé le dossier des jeunes Tunisiens envoyés entre 2012 et 2013 en Libye, en Irak et en Syrie pour combattre dans les rangs de jihadistes. Ce dossier, très compliqué, est depuis entre les mains de la justice tunisienne.
Les enquêtes ont révélé l’implication dans cette opération d’anciens ministres et parlementaires ainsi que des hommes d’affaires proches du mouvement islamiste Ennahda, rappelle Houda Ibrahim, du service Afrique. La liste recense, au total, une centaine de personnalités dont certains sont en prison. À leur tête, Rached Ghannouchi, l’ancien chef du mouvement et l’ancien Premier ministre Ali Larayedh.
Source : RFI