Corée du Sud : Le Parlement destitue le président Yoon, auteur d’une improbable loi martiale
Les députés sud-coréens ont destitué samedi le président Yoon Suk Yeol, après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale et de faire museler le Parlement par l’armée le 3 décembre. Les dizaines de milliers de manifestants massés à l’extérieur de l’Assemblée nationale ont explosé de joie à l’annonce par le président de la chambre Woo Won-shik du résultat du vote: 204 voix pour la destitution, 85 contre, 3 abstentions et 8 bulletins invalides.
La motion de destitution devait recueillir au moins 200 voix sur 300 pour passer. L’opposition, qui dispose de 192 députés, a donc réussi à faire basculer dans son camp 12 des 108 élus du Parti du pouvoir au peuple (PPP). Le président est désormais suspendu, dans l’attente de la validation de sa destitution par la Cour constitutionnelle sous 180 jours. Le Premier ministre Han Duck-soo assure l’intérim
.60 jours pour une présidentielle
« C’est une victoire du peuple et de la démocratie », s’est félicité Park Chan-dae, le chef de file des députés du Parti démocrate, la principale force d’opposition, juste après le vote. « Yoon Suk Yeol est le plus grand risque pour la République de Corée ».
La Cour constitutionnelle a six mois pour confimer ou infirmer la décision du Parlement. Trois de ses neuf juges ayant pris leur retraite en octobre sans être remplacés à cause du blocage politique, les six restants devront prendre leur décision à l’unanimité. Si la destitution est validée, une élection présidentielle anticipée aura lieu sous 60 jours.
Pas un cas inédit
« J’ai le coeur lourd. Je vais mobiliser toutes mes forces (…) pour assurer une gouvernance stable », a déclaré aux journalistes le Premier ministre et désormais président par intérim Han Duck-soo.
Yoon Suk Yeol, 63 ans, est le troisième président de l’histoire de la Corée du Sud à être destitué par le Parlement, après Park Geun-hye en 2017 et Roh Moo-hyun en 2004. Ce dernier avait cependant vu sa destitution invalidée par la Cour constitutionnelle deux mois après son adoption par les députés.
Le ministre de la Défense arrêté
Vendredi, le parquet a annoncé l’arrestation du chef du commandement militaire de Séoul, et un tribunal a lancé des mandats d’arrêt contre le chefs de la police nationale et celui de la police de Séoul, citant un « risque de destruction de preuves ».
L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme la personne ayant poussé le président à imposer la loi martiale, avait été le premier a être arrêté le 8 décembre. Il avait tenté deux jours plus tard de se suicider en détention. Yoon Suk Yeol avait sidéré la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en instaurant la loi martiale, une première en plus de quatre décennies dans le pays, et en envoyant l’armée au Parlement pour essayer d’empêcher les députés de se réunir.
Accusation contre le parlement
Dans un hémicycle cerné par les forces spéciales, les députés avaient tout de même réussi à tenir une séance d’urgence et à voter un texte réclamant l’abolition de la loi martiale, auquel le président avait été constitutionnellement obligé d’obéir.
Yoon Suk Yeol, un ancien procureur entré sur le tard en politique et élu président en 2022, avait justifié son coup de force par son désir de « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’Etat », accusant le Parlement dominé par l’opposition de torpiller toutes ses initiatives et de bloquer le pays.