Corée du Nord : Un nouveau complexe hôtelier, une « étape » pour attirer des touristes occidentaux ?
En chaussures cirées sur une plage de sable, Kim Jong-un pointe l’horizon avec l’index. Venu superviser un complexe hôtelier sorti de terre à Wonsan-Kalma, à l’est du pays, le dictateur nord-coréen a fait part de sa « grande satisfaction ».
Le dirigeant a qualifié cette infrastructure de « première grosse étape » en vue de développer le tourisme en Corée du Nord. Le défi est de taille pour ce pays en guerre, isolé et totalement bouclé depuis la pandémie de Covid, à tel point que même les nationaux présents à l’étranger n’ont pas pu rentrer au pays jusqu’en août 2023.
Depuis, seul un groupe de touristes russes a pu aller skier sur les montagnes coréennes près de Wonsan, en février dernier. La réouverture des frontières aux Occidentaux, annoncée pour décembre 2024, tarde à venir. Avant le Covid, Pyongyang accueillait chaque année quelques dizaines de milliers de touristes étrangers, principalement chinois, pour environ 5.000 occidentaux.
Un « potentiel », mais pas de « tourisme de masse » à prévoir
La volonté de développement touristique portée par le régime ne devrait pas faire exploser ce chiffrage assez modeste. Car, si la Corée du Nord a un « potentiel » touristique, « il n’y aura jamais de tourisme de masse », prévient Edouard George, un Français à la tête de Phoenix Voyages, une agence touristique tournée vers l’Asie et spécialiste des destinations difficiles d’accès (Corée du Nord, Turkménistan, Ouzbékistan etc…).
« Il n’y a pas assez d’infrastructures, ni d’avions, ni de dessertes », poursuit le voyagiste aux 44 virées en Corée du Nord, qui compte environ 200 clients français sur liste d’attente, prêts à arpenter le pays lorsque les visites reprendront.
Autre frein puissant, le coût du voyage. « Pour aller en Corée du Nord, il faut obligatoirement partir de Chine, il n’y a pas de vol direct, éclaire Luana Grandin, assistante de production spécialisée Asie du Sud-Est chez Les Maisons du Voyage, qui proposait des voyages organisés en Corée du Nord avant le Covid. Le prix d’appel va avoisiner les 5.000 euros, contre 3.000 à 3.500 pour un voyage en Chine. »
Visites (très très) guidées et curiosité
D’autant que les conditions du séjour sont particulières. « Des guides coréens suivent en permanence le groupe. Il n’y a pas de place pour les interactions avec les locaux, ou alors elles sont contrôlées. Disons qu’il ne faut pas sortir des sentiers battus », précise la spécialiste.
Car, en cas de sortie de route, les conséquences peuvent être tragiques. En 2017, Otto Warmbier, un étudiant américain en visite dans la capitale Pyongyang, avait tenté de voler une affiche de propagande. Emprisonné, il est mort dans des circonstances troubles, ce qui a provoqué l’interdiction par les autorités américaines du voyage à leurs ressortissants.
En dépit des contraintes et des risques, la destination continue de fasciner. « Sur notre site, la page dédiée à la Corée du Nord fait plus de vues que la Mongolie, ou Taïwan, relève Luana Grandin. Mais c’est sans doute dopé par la curiosité, car la majorité des clients ne vont pas jusqu’au bout ».
Edouard George, lui, n’arrive pas à dégager de profil type de touristes français attirés par la Corée du Nord. « Depuis que j’ai commencé en 2005, on a organisé des voyages pour des jeunes qui venaient se faire peur, pour des clients plus âgés venus voir le dernier pays stalinien, et aussi pour des grands voyageurs qui voulaient compléter leur liste de pays visités ».
Avec ses deux dessertes hebdomadaires depuis la Chine et depuis la Russie, la route vers la normalisation et la massification du tourisme semble encore longue pour Pyongyang.
Le métro de la capitale, les monuments consacrés au leader, le mont sacré Paektu (point culminant du pays) ou encore la visite de la zone démilitarisée restent encore des atouts bien gardés. Sans doute pour un bon moment.