International

Commerce, diplomatie, climat… Quelles sont les armes de l’UE pour un bras de fer avec Donald Trump ?

«L’Union européenne a été conçue pour entuber les États-Unis ! » D’une énième saillie totalement infondée, Donald Trump a déclaré mercredi la guerre commerciale à l’UE, piétinant un nouvel allié. La visite d’Emmanuel Macron lundi à Washington aura donc été vaine : le président américain a déclaré son intention de taxer à 25 % les produits européens.

La réaction ne s’est pas fait attendre à Bruxelles. « L’UE a été une aubaine pour les Etats-Unis », a rétorqué la Commission européenne dans un communiqué, ajoutant qu’elle prendrait « fermement et immédiatement » des mesures. Mais l’UE peut-elle vraiment se poser en opposante à Donald Trump ? Ce conflit peut-il aller au-delà d’une guerre commerciale et avoir des conséquences diplomatiques, militaires ou environnementales ? 20 Minutes fait le point.

La guerre commerciale

Dans le domaine du commerce, le conflit est plus que certain : il a déjà commencé. « L’UE peut et va prendre des mesures de rétorsion, elle l’a déjà fait par le passé », assure Olivier Rozenberg, professeur associé à la LUISS. Lors du premier mandat de Donald Trump, un bras de fer avait déjà eu lieu, lorsque le président américain avait décidé de taxer l’acier et l’aluminium européen. L’Europe avait alors réagi en imposant des taxes sur « certains produits culturels symboliques des Etats-Unis » comme le bourbon, les jeans et les Harley Davidson.

Avec une offensive plus globale de Donald Trump à l’orée de ce second mandat, l’UE pourrait-elle rester sur le même périmètre de produits visés ? « On attend les propositions », reprend Olivier Rozenberg. « Trump est dans une logique de deal et contredeal, décrypte Joséphine Staron, directrice des études du think tank Synopia. Les chiffres qu’il a donnés sont faux, mais il faut lui proposer un deal qu’il considérera à son avantage. » Droits de douane en miroir, plainte auprès de l’OMC ou guerre ouverte avec « des restrictions », tout reste ouvert pour le moment. « La force de l’Europe c’est son marché, le premier mondial », défend la docteure en philosophie politique.

D’autant plus que le président américain n’aura pas de marge de manœuvre pour s’immiscer les Etats européens, puisque « la politique économique est une compétence exclusive de l’UE », souligne-t-elle. Autrement dit, soit il impose ses droits de douane aux Vingt-Sept, soit à aucun. Impossible donc d’exonérer le Danemark contre la cession du Groenland, par exemple. Moteur économique de l’Europe, l’Allemagne souhaitait jusqu’ici éviter le conflit. Mais « le mal est fait maintenant », et Friedrich Merz, futur chancelier allemand, a récemment déclaré vouloir « atteindre progressivement l’indépendance vis-à-vis des États-Unis ».

Sur les plans diplomatique et militaire, difficile de quitter la table

Dans la même déclaration, sur le plateau de « Berliner Runde », Friedrich Merz a ouvert la porte à une fin de l’Otan sous sa forme actuelle, et à « une capacité de défense européenne indépendante ». Alors que Donald Trump s’adonne depuis plusieurs mois à une forme de chantage sur l’implication américaine dans la défense de ses alliés, la question devenait inévitable. Mais « la raison du plus armé s’impose », estime Olivier Rozenberg, qui souligne que « les pays d’Europe dépensent moins que les Etats-Unis dans l’armement », et qu’une armée européenne est surtout un vieux serpent de mer.

L’Europe peut toujours « faire valoir sa voix plus critique envers Poutine », mais à défaut de pouvoir « se substituer aux Etats-Unis pour défendre l’Ukraine », l’effet risque d’être limité sur ce dossier. « Si on ne montre pas qu’on est capables d’offrir des garanties à l’Ukraine, Vladimir Poutine n’attendra pas dix ans pour menacer les pays baltes ou la Pologne », prévient Joséphine Staron.

Notre dossier sur la guerre en Ukraine

L’unité des pays européens reste donc de mise, mais aussi la solidarité avec l’allié anglais. « Le Royaume-Uni tend à revenir vers le côté européen avec Keir Starmer, mais Donald Trump peut lui demander de choisir son camp », craint-elle. Car le président américain « veut défaire la relation transatlantique historique » pour considérer l’Europe « au même rang » que les autres puissances : un concurrent autant qu’un partenaire, c’est selon.

D’autres leviers à actionner

L’Europe peut encore s’éloigner des Etats-Unis sur d’autres grands dossiers internationaux, où d’autres alliances sont possibles. Depuis la nouvelle sortie de Washington de l’accord de Paris sur le climat, « c’est de plus en plus clair qu’il y a un divorce » sur le sujet de l’environnement, pointe Olivier Rozenberg. Entre un Vieux Continent qui veut tourner la page des voitures thermiques et une Chine désireuse d’être en pointe sur la technologie, le chercheur en sciences politiques imagine « un rapprochement sino-européen qui singulariserait les Etats-Unis du côté du carbone ».

Enfin, pour revenir à un duel plus frontal, l’Europe a encore une carte à jouer : les réseaux sociaux et leur régulation. « C’est l’un des nerfs de la guerre », estime Olivier Rozenberg. L’ingérence dans les élections européennes de X, propriété d’Elon Musk, qui n’hésite pas à y faire la pub des partis d’extrême droite, figure parmi les défis majeurs de l’Union dans les mois à venir, tandis que Google et Facebook tentent d’échapper à certaines règles européennes. « La taxe carbone, la réglementation des réseaux sociaux, ce sont des leviers », pointe Joséphine Staron. « Ce serait une défaite de l’UE si elle cédait sur ce sujet », clôt Olivier Rozenberg.