Cessez-le-feu à Gaza : Après 15 mois de guerre, le Hamas est-il vraiment moins puissant ?
Près de 15 mois après le début de l’invasion de la bande de Gaza par l’armée israélienne, le compte n’y est pas pour Benjamin Netanyahou. L’objectif principal « d’éradiquer le Hamas » n’a pas été atteint, et ce sont les territoires palestiniens et ses habitants qui en paient le prix.
Alors qu’un accord de cessez-le-feu est en passe d’être signé, c’est un Hamas certes amoindri qui est à la table des négociations, mais absolument pas détruit.
Un Hamas décimé, mais bien vivant
« Israël sort de cette guerre plus victorieux que ce qui était attendu » assure David Benaym, journaliste installé en Israël, pour lui, c’est le nouvel isolement du groupe qui est le plus important, mais surtout « inattendu » : « Au lendemain du 7 octobre, on espérait seulement retrouver les otages et un peu de sécurité. Un an après, le Hezbollah et les alliés du Hamas sont affaiblis, les chefs de ces mouvements comme Sinwar et Nasrallah ont été éliminés. »
Aujourd’hui sans tête ni ligne directrice, après la mort de la grande partie de son état-major, le Hamas a aussi perdu ses capacités de production, et notamment son usine de missiles, détruite par les bombardements israéliens. Le groupe terroriste ne peut plus fabriquer d’armes et dépend désormais entièrement des moyens de ses alliés, qui ont de plus en plus de mal à en faire rentrer dans Gaza. Quant à ses effectifs, évalués à environ 30.000 hommes avant l’offensive, ils n’auraient pas été si affectés que ça si l’on en croit le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, qui affirmait en début de semaine que l’organisation terroriste palestinienne avait réussi à recruter « presque autant de nouveaux militants qu’elle en a perdus » depuis le début du conflit, une estimation difficile à évaluer sur le terrain.
Pour le colonel Michel Goya, auteur de L’embrasement aux éditions Michel Laffont-Perrin, cet accord de cessez-le-feu ne va pas empêcher les deux camps de revendiquer la victoire militaire : « Les Israéliens se targuent d’avoir tué 17 000 membres du Hamas et de ses alliés, réduit à néant son commandement et ses capacités militaires. Mais de l’autre côté, le Hamas dit « nous sommes toujours là, nous avons résisté à l’agresseur » et le combat continue. » De plus, le groupe terroriste a réussi à obtenir la libération de nombreux prisonniers palestiniens, essentiel pour obtenir le soutien du peuple.
La sécurité plutôt que la paix ?
Mais pour combien de temps ? Pour le colonel, la stratégie israélienne, identique depuis les années 2000, ne peut que produire les mêmes effets. « A chaque fois, l’armée tente de contrôler des zones à distance, en lançant des campagnes aériennes et quelques raids, puis les campagnes s’arrêtent et Israël affirme être en sécurité. » Une tactique qui ne fait que renforcer le groupe terroriste, qui trouve dans les civils touchés, dont les familles ont été tuées, de nouveaux adhérents.
Tout juste signé, ce cessez-le-feu ne garantira ni la paix, ni une solution durable à deux Etats, mais seulement la sécurité d’Israël pour les « 5, 10, 15 prochaines années » assure David Benaym. Une vision « court-termiste » pour Ofer Bronchtein, militant pour la paix et chargé de mission auprès d’Emmanuel Macron sur le conflit israélo-palestinien. Pour le spécialiste, c’est « l’idéologie djihadiste » qui doit être combattue, et par d’autres moyens que les armes. « Il faut en combattre les sources, qui sont l’ignorance et la pauvreté. »
Il appelle notamment la communauté internationale à reconnaître l’Etat palestinien : « S’il y avait eu un État palestinien, il n’y aurait pas eu de 7 octobre. A Gaza il y a des milliers d’orphelins, qui ont perdu leur famille, leur maison, qui dorment par terre dans la boue et la pluie. » Des jeunes « sans perspective », qui selon lui, n’hésiteront pas à rejoindre le Hamas s’ils ne se voient pas d’autre avenir.