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« Cela fait 30 ans qu’on n’a pas vu une telle grève »: chaos en Allemagne suite à une mobilisation d’une rare ampleur

L’Allemagne frappée par une « méga-grève » dans les transports

Devant la gare de l’Est, à Berlin, totalement vide, une centaine de salariés en grève, membres du syndicat EVG, ont battu le pavé toute la matinée. Leur revendication : obtenir une hausse de salaire de 12 % ou 650 € par mois, non seulement pour compenser mais aussi pour aller au-delà de la forte inflation qui touche l’Allemagne depuis l’invasion de l’Ukraine et la flambée du coût de l’énergie. Après une hausse de 7,9 % l’an dernier, les prix à la consommation ont encore augmenté de 8,5 % en février.

Empty escalators are pictured during a one-day wage strike of the public transport sector at Berlin�s main central station Hauptbahnhof on March 27, 2023. - Transport staff across Germany staged a major strike to push for wage hikes in the face of brisk inflation, bringing commuter lines to a halt in many cities. Workers at airports, ports, railways, buses and metro lines throughout much of Europe's top economy heeded a call by the Verdi and EVG unions for the 24-hour walkout. (Photo by Tobias SCHWARZ / AFP)
Les escalators étaient vides, ce 27 mars, à la gare centrale de Berlin. ©AFP or licensors

“La hausse des prix est énorme”, constate Cosima Ingolschay, représentante du syndicat EVG à Berlin, et présente lors de ce rassemblement. “Les hausses de salaires ont été très limitées avec le Covid et maintenant la situation est telle que les collègues n’ont pas assez d’argent à la fin du mois. Beaucoup d’entre eux quittent le secteur. Si nous voulons conserver ces salariés, nous devons augmenter les salaires. Et si nous voulons assurer la transition écologique du secteur des transports, grâce au ferroviaire, nous devons proposer des conditions de travail attractives”, assure-t-elle.

La culture du consensus

Si ces deux grèves dites d’avertissement interviennent dans le cadre de négociations salariales, elles étonnent par leur simultanéité. En Allemagne, les négociations se chevauchent rarement et les syndicats ont rarement l’occasion d’unir leurs forces. Or cette fois, non seulement EVG mais aussi Ver.di négocient des hausses de salaires pour 2,5 millions de salariés de l’État fédéral et des collectivités locales.

Cette grève dans les transports suit donc une série de débrayages dans les crèches, écoles et hôpitaux et fait craindre à certains une perte de contrôle. “Les syndicats font leurs adieux à la tradition éprouvée qui veut qu’en Allemagne, les solutions soient trouvées à la table des négociations”, commentait, dans les médias locaux, Ralph Beisel. Le représentant de la fédération des aéroports craint une “escalade sur le modèle français” et évoque le risque d’une “grève générale”.

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Les syndicats font leurs adieux à la tradition éprouvée qui veut qu’en Allemagne, les solutions soient trouvées à la table des négociations.

L’Allemagne est-elle vraiment en train de perdre sa culture du consensus, comme le redoutent certains ? Dominik Grillmayer, de l’Institut franco-allemand de Ludwigsbourg, n’y croit pas. “La situation est en effet spéciale avec une forte inflation. Cela fait 30 ans qu’on n’a pas vu une telle grève, mais cela ne signifie pas que le dialogue social soit en panne”, estime-t-il. “Il est vrai que les syndicats font monter la pression de plus en plus tôt lors des négociations salariales, mais ils ont un argument de poids : la pénurie de main-d’œuvre. Pour y faire face, il faut rendre l’économie allemande attirante, notamment via de bons salaires. Mais au final, je suis convaincu qu’un accord sera trouvé. Il sera sûrement douloureux pour les deux parties, trop coûteux pour les employeurs, pas assez élevé pour les salariés”, estime ce politologue.

Une atmosphère tendue au sein de la coalition

Si les négociations s’annoncent difficiles entre partenaires sociaux, elles le sont tout autant au sein du gouvernement fédéral. Après 19 h de réunion, sociaux-démocrates, écologistes et libéraux qui gouvernent l’Allemagne depuis plus d’un an, ont échoué à se mettre d’accord ce lundi sur la suite de leur politique à mener, et notamment sur les arbitrages destinés à boucler le budget 2023.

Les trois partenaires reprendront leur dialogue ce mardi, sous la direction du chancelier Olaf Scholz, dans un climat particulièrement tendu.