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#CasserolesChallenge: le son des casseroles pour accueillir Emmanuel Macron, une vieille tradition française

Des casseroles guère improvisées

Les “comités de non-accueil” (sic), composés essentiellement de syndicalistes et d’adhérents des partis d’opposition de gauche, multiplient les casserolades de manière très organisée. L’association Attac cartographie tous les déplacements du président et des membres du gouvernement sous la bannière “On ne les lâche pas ! ” et le hashtag #CasserolesChallenge. Et des applications pour smartphones comme Cacerolazo et Cassolada 2.0 reproduisent le bruit d’un concert de casseroles.

Cela donne parfois des scènes ubuesques : le 20 avril à Ganges dans l’Hérault, à l’occasion de la venue du chef de l’État, les gendarmes ont fouillé chaque sac et manifestant à l’entrée de la commune et ont confisqué les casseroles et cuillères en bois trouvées, le préfet du département ayant pris la veille un arrêté interdisant tout “dispositif sonore portatif”. Emmanuel Macron crut bon alors d’ironiser sur ce nouveau mode de protestation, en lançant “les œufs et les casseroles, c’est pour faire la cuisine chez moi”.

Du gilet jaune à la “casserolade”

Ces ustensiles de cuisine sont devenus le symbole de l’opposition à la réforme des retraites. “La casserole, nous explique Christian Salmon, écrivain, chercheur au CNRS et chroniqueur à Slate, c’est la réponse carnavalesque du peuple à la non-écoute, supposée ou réelle, du pouvoir. ‘Vous ne nous avez pas écoutés, on ne vous écoute plus non plus’, disent ces gens, jetant ainsi le discrédit sur le récit raconté par le pouvoir”. On pourrait ajouter qu’avec le gilet jaune, les Français disaient ‘Regardez-nous’ ; avec la casserole, ils disent ‘Entendez-nous’.

Et pourquoi donc la casserole, et non pas un sifflet ou un tambour ? Pour plusieurs raisons, estime l’historien. “D’abord, la casserole est un signifiant vide. C’est un réceptacle dans lequel chacun peut déposer ses revendications. Ensuite, c’est un moyen efficace – il suffit d’en avoir trente pour faire taire le chef de l’État -, mobile et à la portée de tous. C’est en outre un instrument de survie qui évoque l’inflation des prix de l’alimentation. La casserole est puissante et pacifique, parfois préférée par les manifestantes aux autres formes de protestation supposées plus viriles, comme les feux de poubelles”.

L’utilisation des casseroles à des fins politiques ne date pas d’hier. Cette pratique s’inspire des charivaris du Moyen-Âge : on tapait alors dans les campagnes sur des chaudrons sous les fenêtres de celui que l’on cherchait à humilier, comme une sorte de justice populaire. Au XIXe siècle, le rituel se politise et gagne la ville. Les républicains organisent des casserolades pendant l’installation de la monarchie de Juillet en 1830. Depuis, elles s’exportent dans le monde entier. Les manifestants anti-Allende au Chili tambourinent sur des cocottes en 1973, les Argentins sortent leur batterie de cuisine contre les politiques du FMI en 2008 et les Islandais pour faire tomber le gouvernement en 2009. Au Québec, en Espagne, au Liban, les manifestants ne vont plus sous les fenêtres des hommes politiques mais ils occupent l’espace public par le bruit. Au grand dam des responsables politiques, qui peinent parfois à comprendre qu’on ne veuille plus les entendre !

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