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« Bloody Sunday » : 53 ans après, acquittement d’un soldat pour deux meurtres

L’ancien parachutiste, connu sous le nom de « soldat F », a été acquitté à Belfast des accusations de deux meurtres et cinq tentatives de meurtre lors du « Bloody Sunday » en 1972. Le procès a débuté le 15 septembre et a révélé des divergences dans les témoignages des soldats présents lors des événements.


L’ancien parachutiste, connu sous le nom de « soldat F » pour des raisons juridiques, était jugé à Belfast pour le « Bloody Sunday », un événement survenu il y a plus de cinquante ans. Le tribunal l’a finalement acquitté. Il était accusé de deux meurtres et de cinq tentatives de meurtre durant ce tragique dimanche de 1972, l’un des épisodes les plus sombres du conflit nord-irlandais. « Je déclare l’accusé non coupable des sept chefs d’accusation », a affirmé le juge Patrick Lynch, en mettant en avant le manque de preuves.

Le 30 janvier 1972, à Londonderry (ou Derry), des parachutistes britanniques avaient ouvert le feu sur une manifestation pacifique de militants catholiques, causant la mort de treize personnes et blessant au moins quinze autres. Le soldat F était accusé des meurtres de James Wray et William McKinney, ainsi que de cinq tentatives de meurtre.

Le verdict a été prononcé devant une salle comble, avec la présence de nombreuses familles de victimes, qui ont accueilli la décision dans le calme. « Les responsables devraient avoir honte », a déclaré le juge lors de son verdict. Cependant, il a souligné que « quels que soient les soupçons que le tribunal peut avoir sur le rôle de F, ce tribunal est contraint et limité par les preuves présentées », ajoutant qu’elles devaient être « convaincantes et manifestement fiables », ce qui, selon lui, n’était pas le cas.

« Le déni de justice persistant pour les familles du « Bloody Sunday » est profondément décevant », a déclaré sur X Michelle O’Neill, la Première ministre d’Irlande du Nord et membre du parti nationaliste Sinn Fein.

L’armée britannique a longtemps soutenu que les parachutistes avaient réagi aux tirs de « terroristes » de l’IRA (Armée républicaine irlandaise, des paramilitaires opposés à la présence britannique en Irlande), une version soutenue par un rapport établi hâtivement. Malgré de nombreux témoignages contredisant ces allégations, il a fallu attendre 2010 pour que l’innocence des victimes soit officiellement reconnue, celles-ci ayant été touchées, pour certaines, dans le dos ou alors qu’elles étaient à terre, brandissant un mouchoir blanc. À l’époque, le Premier ministre britannique, David Cameron, avait présenté des excuses officielles en qualifiant les événements du « Bloody Sunday » d’« injustifiables ».

Ce verdict, rendu dans un procès qui a débuté le 15 septembre, était très attendu en Irlande du Nord, où des décennies de violences intercommunautaires ont laissé des blessures profondes. « Soldat F », qui a plaidé non coupable, a été caché derrière un rideau bleu durant tout le procès pour préserver son anonymat. Ses avocats ont affirmé que sa sécurité était en danger. Il n’a pas témoigné.

Le représentant de l’accusation, Louis Mably, avait décrit lors du procès les tirs de l’armée britannique alors que des civils non armés prenaient la fuite. Ces actes ont été commis « sans justification » et « avec l’intention de tuer », avait-il déclaré, ajoutant : « Ce sont les ingrédients d’un meurtre ». Cependant, il a aussi précisé : « La seule question dans cette affaire est de savoir si F faisait partie des soldats ayant participé à cette fusillade, soit en tant qu’auteur principal, soit en tant que participant secondaire ». Les principaux éléments de preuve reposaient sur d’anciennes déclarations de deux parachutistes, soldats G et H, qui étaient avec F lors des tirs. Toutefois, selon la défense, ces déclarations étaient contradictoires entre elles et avec les récits d’autres témoins présentés au procès. Le parquet nord-irlandais avait engagé des poursuites contre le soldat F en 2019, lesquelles avaient été abandonnées puis relancées en 2022.

Au moment du verdict, le frère de l’une des victimes du « Bloody Sunday » a dénoncé ce jeudi « la responsabilité » de l’État britannique dans l’acquittement du soldat. « La responsabilité incombe clairement à l’État britannique », a affirmé Mickey McKinney, estimant que cet acquittement était loin d’être « honorable ».