Australie : Une loi pour emprisonner les enfants dès 10 ans adoptée face à la criminalité juvénile
On a de la peine à y croire. Et pourtant. En Australie, l’assemblée de l’État du Queensland vient d’adopter un texte punitif permettant d’infliger les mêmes peines d’emprisonnement à des enfants de 10 ans qu’à des adultes. Une mesure prise dans le but d’enrayer « la criminalité infantile » qui progresse dans cet état célèbre dans le monde entier pour sa fabuleuse grande barrière de corail, ses plages de rêve et ses spots de surf. Derrière la carte postale se cache une autre réalité. Dans cet état où 25 % de la population est née à l’étranger, les autorités font face à une montée en flèche de la délinquance juvénile. Selon les statistiques officielles, le nombre d’enfants délinquants âgés de 10 à 17 ans au Queensland a augmenté de 6 % sur un an entre juin 2022 et juin 2023.
Une criminalité jugée « exceptionnelle » qui a poussé le Premier ministre conservateur du Queensland, David Crisafulli à pousser pour l’adoption d’un texte particulièrement sévère. Son administration a d’ailleurs reconnu que la loi était « incompatible » avec les droits humains et qu’elle aurait probablement un « impact plus important » sur les enfants aborigènes. Mais il a décidé de passer outre, et a pu compter sur le soutien des parlementaires travaillistes de l’opposition de centre gauche.
Les enfants aborigènes plus touchés
Les défenseurs des droits humains s’étouffent face à ce texte accusé de pénaliser de manière disproportionnée les enfants aborigènes. Le Centre juridique indépendant des droits de l’homme d’Australie redoute qu’il conduise à incarcérer un plus grand nombre d’enfants dans des maisons de surveillance peu sûres, ou des prisons pour jeunes délinquants. « Ces politiques ne s’attaquent en rien aux causes profondes de la criminalité juvénile : traumatismes intergénérationnels, pauvreté, racisme systémique, accès insuffisant à des services de soutien sûrs », a souligné le directeur national de l’organisation, Blake Cansdale.
Ann Skelton, présidente du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, a affiché sa « consternation » : « Nous ne pensons pas que de soit-disant circonstances exceptionnelles justifient ce mépris flagrant des droits de l’enfant, ni que cela rendra le Queensland plus sûr », s’est-elle indignée. Elle a jugé « ahurissant » que le procureur général du Queensland lui-même ait reconnu que les peines les plus sévères du texte violeraient plusieurs dispositions du droit international.
Le procureur général avait cependant estimé, dans un avis aux parlementaires, que « la situation exceptionnelle en matière de criminalité juvénile » permettait « d’ignorer » une loi australienne de 2019 sur les droits de l’homme.