Argentine : Mais pourquoi Javier Milei ouvre-t-il les archives nazies dans son pays ?

C’est un événement qui s’est passé cette semaine en Argentine. Lundi, Javier Milei a annoncé la déclassification d’archives du renseignement portant sur la dernière dictature militaire, à l’occasion de la commémoration du 49e anniversaire du coup d’État de 1976.
Dans le même temps, le président élu en 2023 a également demandé à ce que soient déclassifiés d’importants documents révélant l’identité des nazis qui ont fui vers l’Argentine après la Seconde Guerre mondiale. Une donnée qui est davantage passée sous les radars, mais qui relève pourtant d’un double coup, politique et diplomatique, pour celui qui fait l’objet de fortes contestations dans son pays.
Disqualifier les accusations de révisionnisme
Promise à un centre américain en février dernier, cette annonce a été reçue positivement par des associations juives et des descendants de victimes de la Shoah. En plus d’informations sur les 10.000 criminels nazis qui se sont cachés en Amérique latine après la Seconde Guerre mondiale, parmi lesquels Adolf Eichmann ou encore Josef Mengele, ces documents pourraient permettre aux familles d’en apprendre plus sur les circonstances de morts, d’exécutions et lieux d’inhumation de leurs proches.
Mais plus que cette simple réponse à une demande légitime, Javier Milei pourrait y trouver, lui aussi, son compte. Au niveau national d’abord. Lui qui est souvent qualifié de dictateur en puissance, voire d’héritier de Juan Perón, cette nouvelle transparence lui permet de se détacher de cette image. « C’est une manière de disqualifier les accusations de révisionnisme à son encontre. Bien qu’il soit profondément révisionniste sur la dictature, il pourra désormais répondre : “C’est faux, la preuve, j’ai fait toute la transparence en ouvrant les archives” », explique Olivier Compagnon, professeur d’histoire contemporaine et spécialiste de l’Amérique latine à l’Université Sorbonne Nouvelle.
Renforcer son alliance avec l’axe Trump-Netanyahou
Mais dans le même temps, Javier Milei espère faire coup double selon le professeur d’histoire : « Les choses les plus graves, déjà documentées par les historiens, n’ont jamais été laissées aux archives. » Aussi, et comme lui reprochent beaucoup de ses opposants en Argentine, cela peut lui permettre de « montrer » que la dictature finalement n’était pas « si terrible que ça »… Tout bénef pour le président argentin.
Mieux, cette nouvelle transparence devrait renforcer ses liens à l’international. Cette déclassification a été demandée par le centre Simon Wiesenthal de Los Angeles (du nom du célèbre « chasseur de nazi »). Une demande appuyée par un sénateur américain, Charles Grassley, également président de la commission judiciaire du Sénat américain.
« Miley est clairement aligné avec Washington et Trump à l’international. C’est-à-dire qu’il est aussi aligné avec Benyamin Netanyahou dans le conflit israélo-palestinien », ajoute Olivier Compagnon. Or, la société argentine a longtemps connu un antisémitisme en diverses strates. Un antisémitisme catholique « très lié à la nature du catholicisme espagnol, contre le juif d’Egypte, le tueur du Christ », puis un antisémitisme « beaucoup plus racialisé » à partir des années 1920-1930, explique le spécialiste.
Ainsi, en dévoilant les archives nazies de son pays, Javier Milei espère laver l’Argentine de cette image et renforcer sa position dans l’axe Etats-Unis-Israël.