Argentine : C’est quoi le « Cryptogate » qui secoue le président Javier Milei ?

De 4 dollars le jeton à quelques centimes en quelques heures à peine. L’effondrement soudain de la cryptomonnaie $LIBRA dans la nuit de vendredi à samedi, dont le président argentin Javier Milei avait fait la promotion le jour précédent, a fait beaucoup de perdants et une poignée de gagnants.
La justice s’est saisie de l’affaire alors que plus d’une centaine de plaintes ont été déposées par des organismes et des individus, tandis que le président argentin, libertarien revendiqué, traverse sa première crise politique depuis son arrivée au pouvoir il y a quatorze mois. On fait le point sur cette affaire du « cryptogate » qui secoue l’Argentine et son président Javier Milei.
De quoi on parle ?
Vendredi, peu après 19 heures, Javier Milei et ses 3,8 millions de followers sur X a relayé un message sur le lancement d’une cryptomonnaie, la $LIBRA, visant à « stimuler la croissance de l’économie argentine » en finançant des PME.
Près de quatre heures plus tard, le président ultralibéral supprime cette publication et publie un autre message dans lequel il explique, « après avoir pris connaissance » des détails du projet $LIBRA, ne « plus continuer à lui donner diffusion ».
Entre-temps, la cryptomonnaie a bondi de quelques dizaines de cents à près de 5 dollars, avant de s’effondrer à nouveau. En quelques heures, le volume de transactions atteint « plus de 4,5 milliards de dollars », selon des experts, dont Javier Smaldone, informaticien et influenceur connu pour sa dénonciation d’arnaques pyramidales.
Selon une des plaintes déposées lundi par l’ONG l’Observatoire du droit de la ville, les opérations autour de la $LIBRA auraient « affecté plus de 40.000 personnes, avec des pertes de plus de 4 milliards de dollars ».
D’où vient la $LIBRA ?
Cette cryptomonnaie a été lancée par deux sociétés, Kelsier Ventures et KIP Protocol. A la tête de Kelsier Ventures se trouve un Américain, Hayden Davis, qui se définit comme « investisseur et consultant » dans le domaine des « blockchains, crypto et IA ».
Javier Milei l’avait reçu en janvier, saluant « une conversation très intéressante » sur l’impact et les applications de la blockchain et de l’intelligence artificielle. Dans un communiqué, Hayden Davis a assuré « n’avoir reçu » aucun des fonds générés par $LIBRA, dont il n’est que le « gardien ». Mais il a regretté que « malgré des engagements antérieurs, Milei et son équipe aient de façon inattendue revu leur position et retiré leur soutien » au projet.
Comment Javier Milei se défend-il ?
Adoptant un ton combatif, Milei a minimisé son rôle dans une longue interview télévisée lundi, affirmant n’avoir nullement « promu », ou « recommandé » mais juste « diffusé » un projet qui lui avait paru « intéressant ». Pour lui, les opérateurs de cryptoactifs qui ont investi sont des « traders de volatilité », et « savaient très bien ce qu’ils faisaient ». « Si tu vas au casino et que tu perds de l’argent, de quoi tu peux te plaindre si tu savais qu’il y avait ces risques ? ». Pour lui, c’est « un problème entre (personnes) privées ».
Un extrait, finalement retiré de cette interview pré-enregistrée, est devenu viral mardi, portant sur un échange à propos du compte X sur lequel Javier Milei a relayé le message :
– « C’est mon compte personnel », dit le dirigeant.
– « Oui, mais vous êtes président… », répond l’intervieweur disant que « cela pourrait vous mettre dans un pétrin judiciaire ».
Quelles procédures judiciaires pourraient suivre ?
Plus d’une centaine de plaintes ont été déposées par des organismes et des individus. Elles sont centralisées par une juge et un procureur. Le Bureau anti-corruption a été saisi par la présidence pour enquêter sur une éventuelle « conduite inappropriée d’un membre du gouvernement, y compris le président ».
La présidence a annoncé une enquête distincte sur le lancement de la $LIBRA « et les sociétés ou personnes impliquées » par une unité de spécialistes des cryptoactifs et de la finance. Javier Milei a affirmé n’avoir « rien à cacher » ni rien à craindre : « Si la justice démontre qu’une guillotine doit couper une tête, allons-y ! » Le porte-parole présidentiel a indiqué mardi « ne pas savoir » encore qui défendrait le président. En tant que président, Javier Milei jouit d’une immunité judiciaire que seule pourrait lever une procédure parlementaire de destitution, jugée hautement improbable.