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Argentine : Après un an au pouvoir, le bûcheron Javier Milei peut-il devenir une inspiration pour les politiques en France ?

10 décembre 2023. Javier Milei prend les rennes d’une Argentine à bout de souffle économiquement. Armé de sa tronçonneuse, il promet de déchiqueter les comptes publics pour donner un peu d’air au pays. Parole tenue un an plus tard, avec une baisse des dépenses publiques de 33 % et plus de 30.000 emplois supprimés. Pour quel résultat ? L’inflation est passée de 25 % par mois à 2,7 % en décembre 2024, le FMI prévoit une croissance de 5 % pour l’année à venir, et le pays enregistre chaque trimestre des excédents budgétaires. Mais 53 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, contre 42 % avant la venue au pouvoir du serial killer de fonctionnaires.

Si on excepte ce « petit détail » de quatre millions de pauvres supplémentaires, reste quelques bons chiffres macroéconomiques. Suffisant pour dresser des portraits élogieux à l’international. Alors qu’en France, la dette publique et le déficit vivent un dérapage dantesque, certains politiques tricolores pourraient-ils s’inspirer de la tronçonneuse de la pampa ?

Un populisme libéral somme toute classique

Le courant Milei se décline déjà aux Etats-Unis, avec Elon Musk nommé ministre de l’efficacité et en guerre ouverte contre l’administration publique. « La rhétorique du président argentin n’a rien de nouveau dans le populisme libéral », estime ainsi Alexandre Eyries, enseignant-chercheur spécialiste de communication politique à l’Université Catholique de l’Ouest. Avec une rengaine connue : « Les acteurs au pouvoir sont corrompus et s’appuient sur une énorme administration publique à leur botte pour asseoir leur domination. Il faut donc charcuter ces fonctionnaires pour libérer le peuple. »

Une telle action est présentée comme doublement bénéfique puisque ce populisme s’appuie aussi sur l’idée de la redistribution. « Si l’argent ne va pas dans le public, elle ira dans les poches des salariés. Mais évidemment, la réalité économique est plus complexe », indique l’expert.

En octobre dernier encore, Valérie Pécresse, candidate LR à la dernière présidentielle, plaidait sur RMC pour « un comité de la hache. » Le reste de ses propos n’avait rien à envier à du Javier Milei pur jus : « Il faut assumer de prendre une hache et de découper en petits morceaux tous ces codes, de supprimer toutes ces agences qui démembrent l’Etat. »

Les politiques français peuvent-ils se montrer libéraux ?

Si la politique française ne manque pas de populisme, « elle n’est pas très libérale. Ce mot garde une connotation très négative dans le pays », développe Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle des Epargnants. Le Rassemblement national ? « Leur programme économique est plutôt socialisant, surtout en comparaison de Milei ». La droite ? « Plus conservatrice que libérale ». Le camp présidentiel ? « Celui de l’argent magique et du Quoi qu’il en coûte », pas vraiment des politiques Milei-compatibles. Et la gauche a naturellement été écartée d’office de ce questionnaire.

L’économiste poursuit : « Sur la forme et le discours, Javier Milei peut inspirer, à l’image de Donald Trump. Mais dans le fond, la population française est plutôt favorable à la dépense publique ». Certes, dans les années 1980, Margaret Tatcher et Ronald Reagan « avait fait naître quelques poussées libérales chez nos politiques, mais bien éphémères. » Encore aujourd’hui, l’Etat pèse pour 65 % du PIB en France, contre 37,8 % en Argentine en 2023, avant-même que Javei Milei ne mette son tablier de bûcheron. Et en mai 2024, Marine Le Pen, présente en Espagne avec d’autres leaders d’extrême droite – dont le tronçonneur d’Amérique latine –, indiquait « avoir de sérieuses divergences » avec sa politique.

Contraire aux valeurs de la droite française

D’autant que le Milei-lisme ne se réduit pas à du libéralisme économique. « C’est un anarcho-libéral, détaille Jonathan Marie, professeur d’économie à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine de l’université Sorbonne-Nouvelle. Il ne veut pas seulement libéraliser l’économie, mais aussi totalement détruire l’Etat. En ce sens, il se distingue d’un Trump qui souhaite certes moins d’administration, mais instaure un protectionnisme et un Etat qui reste fort. »

Or, une telle philosophie a peu de chances d’arriver en France : « Ce serait un retournement majeur chez la droite gaulliste », s’étonnerait Jonathan Marie.

Le précédent Menem

Dernier limite à l’importation du Milei-isme en France, et non des moindres : son « succès », relatif, n’est peut-être qu’éphémère. Dans les années 1990, l’Argentine, une fois encore en situation d’hyperinflation, avait déjà mis au pouvoir un président ultralibéral, Carlos Menem. Arrivé en 1989, « il connaît dans ses premières années des succès macro-économiques, et se voit porté aux nus à l’international, comme Javier Milei actuellement », développe Jonathan Marie.

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Mais la réussite des débuts s’estompe vite : « L’ultra-libéralisme argentin stabilise certes la situation intérieure, notamment l’inflation, mais rend la situation économique globale encore plus irrégulière, renforce les inégalités, et détruit l’économie locale. Le pays a connu une crise encore plus grande à la fin des années 1990, et Carlos Menem n’a plus été cité en exemple. »