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Après les séismes en Turquie, des millions de rescapés tentent de se reconstruire : « J’ai encore l’impression que la terre continue de trembler »

« Je me sens très mal. J’ai encore l’impression que la terre continue de trembler. Je laisse la télévision allumée tout le temps, même la nuit. Je n’arrive pas à rester seule à la maison. Je ne dors que deux heures par jour. On vit avec cette peur au ventre », confie-t-elle, dans un filet de voix, au bord des larmes.

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La perruche qui piaille dans l’entrée égaye quelque peu l’ambiance qui règne dans le foyer, mais des bribes de souvenir du drame leur reviennent en mémoire constamment et les fantômes ne sont jamais loin.

Zeynep et Hüsayin sont des « depremzede », comme on dit en turc, des « rescapés du séisme ».

Après cinq jours passés sous la neige, ils ont fini par être rapatriés en voiture à Istanbul par leur belle-fille venue directement de France. Bien qu’ils soient désormais à l’abri, ils ne cessent de penser à leur maison qu’ils ont laissée derrière eux. « Notre immeuble a été endommagé pendant les séismes. Un ingénieur du bâtiment est revenu par la suite. Il nous a dit que les réparations coûteraient 250 000 TL (12 500 euros environ, NdlR). […] Mais même si elle est solide, nous avons vécu un tel stress qu’on a peur d’y rentrer à nouveau. On finira bien par y retourner, mais quand ? Et comment ? Je n’en sais rien », se désole Hüsayin.

13,5 % de la population touchés

Depuis le séisme du 6 février qui a fait plus de 50 000 morts, le pays est encore sous le choc. La catastrophe a dévasté une dizaine de régions, affectant 13,5 % de la population. Si 1,5 million de personnes sont encore sur place, 3,3 millions ont dû fuir la région. Pour répondre aux besoins de logement, le ministère de l’Intérieur a lancé une grande campagne de solidarité baptisée « Que ma maison soit ton foyer » .

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Mais dans le pays, les gens n’ont pas attendu les autorités pour se mobiliser. Nesip Y. est imam dans le quartier de Sultanbeyli, arrondissement défavorisé de la rive asiatique. Dès les premiers jours, il a lancé un appel à la solidarité sur les réseaux sociaux et a pris en charge une vingtaine de familles… « J’ai trouvé des logements disponibles ici à Sultanbeyli et dans les environs afin d’aider les familles rescapées du séisme. Je trouve des propriétaires qui sont d’accord pour prêter leur appartement ou pour les louer à des prix très bas. En fonction des appartements, je les mets en lien avec les familles dans le besoin », détaille-t-il.

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Aujourd’hui, il rend visite à la jeune Gönül et à ses beaux-parents. La famille a bénéficié de l’aide de Nesip Y. mais n’a pour l’instant pas encore obtenu le soutien financier de 10 000 livres turques (500 euros) promis par les autorités. Bien qu’elle soit soulagée d’avoir quitté son village près d’Elbistan, Gönül s’inquiète pour son enfant : « Ma fille n’est pas bien du tout. Elle ne mangeait pas et elle a mangé aujourd’hui pour la première fois depuis des jours. On l’a amenée chez le médecin qui nous a conseillé de l’envoyer chez le psychologue. Elle a tout le temps l’impression que la maison bouge, elle dit que la maison tremble. Elle doit avoir un soutien psychologique et nous aussi d’ailleurs. Et puis tout le monde parle du tremblement de terre qui va arriver à Istanbul, alors on est très tendus. »

Menace sur Istanbul

Comme Zeynep, Hüsayin et Gönül, des millions de personnes sont encore dans l’incertitude. Les rescapés réfugiés à Istanbul n’y voient qu’une solution provisoire.

Depuis le tremblement de terre du 6 février, la Turquie tente d’évaluer les dégâts tandis qu’une nouvelle inquiétude refait surface.

En effet, la mégalopole d’Istanbul, abritant pas moins de 16 millions d’individus, est située sur une faille sismique active et les sismologues assurent, depuis plusieurs années déjà, qu’elle n’échappera pas au Big One.