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Après les déclarations de Trump, quel avenir pour les personnes trans aux Etats-Unis ?

L’investiture approche, et l’angoisse monte pour les personnes trans aux Etats-Unis. Alors que Donald Trump va redevenir président dès le 20 janvier prochain, la menace se précise. Le Républicain a affirmé dimanche vouloir arrêter le « délire transgenre » et a affirmé qu’il signera « des décrets pour mettre fin aux mutilations sexuelles des enfants, exclure les transgenres de l’armée et les exclure des écoles primaires, des collèges et des lycées ». Par « mutilations sexuelles », le milliardaire entend les chirurgies destinées aux mineurs et mineures pour leur permettre de se conformer à leur identité ressentie, des opérations extrêmement rares, et destinées à éviter des tentatives de suicide, dans des cas critiques.

Mais Donald Trump peut-il réellement changer la loi tout seul, et exclure les personnes trans de l’armée, de l’école ou empêcher les adolescent·es d’accéder à des chirurgies de réassignation de genre ?

Il faudrait défaire l’Obamacare

Sur le plan médical, on pourrait imaginer Donald Trump couper les fonds de programmes fédéraux, comme Medicaid, à destination des gens les moins aisés. Mais, interrogé par la radio NPR, un professeur de droit de l’Université de Toledo en Ohio indiquait en novembre que Medicaid dépend en réalité largement des Etats. Pour interdire des soins à une certaine population, il faudrait aussi probablement défaire la loi sur la Protection des Patients et les Soins Abordables, surnommée « Obamacare », qui contient des dispositions anti-discriminations. Rappelons que Donald Trump n’a qu’une courte majorité au Congrès.

Toute décision sur le plan médical pour les personnes mineures trans est par ailleurs suspendue à une décision de la Cour suprême, qui devrait arriver sans doute en juin. La cour doit s’exprimer sur une loi adoptée en 2023 par l’Etat du Tennessee (sud) interdisant aux mineurs transgenres l’accès aux bloqueurs de puberté et aux traitements hormonaux de transition. Des mineurs et mineures et leurs familles dénonçaient le caractère « discriminatoire » de la loi de cet Etat, dans un contexte où près de la moitié des Etats américains ont promulgué des législations similaires ou proches. Le Tennessee affirme de son côté répondre à une « explosion des diagnostics de dysphorie de genre » et souhaite prévenir les risques de conséquences potentiellement irréversibles de ces traitements. « Il est probable que la Cour suprême dise que la décision doit être laissée in fine aux Etats », juge Margaux Bouaziz, maîtresse de conférence à l’université de Bourgogne, spécialiste de droit constitutionnel, français et étasunien.

Détricoter le Civil Rights Act

S’agissant de l’armée, Donald Trump avait réussi à empêcher de nouvelles personnes trans de l’intégrer en 2019, mais l’interdiction avait été défaite par l’administration Biden. Cette fois-ci, il s’agit d’aller encore plus loin et d’exclure aussi les personnes actuellement en poste. L’interdiction concernerait environ 15.000 personnes, selon The Times.

Pour y parvenir, le professeur de droit Benjamin Moron-Puech, spécialiste des discriminations, estime que Donald Trump devra sans doute faire voter une loi pour faire modifier le titre VII du Civil Rights Act de 1964, qui couvre les cas de discrimination dans le domaine du travail, et notamment celles à l’encontre des personnes transgenres depuis un arrêt de la Cour de 2020. « Il faudrait justifier que cette catégorie de personnes pose des problèmes liés à l’armée. Cela sera plus difficile à fonder que pour des traitements médicaux. Mais ils peuvent encore s’en sortir en disant que c’est une question de sécurité nationale », estime de son côté Margaux Bouaziz.

Des pressions sur les écoles

A l’école, un texte a été adopté à la Chambre des représentants qui prévoit l’accord des parents pour changer le prénom ou les pronoms d’un élève ou encore pour permettre à un élève d’utiliser des toilettes qui ne correspondent pas à son genre assigné à la naissance. Il faudra encore l’accord du Sénat, où les Républicains sont majoritaires, même si la majorité est courte. Mais même sans ce vote, Donald Trump peut déjà jouer sur les subventions aux écoles, via le bureau des droits civiques du ministère de l’Education nationale, qui aura pour mission de menacer les établissements qui n’appliquent pas une vision conservatrice des lois sur la discrimination, comme l’homme d’affaires l’a promis. Généralement, les établissements plient, croit savoir le Washington Post.

« La déségrégation des écoles a été imposée au niveau fédéral et l’Etat fédéral finance l’éducation. Mais pour sucrer les financements des écoles qui ont des programmes à l’endroit des personnes trans, il faudra qu’ils trouvent une qualification juridique, explique Margaux Bouaziz. Le congrès pourrait abroger la loi qui interdit les discriminations fondées sur le sexe, mais je ne pense pas qu’il y ait de majorité pour cela. Ou il pourrait l’amender en disant que cela ne concerne pas les personnes trans. »

Record de textes hostiles

Les annonces de Donald Trump sur l’école ne sont pas nouvelles. Lors d’un meeting au Madison Square Garden, le 27 octobre à New York, il avait déjà promis de « faire sortir la folie transgenre [des] écoles ». De nombreuses personnes gay, transgenres ou encore non binaires vivent la deuxième élection du candidat républicain comme un coup dur et une attaque de leur communauté. Le LGBT National Help Center a reçu environ 2.000 appels par jour après sa victoire en novembre, au lieu de 300 d’ordinaire.

Le nombre de législations anti-trans a explosé aux Etats-Unis, l’année 2024 rassemblant un nombre record de textes hostiles à cette minorité. Selon le site translegislation.com, près de 669 textes anti trans ont été portés dans 43 Etats, dont près de 139 sont actifs.