Une journée entière avec seulement deux heures d’écran.
La ville de Toyoake a pris un arrêté limitant le temps d’écran des habitants à deux heures par jour, sans contrôle ni contravention. Selon une étude de l’Arcep parue en mars, 72 % des Français passent plus de deux heures par jour sur les écrans, et 25 % plus de cinq heures.
Au Japon, la ville de Toyoake a adopté une mesure originale : limiter le temps d’écran des résidents à deux heures par jour. Cette initiative ne sera pas assortie de contrôles ou d’amendes – la police ne viendra pas chez les gens après la 121e minute passée sur TikTok. Son but symbolique est d’alerter les habitants sur le temps passé devant les écrans et de les inciter à renouer avec les interactions sociales. Mais concrètement, à quoi ressemblerait une journée avec une telle restriction ? Imaginons un peu :
**8h00 : Deux heures restantes**
Première étape : le matin. Une fois que Fabien* a entendu son réveil, il range immédiatement son téléphone. Fini la radio ou le petit shot de dopamine. Dès le matin, il réalise qu’il devra être vigilant. Selon une étude de l’Arcep parue en mars, 72 % des Français passent plus de deux heures par jour devant un écran, et 25 % plus de cinq heures.
Fabien se retrouve donc à prendre son petit-déjeuner sans écran. Il savoure son café en observant la pluie tomber sur ses fenêtres, à la manière d’un poète. Dans le silence matinal de son appartement, il redécouvre des sons oubliés : depuis quand la machine Nespresso grince-t-elle ainsi ? Et il n’avait jamais remarqué la cour d’école en bas de chez lui ? Il note qu’il doit s’acheter une radio à piles, tout de même.
**8h30 : Une heure quarante restante**
Dans le métro, Fabien se sent un peu seul. Il a emporté un livre, mais son cerveau, habitué à la surstimulation des vidéos verticales, ne tient pas plus de cinq pages. Il faut dire que *Guerre et Paix* n’était peut-être pas le choix idéal pour un retour à la lecture.
En levant les yeux, il constate que presque tout le monde a les yeux fixés sur son smartphone. Quelques passagers dorment ou écoutent de la musique. Certains profitent de leur voisin pour regarder la série qu’il suit. Ce n’est clairement pas le moment d’une redécouverte des liens sociaux.
Bon, Fabien décide de s’accorder tout de même dix à quinze minutes d’écran, pour vérifier ses mails et consulter l’actualité (et voir si le gouvernement Lecornu II est encore là où il l’a laissé la veille au soir). Mais une fois qu’il a ouvert cette porte, il se laisse tenter : pourquoi ne pas acheter la paire de baskets qu’il a vue hier sur Internet ? Ou bien jeter un œil sur les stories de Pierre, son ami de collège qu’il n’a pas vu depuis quinze ans, mais dont il suit les vacances sur les réseaux sociaux ? Heureusement, l’arrêt du métro le remet dans la réalité.
**9h30-12h30 : Une heure quinze restante**
Pour le travail, le temps passé derrière l’écran ne compte pas, sinon Fabien aurait déjà dépassé la limite. À Toyoake, l’arrêté exclut aussi le temps de travail et d’étude. En sortant pour vapoter devant l’immeuble, notre cobaye redécouvre le quartier (ce restaurant japonais, il y a longtemps qu’il est là ?).
C’est l’heure de la pause déjeuner ! Fabien réussit à limiter son défilement sur LinkedIn et découvre la convivialité des déjeuners en face-à-face avec ses collègues à la cantine. C’est la première fois qu’il discute avec Manon, qui travaille pourtant en face de lui depuis huit ans. Ils réalisent qu’ils sont tous deux issus du même lycée au fin fond de l’Eure, c’est incroyable !
Cette belle rencontre est néanmoins interrompue : « Il a dépassé ses deux heures ! », crie quelqu’un à la table d’à côté en désignant son collègue accusé. Le coupable part sous les humeurs de la cantine.
**14h-18h30 : Quarante minutes restantes**
Malgré toutes ses bonnes intentions, Fabien finit par sortir son téléphone : entre deux tâches professionnelles, pour montrer ses photos de vacances à la pause café, ou même aux toilettes (d’après une étude d’Elabe de 2019 pour Axa, près d’un Français sur deux apporte son téléphone aux toilettes). Avec cela et une petite visite sur les réseaux sociaux pendant le trajet de retour, il a presque accumulé une heure supplémentaire devant l’écran.
Sur le chemin du retour, il croise un homme dans une capuche. C’est un dealer qui lui propose de lui revendre un téléphone d’occasion avec trente minutes de temps d’écran en plus. Il hésite, puis refuse.
**21h : Cinq minutes restantes**
Doit-on considérer la musique écoutée comme du temps d’écran ? Certes, cela ne nous connecte pas au monde qui nous entoure, mais les effets sur l’attention, les yeux et la fatigue ne sont pas les mêmes. Le téléphone le catégorise comme de l’« usage en arrière-plan », et Fabien décide donc que cela ne compte pas. Il peut aller faire un petit entraînement tranquillement en écoutant sa playlist.
Cependant, après le dîner, il dérape. Réalisant qu’il lui reste encore un peu de temps, il s’autorise à ouvrir TikTok. Le drame survient. Une vidéo en appelle une autre : le chat, un sketch absurde, cet influenceur présentant des chaussures et lui rappelant qu’il n’a toujours pas acheté sa paire de baskets… Résultat : il utilise presque tout son reste de budget. Le trentenaire commence à se demander s’il n’aurait pas dû configurer une alerte ou une limite, comme le permettent de plus en plus de téléphones et d’applications, même pour les adultes.
**22h : Temps écoulé**
Abattu, Fabien renonce à l’idée de regarder une vidéo YouTube ou une série sur Netflix avant d’aller dormir. Il ressort sans conviction *Guerre et Paix*. Il s’occupe comme il peut et finit par décider de se coucher tôt. Sa dernière pensée sur l’oreiller ? À moins de changer de vie et de partir méditer en montagne, il ne semble pas prêt à se passer des écrans.
*Un personnage fictif, comme vous l’avez sans doute deviné.*

