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« Silent Hill 2 » : En jeu vidéo aussi, l’horreur joue avec les codes

Intérieur nuit, chez vous, le soir d’Halloween. Si vous n’avez plus l’âge des soirées déguisées, mais encore celui de vous mettre dans l’ambiance épouvante, vous pouvez choisir de regarder un film d’horreur dans le noir, ou de jouer à un jeu vidéo. Dans le secteur aussi, l’horreur est l’un des genres le plus prolifique, avec ses codes et ses grands classiques.

Il y a autant de raisons d’aimer les jeux d’horreur que de joueurs. Pour Thomas, qui préfère les jeux à ambiance à plusieurs (comme Phasmophobia, le simulateur de chasseurs de fantômes), c’est « la surprise, et le rire qui vient après la frayeur initiale ». Pour Geoffroy, c’est « l’atmosphère, les décors, l’univers macabre et décalé ». Pour « Armoff », vidéaste spécialisé qui a cofondé « Armuhlteam » et anime les émissions « Les Jambes en coton » et « Creepy as sh*t » sur Internet, c’est la capacité des jeux d’horreur à « provoquer de l’émotion et du rejet sur des thématiques très particulières ».

Du grand écran au petit

Ambiance malsaine et surnaturelle, ou au contraire sursauts, gros monstres et hémoglobines : les ingrédients restent les mêmes qu’au cinéma. « Il y a un aspect folklorique, iconographique que l’on reprend des films d’horreur », analyse Guillaume Baychelier, docteur en art et auteur de Havres de peur, Lieu d’horreur en jeux vidéo.

Selon l’expert, c’est tout le jeu vidéo qui s’inspire du cinéma. Mais les réalisateurs de jeux d’horreur ont souvent explicitement cité des monuments du genre, comme Shinji Mikami de Resident Evil citant les films de zombies de Romero.

Un autre titre des années 1990 a été influencé par le cinéma de genre : Alone in the dark. « Petit, je travaillais dans le magasin de mon père, entre informatique et vidéoclub, racontait Frédérick Raynal, réalisateur du jeu, lors d’une table ronde organisée début octobre au centre Pompidou. C’est comme ça que j’ai découvert les films fantastiques et d’horreur. » Réciproquement, des licences de cinéma viennent désormais s’inspirer du jeu vidéo, comme le récent Alien Romulus qui reprend des décors du jeu Alien : Isolation.

« Montrer au joueur qu’il n’est pas en contrôle »

Mais certains codes du jeu d’horreur ne sont permis que par l’interactivité « Beaucoup de contraintes sont imposées au joueur, qui impliquent le stress et la difficulté, décrit Guillaume Baychelier. Il faut montrer au joueur qu’il n’est pas forcément en contrôle du rythme. Au début de l’aventure notamment, il n’a pas la possibilité de se défendre, il a un personnage moins fort que ses ennemis et n’est pas du tout assuré de l’emporter. » « On va utiliser les mêmes codes, en responsabilisant le joueur : il est obligé de faire ce qu’on attend de lui, même s’il sait que ça va déclencher la peur », ajoute Armoff. « On peut toujours choisir de poser la manette, mais à partir du moment où on veut terminer le jeu, on accepte de laisser une partie du contrôle », complète Tachiyomi, autre membre de l’Armuhlteam.

Les premiers jeux d’horreur grand public sont aussi nés avec les limites techniques d’une époque où trois polygones en 3D représentaient le futur du jeu vidéo. « Je savais que le jeu ne ferait pas peur avec ses graphismes, reprend Frédérick Raynal, créateur d’Alone in the Dark. J’ai essayé de travailler autour de ce que le joueur était obligé de faire : se déplacer. » L’équipe du jeu parvianet à instaurer une incertitude permanente chez le joueur, grâce à quelques idées comme l’utilisation du hors-champ, ou encore l’utilisation du son, en laissant parfois aléatoirement la musique qui accompagne d’ordinaire l’apparition du monstre.

Des morts vivant d’Alone in the Dark au célèbre Pyramid Head de Silent Hill ou le plus récent Slenderman, la figure du monstre sert aussi souvent de pont entre les éléments ludiques et les thématiques abordés par le jeu. « Il y a des monstres dans tous les contes, estime Armoff. L’antagoniste est impactant et c’est toujours une allégorie de quelque chose. » « Ce que le joueur veut voir, c’est souvent le monstre de toute manière, il veut savoir ce qu’il affronte », affirme Tachiyomi.

Un genre qui veut sortir de sa niche

Les mouvements artistiques s’enchaînent : les jeux vont un temps lorgner du côté de l’action, puis Amnesia, The Dark Descent va créer une vague de jeux à la première personne dont la mise en scène permet d’en profiter comme un spectacle. L’explosion de la vidéo sur Internet (lire l’encadré) et de la scène indépendante va achever de multiplier les propositions : des zombies de Resident Evil aux réflexions sur les traumatismes et l’histoire mise en scène dans des jeux comme Detention, il y en a pour tous les goûts.

Le genre de l’horreur, encore de niche, tente ainsi de s’étendre. Selon Capcom, Resident Evil Village, sorti en 2021, a vendu 10 millions d’exemplaires en trois ans. Un bon succès, mais loin des jeux d’aventure comme The Last of Us, ou des maroniers comme la série Call of Duty. « En 2024, on a vu une soixantaine de trailers de jeux d’horreur au Summer Game Fest, commente Armoff, qui traite de l’actualité du genre depuis douze ans. On sent que le genre a le vent en poupe. » Même si Halloween est fini, les joueurs n’ont pas fini de jouer à se faire peur.