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Sensibilité ISO en photo : comprendre les réglages et le bruit numérique

La sensibilité ISO mesure la sensibilité d’un capteur à la lumière et fonctionne comme un volume pour un microphone. Chaque doublement de la valeur ISO correspond à un gain d’un « stop » de lumière, permettant d’ajuster la durée d’exposition ou l’ouverture du diaphragme pour maintenir la même luminosité globale.

Le réglage de la sensibilité ISO, souvent perçu comme générateur de bruit numérique, est en réalité essentiel pour l’exposition en photographie et devient un allié précieux dans des conditions de faible luminosité. Ce guide complet explore l’ISO natif et les technologies de double gain pour optimiser la plage dynamique, vous offrant ainsi une compréhension approfondie de cette technologie afin de la maîtriser et de photographier en toute confiance dans des environnements peu éclairés.
Panasonic Lumix S1II

En photographie, la lumière est primordiale. Sa capture repose sur un équilibre minutieux entre trois paramètres essentiels, connus sous le nom de triangle d’exposition. Si l’ouverture du diaphragme et la vitesse d’obturation sont relativement simples à comprendre, la sensibilité ISO reste souvent obscure.

Historiquement, augmenter la sensibilité ISO impliquait de faire un compromis : davantage de lumière entraînait également un bruit numérique accru et une dégradation de la qualité d’image. Cette idée perdure dans l’esprit de nombreux photographes.

Cependant, les avancées des capteurs modernes ont transformé cette perception. Considérer l’ISO comme un adversaire est une erreur qui peut vous priver de moments décisifs. L’ISO est, en réalité, un outil créatif d’une grande flexibilité.

Qu’est-ce que la sensibilité ISO ?

En termes simples, l’ISO mesure la sensibilité de votre capteur à la lumière. On peut le comparer au volume d’un microphone. À faible volume (ISO bas), le microphone capte les sons clairs sans distorsion. En augmentant le volume (ISO élevé) pour capter des sons faibles, le murmure devient audible, mais le bruit de fond apparaît également. Pour l’ISO, c’est similaire : une augmentation de la sensibilité à la lumière accroît également le risque de bruit numérique.

Le troisième pilier du triangle d’exposition

L’ISO fonctionne de concert avec l’ouverture et la vitesse d’obturation. Ces trois réglages sont interconnectés. Si l’un d’eux change, un ajustement de l’autre s’impose pour maintenir la même exposition, c’est-à-dire la luminosité globale. L’ISO est votre outil de flexibilité : lorsque vous ne pouvez plus modifier l’ouverture ou la vitesse, l’ISO entre en jeu.

Roue vitesse et ouverture appareil photo
Le réglage de sensibilité ISO du Fujifilm X100VI

De l’argentique au numérique

Le terme ISO (Organisation Internationale de Normalisation) provient de l’héritage de la photographie argentique. Il unifiait les anciennes normes de sensibilité des pellicules, telles que l’ASA américain et le DIN allemand. Par exemple, une pellicule de 400 ASA était plus sensible à la lumière qu’une pellicule de 100 ASA. Le numérique a conservé cette échelle pour que les photographes d’antan gardent leurs repères. La différence majeure réside dans le fait qu’aujourd’hui, vous pouvez modifier la sensibilité pour chaque prise de vue.

Pellicule argentique Kodak Professional Pro Image 100
Une pellicule argentique Kodak Professional Pro Image 100 // Source : Kodak

Comment fonctionne l’ISO ?

Contrairement à une idée répandue, augmenter l’ISO ne rend pas mécaniquement les photosites de votre capteur plus sensibles à la lumière. Leur capacité à capter les photons reste constante. En fait, l’ISO représente une amplification du signal électrique produit par ces photosites lorsqu’ils reçoivent de la lumière. Un ISO de 100 correspond au signal brut, peu amplifié. Un ISO de 3200 indique que l’appareil a considérablement amplifié ce signal avant de le transformer en image.

Photo église intérieur
ISO2500 avec le Sony A7C et son capteur plein format de 24 MP : le bruit est quasi imperceptible à 100 % // Source : Tristan Jacquel

Le compromis fondamental : bruit et plage dynamique

Cette amplification entraîne un double compromis qui dégrade la qualité d’image :

  • L’apparition du bruit numérique : En amplifiant le signal faible, on renforce également les imperfections et les parasites électroniques. Le rapport signal/bruit diminue, rendant le bruit visible.
  • La réduction de la plage dynamique : La plage dynamique est la capacité du capteur à capter des détails tant dans les zones sombres que claires d’une scène. À l’ISO de base, cette plage est maximale. En augmentant l’ISO, tout le signal est amplifié, ce qui accélère la saturation des hautes lumières (blancs « brûlés ») et réduit la marge pour récupérer des détails dans ces extrêmes.

Par exemple, voici la montée en ISO du capteur APS-C Fujifilm X-Trans de 40 MP.

L’échelle ISO

L’échelle ISO est standardisée et suit une logique simple : chaque doublement de la valeur représente un gain d’un « stop » de lumière. Passer de 200 ISO à 400 ISO double la sensibilité du capteur. Vous pouvez ainsi diviser votre temps de pose par deux (de 1/125 s à 1/250 s) ou fermer votre diaphragme d’un cran (de f/2,8 à f/4) tout en maintenant la même exposition.

Quand et comment utiliser l’ISO ?

Chaque capteur a un ISO de base (ou ISO natif), représentant son point de fonctionnement optimal. À cette valeur, le capteur offre la meilleure qualité d’image possible : la plage dynamique la plus étendue, des couleurs riches et un bruit quasi inexistant.

Quand l’utiliser ? Toujours lorsque les conditions de lumière le permettent. C’est le réglage par défaut pour la photographie de paysage sur trépied, le portrait en studio avec flash, ou toute scène en plein jour où la lumière est abondante.

L’ISO de base : une question d’ingénierie

La valeur ISO de base varie d’un appareil à l’autre. Cela résulte de l’architecture du capteur.

  • Le progrès technologique : Une baisse de l’ISO de base chez une même marque (ex : Fujifilm passant de 200 à 160, puis 125 ISO) indique une meilleure gestion du bruit et une augmentation de la capacité des photosites. Un ISO de base plus bas démontre une maturité du capteur.
  • La taille et la densité des pixels : Un capteur plein format, avec ses grands photosites, atteindra plus facilement un point de fonctionnement optimal à 100 ou même 64 ISO. Pour un capteur APS-C très densément peuplé (comme celui de 40 Mpx du Fujifilm X100 VI), obtenir un ISO de base de 125 est une avancée technique. C’est le « sweet spot », le réglage maximisant la plage dynamique pour cette architecture de pixels spécifique.

Quand faut-il monter en ISO ?

Monter en ISO n’est pas un échec, mais une décision. Vous le faites pour préserver d’autres réglages plus cruciaux pour votre photo.

  • Photographie en basse lumière : Cette utilisation est la plus évidente. Dans une salle de concert, une rue sombre ou lors d’un dîner, passer à 1600, 3200 ou même 6400 ISO est souvent la seule solution pour obtenir une photo correctement exposée, nette et sans trépied.
Photo Fujifilm X100VI ISO1600, f/2
Photo Fujifilm X100VI ISO1600, f/2 // Source : Tristan Jacquel
  • Figer un mouvement rapide : Pour photographier un sportif en action ou un oiseau en vol, vous aurez besoin d’une vitesse d’obturation très élevée (ex : 1/1000s) pour arrêter le mouvement. Si la lumière est insuffisante pour atteindre cette vitesse à l’ISO de base, il faudra augmenter l’ISO pour compenser.
  • Obtenir une plus grande profondeur de champ : Si vous photographiez un groupe de personnes et voulez que chacun soit net, vous devez fermer votre diaphragme à f/8 ou f/11 afin de garantir la netteté de chaque visage à différents plans. Cela nécessitera généralement une montée en ISO pour maintenir une vitesse d’obturation suffisante et éviter le flou de bougé.

Jusqu’où peut-on monter ?

Il n’y a pas de réponse universelle. La limite acceptable dépend de votre appareil, de la taille d’impression de l’image et de votre tolérance personnelle. La meilleure approche est de réaliser des tests : photographiez la même scène à 800, 1600, 3200, 6400 et 12800 ISO puis comparez les résultats sur votre ordinateur. Vous pourrez ainsi déterminer votre seuil de confort.

Photo d'une rue de Nantes sous la pluie de nuit
Photo prise à ISO6400 avec l’Olympus E-M10IV (capteur micro 4/3), le bruit est élevé mais sert l’ambiance nocturne et pluvieuse // Source : Tristan Jacquel

Le bruit numérique : comprendre et maîtriser l’ennemi

Le bruit numérique est comparable au grain en photographie argentique, mais moins esthétique. Il se traduit par une dégradation de l’image, la rendant granuleuse, et les couleurs moins pures.

Les deux types de bruit

Il est essentiel de distinguer les deux types de bruit, car leurs impacts diffèrent :

  • Le bruit de luminance : Se manifeste par une texture granuleuse, une variation aléatoire de la luminosité des pixels. Il affecte la netteté de l’image, mais peut parfois être toléré, voire utilisé de manière créative pour un rendu « argentique ».
  • Le bruit de chrominance : C’est la forme la plus nuisible. Il apparaît sous forme de taches de couleur parasites, souvent dans des teintes vertes et magenta, dans les zones sombres de l’image. Il réduit considérablement la qualité et la fidélité des couleurs et doit être éliminé.
Bruit chromatique sur mire couleur
Le bruit chromatique à ISO 102400 sur capteur Sony plein format de 61 MP.

La solution en post-traitement

Heureusement, le bruit numérique n’est plus une fatalité. Les logiciels récents offrent des solutions impressionnantes. Des outils intégrés à Lightroom et Capture One, aux logiciels spécialisés comme DxO PureRAW ou Topaz DeNoise AI, les algorithmes d’intelligence artificielle permettent de réduire, voire d’éliminer, le bruit tout en préservant un niveau de détail remarquable à partir des fichiers RAW.

Pour aller plus loin : les concepts avancés

ISO natif vs. ISO étendu

Dans les menus de votre appareil, vous remarquerez des valeurs ISO natives (ex : 100-25600) et des valeurs étendues (ex : 50, 51200, 102400).

  • L’ISO natif est la plage où l’amplification est purement matérielle, fournissant des résultats optimaux.
  • L’ISO étendu est issu d’une amplification logicielle. Par exemple, ISO 51 200 est souvent une photo capturée à 25 600 ISO, éclaircie numériquement. À l’inverse, ISO 50 ou 64 implique une image prise à ISO 100 et assombrie. Il est généralement préférable de rester dans la plage native.

Dual Native ISO et optimisation de la plage dynamique

Le double ISO natif est une technologie permettant à un capteur de fournir deux niveaux de sensibilité de base sans sacrifier la qualité d’image. Cela signifie que le capteur peut fonctionner de manière optimale à la fois à bas ISO et à ISO élevé, sans le bruit généralement associé à l’amplification numérique.

Cette technologie, connue sous le nom de Dual Conversion Gain (DCG), implique la présence de deux circuits de lecture analogique-numérique distincts pour chaque pixel, chacun étant optimisé pour des plages de luminosité différentes.

  • Le circuit à bas gain est conçu pour les performances à bas ISO. Il peut absorber beaucoup de lumière sans saturation, offrant la plage dynamique maximale dans les hautes lumières.
  • Le circuit à haut gain amplifie encore le signal. Il est optimisé pour les hautes valeurs ISO, améliorant le rapport signal/bruit (moins de bruit) dans les ombres à faible éclairage.
Marshall Bromley 750 allumée, de nuit
ISO800 et mode DR200 à double ISO du Fujifilm X100VI pour gérer les pics lumineux des LED de l’enceinte Marshall Bromley 750 // Source : Tristan Jacquel

En fonction de l’ISO choisi, l’appareil s’ajuste automatiquement au circuit le plus approprié.

  • Chez Panasonic : Cette fonction est essentielle en vidéo, désignée sous le nom de « Dual Native ISO ». L’appareil propose deux ISO natifs distincts (par exemple, 100 et 640 sur le Lumix GH6, ou 640 et 4000 sur le Lumix S5II), permettant de sélectionner la base selon les conditions d’éclairage pour une performance optimale.
  • Chez Fujifilm : Ce principe est utilisé dans les modes Plage Dynamique (DR200 et DR400). En mode DR200 ou DR400, l’appareil mélange l’ISO de base avec des valeurs allant jusqu’à ISO500 ou 640 selon le capteur.
  • Canon propose une fonction similaire appelée « Priorité Hautes Lumières » (D+), qui augmente l’ISO minimal pour préserver les détails dans les zones très claires.
  • Sur beaucoup de capteurs Sony et Nikon, la technologie Dual Conversion Gain est également intégrée, mais ce basculement est souvent transparent pour l’utilisateur, se faisant automatiquement à un certain seuil d’ISO.

L’ISO invariant et les sources de bruit

Le concept d’invariance ISO désigne les capteurs modernes dont la qualité d’image reste presque inchangée que l’on augmente la sensibilité ISO lors de la prise de vue ou que l’on ajuste l’éclairage en post-traitement.

Autrement dit, un capteur “invariant” réagit presque équitablement à une amplification numérique après capture qu’à celle réalisée directement par l’appareil.

Pour comprendre ce phénomène, il est important de noter que le bruit numérique vient de plusieurs sources :

  • Le bruit de lecture (read noise) : un bruit électronique fixe introduit lors de la lecture du signal sur le capteur.
  • Le courant d’obscurité (dark current) : un bruit thermique qui s’accumule durant l’exposition. Plus la prise de vue est longue, plus le capteur chauffe, ce qui augmente ce bruit.
  • Le bruit de grenaille (shot noise) : un bruit inévitable et aléatoire lié à la nature quantique du flux des photons.

Un capteur est dit invariant à l’ISO lorsque son bruit de lecture est extrêmement faible. Dans ce cas, photographier intentionnellement sous-exposé à bas ISO (exemple : ISO 100) et éclaircir en post-traitement produira un résultat similaire à une image prise à un ISO élevé (exemple : ISO 3200).

Cette caractéristique représente un avantage majeur pour les photographes, car elle leur offre une plus grande liberté d’exposition tout en bénéficiant de toute la plage dynamique du capteur.

L’outil indispensable : l’Auto ISO

L’Auto ISO est un des outils les plus puissants des appareils contemporains. Plutôt que de le considérer comme un mode pour les amateurs, voyez-le comme un mode semi-automatique qui assure un contrôle maximal sur les éléments cruciaux.

En mode priorité à l’ouverture (A/Av) ou à la vitesse (S/Tv), l’Auto ISO vous permet de fixer deux paramètres importants (par exemple, une grande ouverture pour un flou d’arrière-plan et une vitesse d’obturation minimale pour figer le sujet), tout en laissant l’appareil ajuster l’ISO comme variable pour garantir une exposition correcte.

La force de l’Auto ISO émerge lorsque vous le configurez :

  • Définir une plage ISO maximale : Indiquez à votre appareil de ne jamais dépasser une certaine valeur (exemple : 6400 ISO) pour conserver le contrôle sur le bruit maximal acceptable.
  • Définir une vitesse d’obturation minimale : Vous pouvez forcer l’appareil à maintenir une vitesse d’obturation au-dessus d’un seuil (exemple : 1/125 s) pour éviter le flou de bougé.

Le rôle du matériel : capteurs et objectifs

La taille du capteur est primordiale. Un capteur plein format (full frame) a, pour un nombre de pixels équivalent, des photosites plus grands qu’un capteur APS-C ou Micro 4/3. Des photosites plus grands captent plus de lumière, générant ainsi un signal initial plus fort. Le rapport signal/bruit est donc intrinsèquement meilleur, et la montée en ISO produit un bruit moins perceptible.

Sony RX1R III
L’objectif Zeiss Vario Tessar du Sony RX1R III ouvre à f/2 // Source : Tristan Jacquel

De plus, à taille de capteur similaire, un boîtier avec une résolution plus basse offrira un meilleur comportement à des sensibilités élevées, avec moins de bruit numérique, qu’un modèle à haute résolution.

L’importance des objectifs lumineux

Le meilleur moyen d’éviter d’augmenter l’ISO est d’apporter plus de lumière au capteur. Un objectif ouvrant à f/1,8 laisse entrer quatre fois plus de lumière qu’un objectif de kit à f/3,5. Cette différence de deux stops permettrait de rester à 400 ISO là où un passage à 1600 ISO aurait été nécessaire.