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Pourquoi les marques ne peuvent plus se passer des « créateurs de contenus » : « Ce marché devrait peser 50 milliards d’euros d’ici 2027 »

Ne dites plus « influenceuses » et « influenceurs » mais bien « créatrices » et « créateurs de contenus ». L’évolution n’est pas que sémantique : elle est révélatrice de la volonté du monde de l’influence de gagner ses lettres de noblesse à la fois auprès des consommateurs et des marques. Il reste encore du chemin à parcourir… En cause : la contre-publicité liée à certains scandales, arnaques ou pratiques douteuses qui ont jeté le trouble sur cette jeune génération d’entrepreneuses et entrepreneurs de la communication qui vantent sur les réseaux sociaux, contre rémunération, les mérites de tel produit ou service, forts de leurs millions d’abonnés sur TikTok, Instagram ou YouTube.

Quelle est aujourd’hui l’importance de ce marché ? Est-il en croissance ? Fait-il l’objet de contrôles ? Existe-il un cadre juridique ? Tentatives de réponses.

1. Un marché en forte croissance

La start-up BeInfluence, présente à la fois à Paris et Bruxelles, est un acteur incontournable si on veut comprendre le monde de l’influence en Belgique. Nous l’évoquions dans La Libre Eco week-end du samedi 4 mars : elle a pour ambition de devenir rien moins que le leader européen dans ce métier en forte croissance. « Depuis la crise du Covid, l’influence est devenue incontournable dans la communication des marques. De plus en plus d’entre elles se sentent aujourd’hui à l’aise pour en faire à grande échelle. Ce marché était évalué en Europe à dix milliards d’euros en 2016. Actuellement, on l’évalue à plus de seize milliards. Et au niveau mondial à 50 milliards d’ici 2027 », nous expliquait alors Thomas Angerer, cofondateur de BeInfluence.

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Un joli pactole donc. Et si la Belgique est encore en retard par rapport aux marchés français et britannique où l’influence est déjà incontournable dans la stratégie de communication des marques, elle n’en représente pas moins un marché assez dynamique. « En Belgique, on estime que le marché de l’influence, soit ce qui est facturé aux marques, était évalué en 2022 à 80 millions d’euros. Ce chiffre devrait passer à 90 millions cette année puis à 130 millions d’euros en 2027. Mais, attention, ces chiffres sont probablement sous-estimés », ajoute Thomas Angerer. La dynamique de croissance est en tout cas enclenchée. Sur la seule plateforme Instagram, le marché du marketing d’influence est estimé entre 40 et 50 millions d’euros, selon une étude réalisée par HypeAuditor en novembre 2022.

2. Créatrice ou créateur de contenus, un bon business ?

Thomas Angerer entend casser le mythe. Non, les créatrices et créateurs de contenus ne gagnent pas tous aujourd’hui des fortunes. Loin de là… « On met souvent en avant dans les médias les créatrices et créateurs de contenus stars qui gagnent très bien leur vie avec des millions de followers. Mais c’est l’exception qui confirme la règle… En Belgique, comme ailleurs, on estime que seulement 1 % de ces créatrices ou créateurs parviennent à gagner, sur une base annuelle, l’équivalent d’un salaire annuel moyen au sein de la population. Il y a donc 99 % d’entre eux qui restent à ce stade dans une situation financière précaire », révèle-t-il. Une réalité qui explique que beaucoup d’entre eux cherchent à diversifier leurs sources de revenus, notamment en investissant la sphère médiatique. C’est notamment le cas de la créatrice de contenus Shauna Dewit.

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La communauté des influenceurs est, en effet, très disparate. La plateforme HypeAuditor avance la classification suivante : à la base de la pyramide il y a les nano-influenceurs (entre 1 000 et 5 000 abonnés) puis les micro-influenceurs (entre 5 000 et 20 000 abonnés), les macro-influenceurs (entre 100 000 et 1 million d’abonnés) et, enfin, au sommet, les stars de l’influence, les méga-influenceurs qui peuvent s’appuyer sur une communauté de plus d’un million d’abonnés. Les tarifs grimpent évidemment en fonction de l’importance de l’audience. « Il est difficile d’estimer le nombre de créatrices et créateurs de contenus dans notre pays car ce chiffre est en constante évolution et certains ne se considèrent pas comme des professionnels », explique Myra Nurski, Managing Partner au sein de l’agence RP MMBSY, basée à Anvers et Amsterdam.

3. Pourquoi les marques misent-elles sur ces créateurs de contenus ?

Toutes les marques l’ont bien compris : si elles veulent toucher la jeune génération de consommateurs, nettement plus accros à leurs écrans de téléphone qu’à ceux de la télévision, les réseaux sociaux sont devenus aujourd’hui une carte incontournable.

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« Les marques recherchent un marketing polyvalent. La première raison qui les incite à avoir recours aux créatrices et créateurs de contenus, c’est une audience importante et engagée sur les médias sociaux, ce qui permet de toucher un public plus ciblé que les médias traditionnels. Sur Instagram, il y a 4,3 millions d’utilisateurs en Belgique. On estime que 45,8 % des influenceurs y sont des nano-influenceurs. La demande des marques va plutôt vers ces nano et micro-influenceurs qui se focalisent sur une ou deux thématiques car cela leur permet un meilleur taux d’engagement (NdlR : de l’ordre de 3 % en moyenne sur Instagram en Belgique contre 1,7 % au niveau mondial. Ce taux est calculé comme le nombre total de likes et de commentaires divisé par le nombre total de followers, multiplié par 100) et donc une communication plus efficace », poursuit Myra Nurski.

Qui ajoute : « Ensuite, il y a l’authenticité : on estime qu’une personne sur trois qui suit des influenceurs a déjà acheté des produits ou services mis en avant par ceux-ci. Car ces influenceurs ont noué une relation de confiance avec leurs followers : ces derniers considèrent ces influenceurs comme une source d’information fiable et leurs avis sur un produit comme une recommandation personnelle plutôt que comme une publicité commerciale. Il y a ensuite donc le taux d’engagement élevé qui permet d’augmenter la notoriété de la marque, et, enfin, la créativité et le développement de contenus attrayants pour valoriser les marques et produits. Tout cela explique que pour les petites marques dont les budgets sont serrés, cet investissement peut être plus ciblé et rentable que de miser sur les médias traditionnels. »

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Et de conclure : « Nous voyons aux Pays-Bas que le marketing d’influence est plus professionnel qu’en Belgique : les créateurs et créatrices de contenus y sont représentés par des agents qui négocient avec des marques des budgets plus élevés. En Belgique, ce marché est en croissance même s’il reste quelques obstacles : la barrière linguistique avec la difficulté de communiquer avec trois langues officielles, la taille limitée du marché et le fait que certaines marques restent encore réticentes au marketing d’influence. »