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Pourquoi les fake news circulent-elles plus vite pendant les catastrophes naturelles ?

Des incendies, comme ceux qui font rage encore aujourd’hui à Los Angeles, sont le moment parfait pour semer des fake news sur les réseaux sociaux. Des pouvoirs publics débordés, des journalistes désorganisés ou pas encore arrivés sur place, laissant le champ libre aux experts de la désinformation.

Profitant de la panique, ils jouent sur les peurs des sinistrés et des observateurs pour générer clics, réactions et partages. Pour Thomas Huchon, journaliste et réalisateur spécialiste en désinformation, ces fausses informations fonctionnent encore mieux lors d’une catastrophe car elles permettent de combler un vide.

« Les fake news remplissent trois objectifs : Elles permettent de donner une réponse simple à une question très compliquée, mais en plus elles offrent un coupable et une solution. »

Une vision défendue aussi par Laurent Cordonier, directeur de la recherche à la fondation Descartes. Selon lui, c’est la recherche du coupable qui est essentielle : « Quand on est témoins d’une catastrophe naturelle, l’un des premiers réflexes est de trouver un coupable. C’est pour cette raison que pendant les incendies de Los Angeles, la maire démocrate a tout de suite été visée. » L’enquête à peine lancée, les sphères trumpistes avaient déjà trouvé leur coupable, pour le plus grand bonheur des internautes.

L’occasion pour les désinformateurs de faire des liens avec d’autres catastrophes, comme l’explique Stéphanie Lukasik, experte au Conseil de l’Europe sur la sécurité des contenus numériques : « La force des complotistes, c’est d’arriver à faire des liens entre les différents évènements, parfois sur plusieurs années, pour coller à leur idéologie. »

Pendant les incendies de Los Angeles notamment, la théorie complotiste du projet Blue Beam a été massivement reprise. A chaque nouvel incendie, de nouvelles « preuves » de cette théorie sont « trouvées » par les complotistes, renforçant les croyances de ces complotistes.

Nos émotions : carburant de fake news

La colère, la peur, mais surtout l’indignation, sont les émotions qu’essayent de susciter les fausses informations, parce que ce sont celles-ci qui nous poussent le plus à réagir sur les réseaux sociaux.

« Les fake news ne représentent que 5 % des contenus mis en ligne sur les réseaux sociaux, pourtant, on en voit en continu, affirme Thomas Huchon. Pourquoi ? Parce que nous y réagissons et que les algorithmes les repèrent plus facilement. » Pour lui, il ne faut pas non plus sous-estimer le fait que nos émotions, prenant le dessus sur notre raison, nous amènent à croire n’importe quoi.

Au-delà de croire, Stéphanie Lukasik l’affirme, ces informations nous marquent : « Les émotions vont influencer notre crédulité mais aussi notre mémorisation. Une information qui nous énerve va être plus facilement retenue par notre cerveau, encore plus sur des réseaux qui nous bombardent d’autres informations inutiles. »

Faut-il se couper des réseaux sociaux ?

Nid à fake news, doit-on pour autant s’éloigner des réseaux sociaux lors de ces catastrophes ? Pour le chercheur Laurent Cordonier, c’est plutôt l’inverse. Dans les situations d’urgence, les réseaux sociaux restent un allié de choix pour s’informer.

« Dans les pays ou les médias sont déficients ou contrôlés, les gens passent par les réseaux sociaux pour s’informer et trouver une information de meilleure qualité. C’est un peu la même situation que l’on retrouve lors de catastrophes naturelles. » Une information plus rapide, plus variée, mais qu’il faut apprendre à distinguer dans ce qu’il appelle un « far-west informationnel ».

Aujourd’hui, les services de secours se tournent de plus en plus vers les réseaux sociaux pour diffuser des ordres d’évacuation, des conseils, ce qui permet aux citoyens de s’y retrouver plus facilement. « Les gens ne sont pas naïfs, poursuit Laurent Cordonier, dans ce genre de situations ils se dirigent avant tout vers des sources fiables, qu’ils connaissent. »

Les fake news tuent

Si ces services ont à cœur de contrer la propagation de fake news, c’est parce qu’elles compliquent le travail des secours. « Pendant le Covid notamment, les soignants et premiers secours ont été accusés d’être complices, ont parfois été agressés » explique Thomas Huchon.

Ces « infodémies » qui tuent, Laurent Cordonier a pu en observer d’autres exemples : « Pendant l’épidémie d’Ebola en Afrique, des rumeurs affirmaient que c’était la Croix Rouge qui diffusait le virus, simplement parce qu’ils se rendaient sur les foyers d’épidémie… Cela a pu pousser des personnes à ne pas se faire soigner par peur d’être contaminées ».

Pareil pour les cas d’intoxication aux Etats-Unis lorsque Donald Trump conseillait des traitements alternatifs contre le Covid. Ces fake news à but politique ou économique peuvent parfois s’avérer mortelles.

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Le conseil de Laurent Cordonier pour éviter l’indigestion : se limiter aux sources en qui on a confiance, que l’on suit depuis plusieurs années, et surtout évitez les rumeurs. « Quand on manque de recul on peut avoir envie d’avoir un avis sur tout. On doit pouvoir se dire « je n’en sais rien » et laisser le temps faire le tri. »