« Pas de prise, pas de voiture » : vérification des propos du patron de 40 millions d’automobilistes sur la voiture électrique.
Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes, a présenté des arguments contre la voiture électrique lors d’un débat, mais ces arguments datent d’il y a dix ans. Léo Larivière de l’ONG Transport & Environnement a souligné que « quand j’entends Pierre, j’ai l’impression que les automobilistes dont tu parles, c’était en 2012. »
C’est fascinant et terrifiant à la fois. Lors de notre débat sur l’échéance 2035, Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes, a exprimé des réserves sur la voiture électrique. Le problème ? Ses arguments sont vieux de dix ans.
On apprécie Pierre Chasseray. Il a accepté notre invitation, est sympathique et défend avec ferveur le porte-monnaie des Français via son association 40 millions d’automobilistes. Cependant, lors de notre dernier débat dans l’émission Survoltés, quelque chose a coincé. Vraiment coincé.
Face à des experts et des utilisateurs quotidiens, le discours de Pierre Chasseray a semblé… dépassé. Voire complètement déconnecté de la réalité technologique de 2025.
Cela pose un problème. Car lorsqu’on prétend défendre l’intérêt des conducteurs tout en diffusant des mythes qui les éloignent d’une technologie plus économique à l’usage, cela ne rend pas service. C’est une forme de désinformation involontaire.
Le mythe de la « prise manquante » est son argument principal. Pierre Chasseray estime qu’une voiture électrique est inutile sans garage.
« J’ai pas de prise (…) S’il n’y a pas de place de stationnement privative, ça veut dire que tu peux pas la charger ta voiture. »
Il va jusqu’à donner un exemple précis : « À Saint-Ulphace, dans la Sarthe, tu as une baraque, il n’y a pas de prise. Leclerc, c’est à 15 bornes, tu fais quoi ? » Il imagine même des gens faire passer des fils par la fenêtre.
La réalité est différente. Comme l’a souligné notre journaliste Vincent, qui a vécu en appartement sans prise avec une Tesla, ou Christophe Debonne, utilisateur de voiture électrique depuis 10 ans, la recharge à domicile est un confort, mais pas une obligation absolue.
Aujourd’hui, le réseau de recharge est dense. On peut charger au travail, pendant ses courses (le fameux Leclerc à 15 bornes a probablement des bornes rapides) ou sur des hubs urbains.
Léo Larivière de l’ONG Transport & Environnement a résumé la situation avec justesse :
« Quand j’entends Pierre, j’ai l’impression que les automobilistes dont tu parles, c’était en 2012. »
Affirmer que l’électrique n’est pas fait pour les ruraux est une hérésie. Ce sont justement eux qui parcourent le plus de kilomètres et qui pourraient économiser financièrement. Contrairement aux citadins, ils ont souvent… une maison. Et donc une prise.
« On ne pourra pas charger 40 millions de bagnoles » est l’argument qu’il avance. Pierre Chasseray s’inquiète : « Et tu crois qu’on va pouvoir recharger 40 millions de bagnoles, toi ? ».
Cette phrase montre son manque de compréhension du fonctionnement du réseau électrique et de l’usage réel.
1. Les 40 millions de voitures ne chargeront pas toutes en même temps à 19h.
2. La technologie de smart charging (recharge intelligente) lisse déjà la demande.
3. RTE (Réseau de Transport d’Électricité) a publié plusieurs rapports confirmant que le réseau tiendra, même avec un parc 100 % électrique.
Brandir cette peur, c’est ignorer que la transition prendra 15 ou 20 ans. Le réseau s’adapte et les bornes se multiplient (+55 % en un an). Dire « ça ne marchera pas » aujourd’hui, c’est comme affirmer en 1995 qu’Internet ne pourra jamais supporter le streaming vidéo.
Concernant le coût, Pierre Chasseray répète ce que lui disent ses adhérents : « C’est trop cher ».
« Je leur ai dit pourquoi vous n’achetez pas une voiture électrique ? Ils m’ont dit ‘Ah c’est trop cher.’ OK, bon. J’entends. »
Il entend, mais il n’analyse pas. Oui, le prix d’entrée est élevé (cela étant en train de changer avec la R5, la C3 et les modèles chinois). Cependant, le rôle d’une association de défense est d’éduquer sur le TCO (Coût Total de Possession).
Christophe Debonne a présenté les chiffres réels sur le plateau : rouler en électrique lui coûte environ 3 € les 100 km. En thermique, cela revient à 10 à 12 €. Sur la durée de vie du véhicule, l’économie se chiffre en milliers d’euros.
En validant simplement le ressenti « c’est trop cher » sans expliquer les économies potentielles, Pierre Chasseray maintient les automobilistes dans un choix (le thermique) qui pourrait leur coûter de plus en plus cher en carburant et en entretien.
Ce débat a été révélateur. Pierre Chasseray est un bon communicateur, mais sa vision de la voiture électrique semble figée dans le passé, celle de la Renault Zoé de 2013 et des bornes en panne.
Le problème, c’est qu’il a une voix qui porte. En diffusant ces doutes infondés sur la recharge ou le réseau, il ne « protège » pas les automobilistes : il les maintient dans la crainte envers une technologie qui, ironiquement, est la seule capable de préserver leur pouvoir d’achat face à la hausse du prix de l’essence. Il est temps que 40 millions d’automobilistes modernise son discours.

