Netflix-Warner-Paramount : ce que vous n’avez pas suivi sur le deal qui bouleverse le cinéma et la SVoD
Netflix a annoncé l’acquisition de Warner Bros. Discovery pour un montant valorisé à 82,7 milliards de dollars. Le projet de rachat subira un examen minutieux de l’autorité de la concurrence avant une éventuelle clôture qui n’interviendrait pas avant fin 2026-milieu 2027.
S’il y a des personnes qui ont passé la dernière semaine sous un rocher ou qui se sont simplement coupées de l’actualité, sachez que Netflix a annoncé l’acquisition de Warner Bros. Cette fusion de deux titans de l’audiovisuel soulève de nombreuses questions auxquelles nous répondons ici.
C’est l’information qui a fait trembler le monde du cinéma ce week-end : Netflix va acquérir Warner Bros. Discovery, un conglomérat comprenant notamment la séculaire Warner Bros. Entertainment, acteur historique du cinéma et de la télévision. Warner Bros. Discovery, c’est également des chaînes de télévision telles que CNN et Eurosport, la plateforme de SVoD HBO Max, la maison d’édition DC Comics, quelques studios de jeux vidéo comme Rocksteady Studios (série Batman : Arkham) et Avalanche Software (Hogwarts Legacy : L’Héritage de Poudlard), ainsi que plusieurs licences associées.
Si ce rachat se concrétise, la fusion Netflix-Warner représenterait non seulement le deal de la décennie, mais aussi la fin d’une ère de l’audiovisuel, marquée par la montée en puissance de Netflix. Cependant, Netflix reprendra-t-il effectivement tous les actifs de Warner Bros. Discovery ? L’autorité de la concurrence autorisera-t-elle cette opération ? Si oui, quelles seront les conséquences sur le catalogue Netflix, les prix des abonnements et les contenus HBO Max ? Réponses dans cette foire aux questions.
**Quels actifs de la Warner Bros. Discovery seraient rachetés par Netflix ?**
La rumeur concernant le rachat d’une partie de Warner Bros. Discovery par Netflix circule depuis plusieurs mois. On pensait à l’époque que Netflix se contenterait d’actifs moins valorisés comme les studios de jeux vidéo, ce qui lui aurait permis d’échapper à l’attentivité de l’autorité de la concurrence tout en améliorant ses ressources dans ce domaine.
Néanmoins, le deal, valorisé à 82,7 milliards de dollars, prévoit que Netflix s’empare réellement de ce qui l’intéresse : les séries et les films (et en partie les jeux vidéo). Selon un article du site Le N rouge, Netflix prévoit d’acquérir les studios de production de Warner Bros. (Warner Bros. Pictures et Television, DC Studios, Warner Bros. Games), la chaîne HBO et la plateforme HBO Max.
Le projet de rachat devra donc être examiné minutieusement par l’autorité de la concurrence. Netflix, déjà leader dans le secteur de la SVoD, pourrait détenir une part de marché trop importante pour une seule entité.
**Harry Potter, DC Comics, Le Seigneur des Anneaux… Quelles licences s’offrirait Netflix ?**
Avec ce deal à 82,7 milliards de dollars, Netflix aurait accès aux catalogues de Warner Bros. et de HBO, qui comptent de grands classiques et des succès récents, ainsi qu’aux droits sur de nombreuses franchises cinématographiques et télévisuelles. Voici une liste non exhaustive mais significative :
– Harry Potter et Les Animaux Fantastiques
– Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit
– Les films et séries du DCU (Superman, Batman, Wonder Woman, Suicide Squad…)
– Les cartoons Looney Tunes et Hanna Barbera (Le Laboratoire de Dexter, Les Supers Nanas, Tom et Jerry, Scooby-Doo, Yogi l’ours…)
– Les films et séries adaptés de certaines œuvres de Stephen King (Ça, L’Institut, La Ligne verte…)
– Game of Thrones
– Les films et séries de la franchise Dune
– Les Soprano
– Euphoria
– The Last of Us
– Mad Max
– Matrix
– Conjuring
– De grands classiques du cinéma tels que Le Magicien d’Oz, Citizen Kane, Autant en emporte le vent et Casablanca
Certaines de ces franchises ont actuellement des projets en cours de production, comme la série Harry Potter prévue pour 2027 sur HBO, le troisième film Dune de Denis Villeneuve ou encore le nouvel film Le Seigneur des Anneaux : The Hunt For Gollum, attendu pour fin 2027, ce qui pose des questions sur l’avenir de ces projets.
**Quel avenir pour HBO Max ?**
Pour l’instant, HBO Max reste une plateforme de SVoD autonome et complètement indépendante de Netflix, et ce jusqu’à une hypothétique clôture du rachat qui ne surviendrait pas avant fin 2026 ou mi-2027. Pour l’heure, rien ne change.
Même après le rachat, HBO Max devrait continuer d’exister, au moins sous la forme d’une marque. Aujourd’hui encore, HBO est un nom prestigieux, associé à des contenus de très haute qualité, d’où le recent changement de nom de la plateforme Max en HBO Max, d’ailleurs épiscopalisée par de nombreuses séries primées telles que Game of Thrones, Euphoria, Chernobyl, etc.
Au mieux, HBO Max pourrait continuer d’exister comme une plateforme SVoD séparée de Netflix mais intégrée dans ses offres commerciales, un peu à la manière d’OCS dans les forfaits Canal+ il y a quelque temps. Au pire, HBO Max pourrait être intégrée directement dans les formules Netflix sous forme de tuile, en évoquant ce qui s’est récemment produit avec Hulu sur Disney+.
**Quid des productions Warner et HBO en cours ?**
De même que pour l’avenir de HBO Max, rien ne changera jusqu’à la finalisation du rachat. Cela implique que les films et séries prévus jusqu’à mi-2027 ne modifieront pas leur planning. La sortie de la série Harry Potter devrait donc se dérouler comme prévu pour la première saison.
La suite de cette production relèverait seulement de Netflix. Selon les informations rapportées par Screen Rant, Netflix a promis de « maintenir les opérations en cours de Warner Bros. et de tirer parti de ses forces, y compris les sorties en salles ». Ainsi, Batman 2, Dune 3 et The Hunt For Gollum devraient normalement sortir en salles comme initialement prévu.
Pour ce qui est de la série Harry Potter ou d’autres productions à venir, après le rachat, ce sera à Netflix de décider du renouvellement éventuel, des budgets, du calendrier de sortie des épisodes et des saisons, du branding (Netflix Originals ou Netflix & HBO Originals ?) ainsi que tout ce qui concerne la production d’une série.
En théorie, Netflix pourra également intervenir sur la direction artistique ou le ton d’une série HBO, mais il est plus probable que, pour des projets sensibles (comme la série Harry Potter), le N rouge laisse la main aux équipes mandatées par Warner.
**Nouvelle hausse des prix de Netflix en vue ?**
C’est évidemment une question que tout le monde se pose. Netflix envisagera-t-il d’augmenter ses tarifs suite à cette acquisition ? Après une dépense de plus de 80 milliards de dollars et de nouveaux actifs à financer et gérer, c’est une possibilité. De plus, Netflix aurait encore plus de pouvoir sur le marché de la SVoD et serait ainsi en position d’imposer ses tarifs grâce à une offre de contenus très alléchante.
Cependant, une grande partie des analystes pensent qu’il pourrait y avoir une hausse généralisée des tarifs, avec la possibilité de créer des options payantes ou une nouvelle formule pour intégrer les programmes HBO et Warner.
De son côté, Reuters a rapporté que ce rachat pourrait, au contraire, entraîner une baisse du coût global pour certains abonnés. En particulier, les personnes qui paient à la fois un abonnement Netflix et HBO Max pourraient voir le prix total diminuer dans le cadre d’un bundle. En revanche, une baisse des prix de base de Netflix ne serait pas envisagée.
Quelle que soit la situation, l’effet du rachat sur les prix sera également scruté de près par l’autorité de la concurrence qui considèrerait d’un mauvais œil un abonnement Netflix « pour 60 €/mois ».
**Que dit l’autorité de la concurrence ?**
L’autorité de la concurrence n’a pas encore pris de position officielle, mais plusieurs indications suggèrent qu’elle serait hostile à cette acquisition. Elle doit d’abord déterminer si Netflix dépasserait les 30 % de parts du marché du streaming après ce rachat et si la nouvelle configuration du marché serait déloyale pour les autres plateformes. En effet, toute consolidation menace la diversité des offres sur un marché, et cette situation est particulièrement préoccupante, au point que même Donald Trump a pris position sur la question.
Dans une déclaration relayée par Bloomberg, le Président des États-Unis a souligné qu’une fusion Netflix-Warner pourrait poser des problèmes sur le plan antitrust. À relativiser néanmoins, puisqu’il est apparent que Donald Trump a des liens avec David Ellison, PDG de Paramount, qui a manifesté son intérêt pour un rachat de Warner Bros. Discovery et qui pourrait être lésé dans les négociations. L’influence politique de Donald Trump sur la décision de l’autorité de la concurrence reste à voir.
Enfin, en plus de l’autorité de la concurrence américaine, les autorités britannique et européenne auront également leur mot à dire sur cette acquisition. Cela a été le cas lors du rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft, qui a été ralenti de plusieurs mois par le régulateur britannique.
**Un autre rival pour mettre des bâtons dans les roues de Netflix**
Netflix devra également se méfier d’un autre acteur majeur du secteur audiovisuel, Paramount Skydance, qui convoite aussi les actifs de Warner Bros. Discovery et n’a pas du tout digéré l’accord entre Netflix et Warner. Trois jours après ce dernier, Paramount n’a pas lâché l’affaire et propose 108,4 milliards de dollars dans la bataille, contre 82,7 pour Netflix.
La direction de Warner Bros. Discovery a déjà rejeté l’offre de Paramount, qui s’adresse alors directement aux actionnaires pour tenter un rachat hostile. Il s’agit là d’une OPA (Offre Publique d’Achat), une manœuvre particulièrement agressive.
Paramount contourne la direction de Warner Bros. Discovery et offre aux investisseurs le choix entre une offre en cash plus profitable ou le respect de l’accord avec Netflix, moins avantageux. Le but de cette stratégie est de déstabiliser la fusion Netflix-Warner en rendant l’offre plus attrayante pour les investisseurs de Warner. Et cela fonctionne. David Zaslav, PDG de Warner Bros. Discovery, a lui-même affirmé que le conglomérat pourrait revoir son accord avec Netflix si Paramount Skydance augmentait son offre de quelques milliards.
À la suite de cette OPA, Netflix pourrait également devoir augmenter sa mise. En résumé, la guerre des enchères est loin d’être terminée et pourrait devenir longue et coûteuse pour les deux entreprises, alors que leurs actions chutent en bourse depuis l’annonce de leur intention de débourser des sommes considérables.

