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« L’impact serait colossal… » Ce que donnerait un séisme de magnitude 7,7 en France

Près de 150 morts et 800 blessés en Birmanie, selon un bilan encore provisoire, après le tremblement de terre de magnitude 7,7 survenu ce vendredi matin. Une catastrophe qui n’a pas d’équivalent en France, mais qui amène 20 Minutes à se poser la question des conséquences que subirait le pays si un tel événement venait à se produire.

En gardant en mémoire le séisme de 1909 de magnitude 6,6, qui s’était produit en Provence et avait tué 47 personnes et détruit de nombreux villages dont un ne fut jamais reconstruit, 20 Minutes a demandé au sismologue du CNRS Christophe Voisin ce qu’il se produirait si un tremblement de terre de magnitude 7,7 frappait la France.

Commençons peut-être avec une rapide explication de ce que signifie l’échelle de magnitude ?

Actuellement les plus gros séismes jamais enregistrés sont de 9,6-9,5. Le dernier en date c’est le Japon, en 2011, qui avait provoqué le tsunami qu’on connaît. Il y a également eu Sumatra en 2004 et avant ça le Chili en 1964. Ce sont des très très gros tremblements de terre.

La magnitude donne une estimation à la fois de la taille, du glissement et de l’énergie libérée. La magnitude de 7,7, ça fait un séisme qui va se développer sur une longueur d’environ 200 km, qui va casser la croûte terrestre sur une vingtaine de kilomètres et le glissement estimé pour l’heure est de 5 mètres au maximum, avec une moyenne d’1,5 mètre. Le tout en 80 secondes. C’est très brutal. Ça fait une vitesse de propagation de 2,5 km/s, soit 9,000 km/h, (un peu moins de deux fois la vitesse du son).

Et qu’est-ce que ça donnerait en France ?

D’abord, il faut comprendre que plus un séisme est puissant, plus les ondes qu’il propage sont de basses fréquences, ce qui impacte davantage les plus grands bâtiments et moins les petits. Car les bâtiments grands ont une fréquence de résonance qui est plutôt basse, qui dépend de son nombre d’étages.

Et donc, il y a des cas malheureux ou les fréquences de résonance des bâtiments sont celles du tremblement de terre. Les petits séismes libèrent de l’énergie à haute fréquence, comme dans le cas du Teil, en Ardèche, en 2019, qui avec une faible magnitude, de l’ordre de 5,4, mais qui avait fait des dégâts considérables. Cela parce que la fréquence des ondes était plutôt haute et les bâtiments bas et surtout parce qu’il avait atteint la surface.

Donc un gros séisme dans une zone aux bâtiments bas ferait peu de dégâts ?

Une magnitude de 7,7 fait quand même 200 km, soit 1/5 de la France. L’impact sur le pays serait colossal. Tout le pays le ressentirait, c’est très clair. Si l’épicentre est une zone rurale, il n’y aura en effet pas trop de destructions. Mais si la rupture survient à proximité, admettons dans le sud de la France qui extrêmement peuplé et urbanisé, avec des bâtiments de toutes tailles, on aura des ondes de haute fréquence qui vont impacter tous les bâtiments, mais aussi des basses fréquences qui elles vont se propager sur de très grandes distances.

Et donc on aura un problème : tous les hauts bâtiments vont se faire secouer. Après, ils sont bien construits et il n’y aura pas je pense trop de dégâts. Ils se feront secouer, oui, mais sans tomber comme on a pu le voir sur les immeubles avec les piscines sur le toit en Thaïlande dans des vidéos aujourd’hui.

Aussi, nous avons des normes sismiques et une culture du risque sismique en France développées, notamment parce que nous avons des sites nucléaires. Les mises en sécurité des sites sensibles se calent sur un niveau d’accélération de 10 % de l’apesanteur, soit 0,1 g (soit une accélération de 3,5 km/h par seconde). En magnitude 7,7, je pense qu’on les dépasse. Les alarmes se seraient déclenchées et a minima un état des lieux et des inspections, avec des mises à l’arrêt des centrales, seraient nécessaires.

Et niveau bilan humain ? Une vieille simulation du musée de sismologie qui étudiait en 1983 l’impact d’un séisme identique à celui de 1909 tablait sur 500 à 1.000 morts ? Cela vous semble-t-il raisonnable ?

Il faudrait actualiser tout ça. Si ça reste un ordre de grandeur, autour de 1.000 décès, oui pourquoi pas. J’ai un chiffre en tête qui m’avait choqué : lors du tremblement de terre de Northridge, en Californie, en 1994, de magnitude 6,7, il y avait eu une cinquantaine de morts, et que des arrêts cardiaques de personnes fragilisées, âgées ou en surpoids. Je crois que cela est un impensé des simulations.

Et puis, nous avons aussi les sites Seveso, dont pour certains on n’imagine pas très très bien l’impact d’un tremblement de terre.

Quelle serait la magnitude maximum à laquelle on peut s’attendre en France ?

On sait qu’en France, on a des tranchées qui vont faire des décalages d’un mètre, et en se basant sur la longueur de la faille, on imagine qu’on devrait atteindre une magnitude de 6,5. C’est probablement ce qu’on peut craindre de plus gros actuellement pour la France.