Le dirigeable Stratobus n’a jamais existé : stratosphère permanente ?
Le projet Stratobus, porté par Thales Alenia Space, a franchi une étape avec la réunion du comité de pilotage le 10 septembre sur la base aérienne 125 d’Istres, où le dirigeable de 140 mètres doit être assemblé à partir de 2030. Un premier stratoport a été créé aux Canaries pour les décollages, d’où partiront les deux démonstrateurs attendus pour 2026 et 2027, avant le lancement du premier modèle prévu pour 2030-2031.
De nombreux défis technologiques à relever. Le projet Stratobus, soutenu par Thales Alenia Space, a récemment franchi une étape importante avec la tenue du comité de pilotage du projet le 10 septembre sur la base aérienne 125 d’Istres. C’est ici que le dirigeable, mesurant 140 mètres de long, doit être assemblé à partir de 2030.

Cependant, le Stratobus ne se limite pas à un simple dirigeable. Faisant partie de la catégorie des HAPS [High Altitude Platform System], ce ballon est destiné à évoluer à très haute altitude, en stratosphère, soit à 20 km d’altitude, où il aspire à transporter une charge utile comprise entre 250 kg et 450 kg, et à y rester durant… une année ! Cette durée de présence supérieure à celle d’un avion, qui ne peut rester que quelques heures, lui permet de réaliser de nombreuses missions, tant pour la défense que pour des applications civiles, renouant avec des tâches telles que l’interception de menaces, la surveillance des populations, le guidage GPS ou le relais de communication téléphonique.
« Un système complexe pour lequel nous inventons de nouveaux matériaux »
Pour atteindre cet objectif, les ingénieurs de Thales Alenia Space devront d’abord surmonter plusieurs défis liés aux températures très basses et aux radiations. Équipé de quatre moteurs électriques alimentés par un générateur solaire constitué de 1.000 m2 de panneaux photovoltaïques, l’enveloppe du dirigeable sera « réchauffée par le générateur solaire, induisant des variations de température entre + 50° et – 80 °C à différents points du dirigeable », explique à 20 Minutes Yannick Combet, responsable du projet Stratobus chez Thales Alenia Space. Il sera donc nécessaire de concevoir de nouveaux assemblages de fibres résistantes, « sachant qu’il n’y a rien à l’intérieur de l’enveloppe, la structure du dirigeable se formant par surpression ». Cela explique en partie la légèreté relative de sa masse, qui avoisine les 8 tonnes, au regard de la taille de l’appareil.
« C’est un défi technologique majeur, puisque aucune solution capable d’assurer une permanence dans la stratosphère n’existe aujourd’hui, poursuit Yannick Combet. C’est un système complexe pour lequel nous développons des technologies et concevons de nouveaux matériaux. Un tel objet n’a jamais été conçu. »
« Il n’interviendra pas en zone de conflit »
Démarré en 2016 puis suspendu avant la reprise des études d’implantation des infrastructures à Istres en 2018, le projet Stratobus a attiré l’attention lors du dernier salon du Bourget, où a été présentée la stratégie militaire française pour la très haute altitude (THA).
Le ministre des Armées à l’époque, maintenant Premier ministre, Sébastien Lecornu, avait déclaré que la THA représentait « à la fois des opportunités et un lieu de conflits croissants », et que la France devait y affirmer « une forme de supériorité opérationnelle », bien que cet environnement soit « difficile à maîtriser ». Il avait confirmé que trois projets, évoluant dans cet espace situé entre les satellites et au-dessus de l’espace aérien contrôlé, étaient en développement pour les armées : le Zephyr, un planeur à énergie solaire réalisé par Airbus ; le ballon stratosphérique manœuvrant Balman, développé par Hemeria, capable de transporter quelques dizaines de kilos avec une permanence de plusieurs semaines, voire plusieurs mois ; et enfin, le Stratobus.
« Le Stratobus est un couteau suisse, il a été conçu pour être multimissions, décrit Yannick Combet. En soutien à la défense, il effectuera des missions de surveillance, grâce à des radars et caméras, aux frontières, pour la cartographie 3D, ou pour anticiper des attaques… Il pourra également participer à la détection de missiles hypersoniques, en complément des avions et satellites. En revanche, il n’interviendra pas en zone de conflit. » Si la maîtrise du dirigeable était compromise, un « système de sauvegarde permettrait de le faire atterrir en toute sécurité dans une zone prédéfinie », afin d’éviter des incidents similaires à celui du ballon chinois abattu en 2023 par un F-22 après avoir survolé les États-Unis.
« Au-dessus du Stade de France pour de la surveillance de foule et fournir une antenne-relais 5G »
Pour les applications civiles, l’appareil pourrait être utilisé pour des missions environnementales, d’amélioration des signaux GPS dans les zones densément peuplées, ou pour les télécommunications, en apportant une capacité supplémentaire aux constellations de satellites dans les zones non couvertes ou lors d’événements d’envergure. « Un Stratobus pourrait être positionné au-dessus du Stade de France pour assurer à la fois la surveillance de la foule et fournir une antenne-relais 5G, afin de gérer les pics de capacité », précise Yannick Combet. « Les perspectives de marché sont très significatives et, avec sa charge utile, il peut mener deux ou trois missions différentes simultanément. »
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Cependant, Thales Alenia Space reconnaît qu’il sera limité par sa capacité de production. « Pour assembler un Stratobus, il faut un hangar qui ne peut pas produire en série, étant également nécessaire de prévoir de la maintenance. Notre modèle économique ne repose pas sur une production de masse et nous serons limités à quelques petites centaines d’exemplaires. » Des « stratoports » doivent être établis dans divers pays pour les décollages. Un premier a été créé aux Canaries, d’où les deux démonstrateurs sont attendus pour 2026 et 2027, avant le lancement du premier modèle prévu pour 2030-2031.
Un consortium européen composé de six pays partenaires (France, Italie, Allemagne, Espagne, République tchèque et Hongrie) soutient le projet, impliquant un tissu industriel d’une vingtaine de fournisseurs. Thales Alenia Space refuse cependant de commenter l’aspect financier du projet, se limitant à indiquer qu’il s’agit d’un montage public/privé.

