High-tech

La surveillance de vos messages privés pourrait revenir en Europe.

Bruxelles a formellement écarté son projet de surveillance automatique des messageries privées. Une version « allégée » du règlement Chat Control devrait bientôt passer sur les bureaux des ambassadeurs de l’Union européenne.


Après une mobilisation prolongée, Bruxelles a officiellement abandonné son projet de surveillance automatique des messageries privées. Cependant, bien que le règlement Chat Control ait été écarté, il pourrait revenir de manière discrète.

Le combat pour la protection de la vie privée ne semble pas encore terminé. Alors que les défenseurs de cette cause se réjouissaient d’avoir mis fin aux ambitions sécuritaires de Bruxelles, le rappel du règlement Chat Control reste présent dans les coulisses de la Commission européenne.

Selon le Berliner Zeitung, une version « allégée » de ce texte devrait bientôt être examinée par les ambassadeurs de l’Union européenne. Certaines des mesures proposées font craindre un retour de la surveillance automatisée.

Dans ce nouveau projet présenté à Bruxelles, plusieurs dispositions visent à maintenir la possibilité d’une surveillance « volontaire », actuellement permise en Europe dans des circonstances exceptionnelles. Un outil qui, s’il était adopté par les fournisseurs de messagerie à l’échelle mondiale, compromettrait effectivement le chiffrement de bout en bout. « Toute correspondance dans laquelle les résultats d’un contrôle sont dévoilés […] ne peut plus être considérée comme sécurisée ou privée, et ne peut donc pas être le fondement d’un écosystème numérique sain », préviennent une vingtaine de scientifiques dans une lettre ouverte.

De nombreux experts craignent également qu’une ambiguïté dans la rédaction du texte ne permette aux fournisseurs de messagerie instantanée d’être contraints, de manière insidieuse, à se conformer. L’article 4, tel qu’il est conçu actuellement, obligerait les applications à mettre en place « toutes les mesures nécessaires d’atténuation des risques », créant ainsi un cadre favorable à un éventuel retour discret de la surveillance automatisée.

« Même l’analyse côté client (examen des messages avant envoi sur le téléphone) pourrait devenir obligatoire », observe l’ancien eurodéputé Patrick Breyer dans le Berliner Zeitung. L’utilisation d’outils comme la reconnaissance par intelligence artificielle des contenus pédopornographiques ou des comportements prédateurs envers les mineurs suscite également des inquiétudes en raison du risque de faux positifs lié à des technologies encore peu fiables.

En ce qui concerne le Chat Control, sa forme actuelle suscite l’opposition de nombreux pays européens, rendant sa discussion sur l’agenda difficile. Cependant, certains États, dont la France, ne s’y opposent pas et pourraient considérer cette nouvelle manœuvre législative comme une opportunité pour avancer plus subtilement leurs intérêts.

Pour le moment, aucune majorité ne s’est encore formée en faveur de cette version allégée du règlement, mais sans la mobilisation populaire qui a conduit à l’abandon de la dernière version de Chat Control, des pays auparavant ambivalents pourraient basculer en faveur du texte.