La « Dopamine Détox », une cure pour rallumer son cerveau ou un écran de fumée ?
Se priver de plaisirs immédiats pour « réinitialiser » son cerveau, c’est le pari séduisant de la « dopamine détox », mais derrière ce concept séduisant se cache une simplification douteuse des neurosciences. Faut-il vraiment se couper de tout écran pour rallumer sa vie ?
Si la dopamine détox séduit autant, c’est qu’elle promet de répondre à un problème universel : notre addiction aux écrans. Notifications, likes et vidéos en boucle nous enferment dans un cycle de surstimulation constante. Car lorsque nous scrollons sur nos écrans, un neurotransmetteur, appelé dopamine, s’active est procure un sentiment de récompense, explique Sébastien Carnicella, chercheur à l’Institut des neurosciences de Grenoble
Scroll et châtiments : la tyrannie des écrans
En 2023, les Français passaient en moyenne 3h30 par jour devant leurs écrans, selon le rapport annuel du spécialiste de l’analyse de données mobiles Data. AI. Léna Situations, célèbre youtubeuse, a avoué consacrer parfois jusqu’à 7 heures quotidiennes à ses appareils. Pour y remédier, elle a décidé de se lancer un défi : un mois sans écran. Son témoignage, publié il y a deux semaines sur YouTube, cumule déjà plusieurs millions de vues.
Alors, les écrans nous manipulent-ils vraiment via la dopamine ? La sensation de récompense déclenchée par un message, un like ou un commentaire stimule-t-elle notre envie de rester connectés au point de nous nuire dangereusement ?
Une dopamine à la carte ?
Sur les réseaux sociaux (ironie du sort), les vidéos de « dopamine détox » fleurissent avec des recettes simplistes : arrêter tout ce qui « stimule » la dopamine. Une idée séduisante, mais largement erronée. Comme le rappelle Sébastien Carnicella, la dopamine, loin d’être un ennemi, est essentielle à notre motivation. Sans elle, pas de projets, pas d’envie… Pas de vie en somme.
Le terme « détox » pose d’ailleurs problème au chercheur : « Il implique un sevrage, mais cela revient à créer un manque de dopamine. C’est une bétise ». Dompter sa dopamine semble donc une idée plus risquée qu’utile. « C’est plutôt la dopamine qui nous dompte », plaisante-t-il. Toutefois, nous avons la possibilité d’influencer positivement notre production de dopamine grâce à une alimentation équilibrée, un bon sommeil ou des activités physiques et intellectuelles stimulantes. Sans écran donc…
Changer d’addiction en douceur
Plutôt que de « purger » cette molécule essentielle, certains influenceurs proposent une alternative : le « dopamine menu ». L’idée ? Troquer les soirées Netflix contre un jogging, une session de dessin ou un bon livre. Pas de détox restrictive ou radicale, mais un changement des sources de stimulation. Une approche plus réaliste qui semble être plus pertinente pour Sébastien Carnicella. « Si on enlève l’objet de l’addiction, il faut le remplacer par un autre objet d’intérêt pour rééduquer le système dopaminergique à des stimulations plus normales et saines. »
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Moralité ? Si vous êtes tentés par la « dopamine détox », gardez une dose de scepticisme. Plutôt que de céder à l’appel des hashtags et des tendances éphémères, commencez par reprendre le contrôle de vos habitudes en douceur. Après tout, la vraie révolution ne passe pas par un écran noir, mais par un esprit éveillé. Alors, fermez cet article… (mais revenez demain).