Jeff Bezos réussit son premier vol vers Mars : rivalité avec Elon Musk ?
Blue Origin a réussi la récupération du premier étage de sa fusée New Glenn, posé de manière contrôlée sur une barge en mer. La fusée New Glenn a atteint l’orbite pour la première fois le 16 janvier lors de son vol inaugural.

Blue Origin, la société spatiale de Jeff Bezos, a réussi à récupérer pour la première fois le premier étage de sa fusée lourde New Glenn, lors d’un atterrissage contrôlé sur une barge en mer. Cette manœuvre complexe, déjà maîtrisée par SpaceX, pourrait permettre à l’entreprise de Bezos d’accélérer le rythme de ses lancements tout en diminuant les coûts.
À bord, deux sondes de la Nasa, dont la mission, nommée Escapade, vise à étudier l’histoire du climat de Mars et à préparer une possible exploration humaine de la planète rouge. Ce vol constitue donc un enjeu scientifique majeur, et pourrait-il également favoriser Bezos dans sa compétition avec Elon Musk, le dirigeant de SpaceX ?
Cette rivalité est bien réelle, mais elle est avant tout « énormément mise en scène par les deux milliardaires, qui ne s’entendent pas du tout », souligne Paul Wohrer, chercheur au programme Espace de l’Institut français des relations internationales (Ifri). En réalité, Musk et Bezos « sont deux industriels américains développant des capacités qui seront principalement utilisées pour des programmes américains, tout en poursuivant leurs propres ambitions », précise ce spécialiste de la géopolitique et des stratégies spatiales.
Un concurrent de SpaceX mais pas une menace
Chacun des deux milliardaires souhaite également établir une constellation de satellites de communication. Alors qu’Elon Musk a déjà lancé la sienne, Starlink, celle d’Amazon, dirigée par Bezos, Kuiper, est en phase de déploiement et devrait être opérationnelle début 2026. Selon Wohrer, le lancement de la New Glenn ce jeudi est surtout le signe qu’une nouvelle approche du spatial émerge, axée sur l’importance des lanceurs réutilisables et de l’industrialisation de la production des satellites.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe aucune concurrence entre SpaceX et Blue Origin. Le succès du vol NG-2 (New Glenn 2) pourrait indiquer l’émergence d’un nouvel acteur sur le marché commercial et un futur rival pour SpaceX, qui détient actuellement quasi-monopole sur les lancements institutionnels aux États-Unis, avance Paul Wohrer. Cependant, l’entreprise d’Elon Musk « n’a pas de raison de s’inquiéter aujourd’hui », compte tenu de ses projets ambitieux et de sa position dominante. « Mais cela pourrait marquer le début d’une concurrence qui, si l’histoire est un indicateur valable, devrait s’intensifier à l’avenir », ajoute-t-il.
Un concurrent potentiel qui doit faire ses preuves
Il est impossible de prédire aujourd’hui la relation future entre Blue Origin et SpaceX, tant les incertitudes sont nombreuses. Le coût des lanceurs, tels que la New Glenn de Blue Origin et les Falcon, voire le Starship de SpaceX, est primordial. Bien que des estimations existent, aucune donnée fiable n’est actuellement disponible sur les prix de ces fusées, et « il est tout à fait possible que les coûts soient très différents », selon Wohrer.
Une autre question essentielle est de savoir s’il existe réellement un marché pour des lanceurs lourds comme la New Glenn, qui mesure 98 mètres de hauteur. Le faible nombre de lancements de la Falcon Heavy de SpaceX, dont le dernier date du 14 octobre 2024, semble indiquer un marché limité.
Les constellations de satellites pourraient compenser cette absence de besoins : « D’après Elon Musk, SpaceX aura besoin, pour la viabilité de son système Starlink à long terme, d’un lanceur très lourd pour déployer davantage de satellites qu’elle ne le fait actuellement », précise le chercheur de l’Ifri. C’est ici que la concurrence pourrait commencer, si elle doit avoir lieu.
Un manque d’expérience à rattraper
La fiabilité du New Glenn reste également en question. La fusée n’a atteint l’orbite qu’une fois, le 16 janvier dernier, lors de son vol inaugural. La récupération du premier étage avait échoué, démontrant le manque d’expérience de Blue Origin, tandis que SpaceX « a réussi à fiabiliser ses lanceurs et ses opérations de réutilisation », en particulier avec sa Falcon 9, qui avait enregistré 132 vols en 2024.
Blue Origin, qui « a longtemps été très très très en retard » par rapport à SpaceX bien qu’ayant été fondée en 2000, deux ans avant l’entreprise de Musk, doit donc encore « faire ses preuves dans le domaine », conclut Paul Wohrer. D’autant que la société, qui développe des moteurs pour divers lanceurs et joue un rôle clé dans le tourisme spatial avec sa fusée New Shepard, a de grandes ambitions et conçoit un alunisseur lunaire pour les missions de retour de l’homme sur la Lune, dans le cadre du programme Artemis de la Nasa.
Ce jeudi soir, l’entreprise de Jeff Bezos poursuit donc son chemin avec le deuxième vol de la New Glenn, qui doit « prouver la fiabilité pour conduire des missions en orbite et démontrer la capacité de Blue Origin à récupérer le premier étage du lanceur », insiste le chercheur. Un défi de taille, déterminant pour l’avenir de la société.

