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« Indiana Jones et le Cercle ancien », ou quand le jeu vidéo déterre la nostalgie des années 1980

Il a un chapeau, un fouet, et une longue carrière au cinéma : Indiana Jones est de retour cette semaine dans le monde du jeu vidéo, avec la sortie d’Indiana Jones et le Cercle ancien. Le jeu d’action-aventure, développé par MachineGames, se place après Les Aventuriers de l’arche perdue et emmène l’archéologue, sous les traits d’un Harrison Ford rajeuni, dans un voyage tout autour du monde. A quelques jours de Noël, le jeu est peut-être le cadeau idéal pour un public bien précis : les gamers fans des années 1980.

A l’époque de leur sortie, les films grand public des années 1980 comme Terminator ou Alien devaient se contenter d’adaptations vidéoludiques pas forcément très bien faites. Les contraintes technologiques et la volonté d’en faire de simples produits dérivés ne leur ont pas légué une bonne réputation. Mais récemment, les eighties font un retour en force en jeu vidéo. Outre Indiana Jones et le Cercle ancien, cette fin d’année a aussi vu la sortie de Star Wars Outlaws. L’année dernière, c’était Robocop Rogue City et en 2022, Ghostbusters Spirits Unleashed transformait la saga du cinéma en jeu vidéo multijoueurs.

Tous les ingrédients pour un jeu vidéo

Indiana Jones et le Cercle ancien – et ces autres exemples – jouent sur un sentiment puissant : la nostalgie. « Elle repose sur une représentation idéalisée du passé, c’est une manière d’en édulcorer les aspects négatifs », définit Emmanuelle Fantin, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication au Celsa Sorbonne université. Celle qui a aussi codirigé l’ouvrage Nostalgies contemporaines rappelle d’ailleurs que l’utilisation de cette émotion n’est pas nouvelle. Retour vers le futur (tient, encore une saga des années 1980 qui a eu le droit à un retour en jeu vidéo au XXIe siècle), jouait déjà sur la nostalgie des années 1960.

Plus précisément, les années 1980 marquent « le passage d’un monde analogique à un monde numérique, ce qui change nos rapports aux médias ». CD, clips musicaux, ordinateurs personnels, jeux vidéo et avènement du cinéma familial et de ses blockbusters : toute une époque qui a marqué le secteur culturel. De manière plus évidente, ces fameux blockbusters sont souvent bourrés de scènes d’action, de héros bien définis, et se rattachent au genre de l’aventure et de la science-fiction. Tous les ingrédients sont réunis pour créer des niveaux de jeux vidéo, avec ses obstacles et ses ennemis. « Il y a aussi un parallèle avec la tendance retrogaming, dresse Emmanuelle Fantin. La maladresse et la simplicité font un charme qui contraste avec la recherche de progrès technologique et de réalisme graphique du secteur. »

« Pas besoin d’avoir vécu une époque pour en être nostalgique »

Enfin, la nostalgie « fait partie intégrante de la boîte à outils du marketing », affirme Emmanuelle Fantin. Indiana Jones et le Cercle ancien a des qualités, mais il aurait moins fait parler de lui s’il n’était pas l’héritier d’une franchise de cinéma. « Les sagas de notre enfance sont déclinées dans toutes sortes de voies marchandes et matérielles, reprend la chercheuse. Il y a une logique de captation des publics. Et pas besoin d’avoir vécu une époque pour en être nostalgique. Le meilleur exemple, c’est le phénomène du rockabilly, le rock des années 1950, qui séduit toujours quelques nouveaux fans aujourd’hui. C’est tout bénef en quelque sorte : on va parler à la personne qui va remobiliser ses souvenirs et susciter un attrait chez les jeunes. »

Entre les adaptations, les suites et les remakes, le jeu vidéo joue à fond sur cette carte. Plus qu’un manque de créativité, Emmanuelle Fantin y voit « une logique d’optimisation économique et financière : reconstituer un univers ou un public, c’est moins dur que de le constituer. » Mais « revenir à des idées esthétiques n’empêche pas d’être créatif. » Les joueurs d’Indiana Jones et le cercle ancien, eux, peuvent en tout cas s’offrir une belle session d’archéologie pour les fêtes.