Des images générées par IA pour piéger les boomers… Sur les traces de Francisco Ribeiro, le peintre portugais imaginaire
Avez-vous déjà entendu parler de Francisco Ribeiro ? Si vous avez moins de 50 ans et que vous n’êtes pas présent sur Facebook, ce nom ne vous dit peut être rien. Pourtant, ses œuvres d’art, likées et partagées des dizaines de milliers de fois, cartonnent sur le réseau social.
Ce qui fait le succès de ses tableaux ? Des couleurs chatoyantes, des scènes de vie rurale, mais aussi des bateaux éclairés par le soleil couchant, des femmes buvant des cafés dans les rues parisiennes, des décors moyenâgeux… Son style ? Tout aussi diversifié, tantôt impressionniste, tantôt réaliste… Mais qui est donc ce Francisco Ribeiro, dont les descriptions des publications nous apprennent seulement qu’il s’agit d’un « peintre contemporain portugais » ? A priori, personne, si ce n’est l’intelligence artificielle.
Des créations par IA (pour l’instant) détectables
Plusieurs signes permettent en effet de constater qu’il s’agit pour une grande majorité d’œuvres générées artificiellement. D’abord, les fameuses incohérences ou imprécisions, typiques de ce genre de créations, bien qu’elles soient de moins en moins présentes avec l’amélioration des IA. Sur l’une des images, par exemple, le pied d’une table se confond avec une chaussure. Sur un autre, le tracé des lettres d’une enseigne est complètement déformé, illisible.

Pour d’autres images encore, il est possible de retrouver leur source sur d’autres sites, où leur nature artificielle est alors clairement indiquée. Enfin, il est possible de s’appuyer sur des outils de reconnaissance d’images générées par IA. Bien qu’imparfait, leurs résultats peuvent néanmoins être une bonne piste. Sur la dizaine de tests réalisés par 20 Minutes avec des outils comme Hive ou Winston IA, toutes les images attribuées à Francisco Ribeiro ont été catégorisées comme l’œuvre d’une IA.
Qu’en est-il du peintre ?
Sur Internet, on ne trouve aucune trace concrète de ce peintre. Les requêtes avec ce nom et ce prénom renvoient toutes vers des publications sur Pinterest, Facebook ou X, où des internautes partagent ces fameuses œuvres d’art. En creusant un peu, il s’avère qu’il a bien existé un peintre du nom de Francisco Joaquim Gomes Ribeiro, mais ce dernier est né au Portugal en 1855, et est décédé au Brésil en 1900.
Sur le réseau social X, on trouve un compte du même nom, suivi par plus de 162.000 personnes, qui post très régulièrement des œuvres d’art. Pourrait-il y avoir un lien avec notre peintre ? C’est en tout cas la question que s’est posée l’intéressé, à en croire un de ses posts d’août 2024 : « Déclaration d’intérêt. J’ai vu sur certains médias sociaux des œuvres en IA créditées »Francisco Ribeiro, artiste contemporain du Portugal ». Je suis Francisco Ribeiro, originaire du Portugal, mais je ne suis pas un artiste, numérique ou autre, et ces œuvres sont faussement créditées. »
Plusieurs leviers pour monétiser des fakes
Quel est l’intérêt de partager ces faux tableaux ? Il s’agit de ce qu’on peut appeler un « boomer trap » ou « piège à boomer ». L’objectif est de tromper les personnes âgées sur Facebook, moins familières des dernières avancées de l’IA et qui constituent donc plus une cible facile. Une stratégie qui se révèle efficace au vu des profils présents dans la section commentaire sous ce genre de publication. L’année dernière, 20 Minutes alertait déjà sur ce phénomène, qui peut aussi prendre la forme de fausses photos de créations impressionnantes.
L’idée est la même : susciter de l’engagement via des partages, des likes et des commentaires. Les moyens de monétisation sont ensuite multiples : une page Facebook avec beaucoup d’abonnés peut être revendue, les publications peuvent être modifiées pour renvoyer vers des arnaques, et des arnaqueurs peuvent essayer de séduire leurs cibles via l’espace commentaire de ces publications. C’est d’ailleurs ce qu’on peut constater pour un certain nombre des œuvres attribuées à Francisco Ribeiro.
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Enfin, ces publications sont à mettre en lien avec le business de la vente d’œuvres générées par IA. En effectuant des recherches d’images inversées, il apparaît que plusieurs de ces « tableaux » sont disponibles à la vente sur des sites internet comme Amazon ou Etsy.