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Comment Google ne perd pas d’argent grâce à Android

Android est le système d’exploitation mobile le plus populaire au monde en se stabilisant à plus de 70 % de parts de marché. Google gagne de l’argent directement via le Play Store grâce à des commissions sur les achats réalisés et les abonnements souscrits depuis le magasin d’applications.

Bien qu’Android soit gratuit et open source, cela n’empêche pas le système d’exploitation mobile de générer d’importants revenus pour son développeur, Google. Voici comment cela fonctionne.
Android génère d’importants revenus pour Google // Source : Image générée par IA avec Canva

Si on décrit Android comme libre et gratuit, cette affirmation est à la fois accurate et insuffisante, car elle ne révèle pas l’ampleur des gains financiers que représente ce système d’exploitation pour Google, son propriétaire depuis 2005.

Nous allons ici examiner les mécanismes que Google utilise pour faire d’Android une source de profits, que ce soit directement ou indirectement.

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Le dossier Google, préinstallé sur les smartphones Android, comprend plusieurs applications du géant américain. // Source : Frandroid

Pour résumer brièvement, voici deux points essentiels.

  • Google génère des revenus directement par le biais du Play Store grâce aux commissions sur les achats et abonnements effectués dans la boutique d’applications.
  • Google utilise également un astucieux système d’accords pour établir un vaste écosystème d’applications qui lui permet de gagner de l’argent grâce à la publicité.

Passons maintenant à des explications plus techniques et plus intéressantes.

Android est open source : oui, mais…

Avec plus de 70 % de parts de marché, Android est le système d’exploitation mobile le plus prisé au monde. Pour une multinationale comme Google, c’est évidemment une immense opportunité de mettre en place un modèle économique très robuste.

En revanche, bien que l’Android Open Source Project (AOSP) soit disponible gratuitement et librement, tout développeur ou entreprise peut accéder à sa base pour créer une expérience logicielle sans aucune obligation envers Google.

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Cependant, des subtilités d’une grande importance entrent en jeu dès qu’on se penche sur l’écosystème Android que nous utilisons sur nos smartphones et tablettes, particulièrement en Europe où Android est intimement lié aux services et applications de Google.

C’est précisément ces applications et services qui génèrent des bénéfices pour Google. Pour saisir l’ensemble de la situation, il est essentiel de retenir deux acronymes : ACC et MADA.

Deux accords essentiels pour Google

L’ACC et le MADA sont deux accords cruciaux que Google présente aux fabricants de smartphones.

ACC : la base

ACC désigne l’Android Compatibility Commitment. Cet accord, établi avec la majorité des entreprises utilisant la plateforme Android, oblige les fabricants à assurer la compatibilité entre leurs appareils. C’est en grande partie grâce à l’ACC qu’une application peut fonctionner de manière uniforme sur un Xiaomi Redmi 15 5G, un Nothing CMF Phone 2 Pro, un Samsung Galaxy S25 Ultra ou un Honor Magic V5 (sans tenir compte des performances respectives, bien sûr).

À noter que cet accord était anciennement connu sous le nom d’AFA, soit Anti-Fragmentation Agreement.

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Samsung Galaxy S25 Ultra // Source : Frandroid

Bien que cet accord ne génère pas encore de revenus pour Google, il garantit que les fabricants ne se retrouvent pas isolés dans des écosystèmes fermés tout en leur permettant de créer des interfaces personnalisées comme One UI, HyperOS, MagicOS, ColorOS, etc. Cela contribue considérablement à l’utilisation de l’OS sur des milliards d’appareils, le rendant presque incontournable.

Il est à noter que certaines entreprises utilisent l’AOSP sans signer l’ACC, comme Amazon, qui a développé FireOS, compatible avec un nombre restreint d’applications Android classiques, car elle privilégie son propre écosystème.

MADA : l’accord le plus majeur

Après la signature de l’ACC, Google introduit un autre accord : le MADA pour Mobile Application Distribution Agreement. Cet accord est crucial pour transformer Android en une entreprise rentable. Bien qu’il englobe divers aspects, le point le plus essentiel concerne la suite d’applications de Google.

Pour qu’un fabricant de smartphones Android souhaite préinstaller le Play Store ou des applications populaires comme Maps ou YouTube, il est nécessaire de signer le MADA. Une condition importante de ce dernier stipule que le fabricant doit choisir soit l’ensemble des applications du package MADA, soit aucune d’entre elles.

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Le Play Store de Google // Source : Frandroid

Le MADA est essentiel pour Google, car la société tire des revenus publicitaires de ses applications. En assurant leur présence sur un large éventail d’appareils, la multinationale augmente logiquement ses revenus.

Ci-dessous se trouve la liste des applications concernées par l’accord MADA. Nous avons délibérément omis Chrome et l’application Google (pour la recherche) de cette liste, car elles sont des cas particuliers en Europe que nous examinerons plus tard.

De plus, l’EMADA inclut une mise en avant sur l’écran d’accueil du Play Store et d’un dossier « Google » regroupant les applications préinstallées de la firme (au minimum celles comprises dans l’EMADA).

Les cas particuliers de Google Chrome et Google Search en Europe

En Europe, il existe une spécificité à connaître. L’accord MADA est désigné sous le terme d’EMADA pour European Mobile Application Distribution Agreement.

Cependant, l’EMADA n’inclut plus deux applications dans le package de Google, à savoir Google Chrome et Google (Search). Cela a été décidé à la suite d’une décision de la Commission européenne en 2018.

Applications Google présentes dans le MADA de base Incluses dans l’EMADA ? (version européenne)
Play Store Oui
Gmail Oui
Maps Oui
YouTube Oui
YouTube Music Oui
Google TV Oui
Google Drive Oui
Google Photos Oui
Google Meet Oui
Chrome Non, optionnel
Google (Search) Non, optionnel

Google a alors reçu une amende record de 4,34 milliards d’euros pour des pratiques jugées anticoncurrentielles, ciblant spécifiquement le modèle économique d’Android et, en particulier, la préinstallation de Chrome et Search.

De plus, grâce au Digital Markets Act (DMA) instauré en Europe, Google a été contraint de laisser aux utilisateurs Android le choix de leur navigateur web et moteur de recherche par défaut lors de la première configuration de leur smartphone.

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En conséquence, pour les appareils Android vendus en Europe, les fabricants peuvent signer un accord EMADA pour la majorité des applications majeures de Google. Ils peuvent ensuite négocier séparément des licences optionnelles et gratuites pour Google Search ou Google Chrome s’ils souhaitent les inclure dans leurs produits.

Enfin, l’Europe n’est pas la seule région avec une version modifiée de l’accord MADA ; l’Inde, par exemple, a un IMADA avec des règles très différentes.

Les autres accords de Google

Google dispose également d’autres leviers pour convaincre ses partenaires.

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Schéma résumant le modèle économique élaboré par Google autour d’Android en Europe. // Source : Competition & Markets Authority (Appendix C)
  • Les fabricants ayant signé l’EMADA et possédant une licence pour Search et Chrome peuvent recevoir des paiements pour chaque activation d’appareil, sous réserve de respecter certaines conditions pour mettre en avant ces deux applications dans l’interface de leurs smartphones (Placement Agreements).
  • Les fabricants et les opérateurs télécoms qui commercialisent des smartphones peuvent percevoir une part des revenus publicitaires générés par Search, Chrome et le Play Store, en fonction d’une série de critères.
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Aperçu des différents accords établis par Google sur Android pour promotionner ses applications. // Source : Competition & Markets Authority (Appendix E)

Il existe également d’autres arrangements spécifiques permettant à des applications et services comme Google Assistant (obligatoire lorsque l’application Google est préinstallée), Gemini, Localiser mon appareil (Find My Device), Google Agenda, Google Contacts, Google Lens ou Google One d’être préinstallés. Ces ajouts servent évidemment la stratégie de Google.

Gagner de l’argent avec Android

Grâce à tous ces dispositifs, Google parvient à tirer des bénéfices d’Android. Cela inclut les achats et les abonnements réalisés par les utilisateurs sur le Play Store, dont la société prélève une commission variant généralement de 15 à 30 %.

Cette commission n’est pas perçue si les utilisateurs passent par un store alternatif. Mais Google ne se limite pas à cela. Le géant est également un acteur majeur de la publicité en ligne, en raison d’un ciblage particulièrement raffiné.

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Android génère d’importants revenus pour Google // Source : Image générée par IA avec Canva

Les applications Google permettent précisement d’améliorer la connaissance des habitudes et centres d’intérêt des utilisateurs, rendant le ciblage publicitaire encore plus efficace. Notez également que certaines applications affichent des publicités ou des résultats de recherche sponsorisés (Search, Maps…).

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De plus, toutes les applications Google habitent les consommateurs à un écosystème clairement défini, ce qui réduit les risques de les voir migrer vers d’autres plateformes, comme Apple et iOS.

Ainsi, les fabricants de smartphones rencontreraient de réelles difficultés à se détacher des applications Google, d’autant plus qu’il semblerait étrange de ne pas trouver cette suite d’applications sur leurs téléphones.

L’arrivée de l’intelligence artificielle

À tout cela s’ajoute la montée de l’intelligence artificielle, un domaine dans lequel Google est un acteur clé avec Gemini. La portée d’Android permet à l’entreprise de rendre son assistant IA accessible à des milliards de personnes à travers le monde (bien que Gemini ne fasse pas encore partie du MADA).

Cela représente une opportunité pour modeler des comportements, proposer des abonnements payants, ouvrir de nouveaux canaux publicitaires et explorer ou peaufiner des modèles économiques.

Google a même fusionné ses équipes dédiées à Android et au hardware pour se concentrer sur l’IA, présentant Gemini comme un atout majeur de ses smartphones Pixel, tout en construisant sa stratégie de maison connectée autour de ce défi.

En résumé, pour comprendre comment Google génère des profits avec Android, il est crucial de réaliser que la multinationale dispose d’un ensemble d’activités commerciales interdépendantes.

Dans cet immense tableau, Android représente une pièce maîtresse, mais ce n’est pas la seule.

NB. Une première version de cet article a été publiée en 2018 suite à une discussion sur le sujet avec Google France. Nous l’avons mise à jour avec des données récentes.