High-tech

Classements, moqueries… La tendance des « kids de TikTok » entraîne des dérives

Lyly-Rose, Ruben, Lyly-Ana, Adriano… Ces enfants sont des stars sur TikTok. Les comptes de leurs parents comptabilisent des millions de vues et des milliers d’abonnés, de quoi faire rêver. Depuis peu, les minots ont même leur propre nom de tendance : les « kids de TikTok ». L’idée est de classer les meilleures vidéos de ces petites « stars », mais aussi de comparer les enfants. Des montages faits par des adultes peu scrupuleux et un chouïa intrusifs.

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Avec cette nouvelle tendance des « kids de TikTok », les utilisateurs des réseaux sociaux s’approprient donc petit à petit l’image d’enfants qui ne sont pas les leurs. Kim est la maman d’Isaac et ensemble ils font des vidéos pour leur communauté, du contenu qui divertit leurs 260.000 abonnés. Parmi eux, certains ont franchi la limite de la décence comme elle l’a expliqué en vidéo, « Isaac a été pris en photo à notre insu aujourd’hui. Mais les gars, on ne prend pas d’enfants en photo sans demander l’autorisation ! » explique la créatrice de contenu.

Des fans sans scrupule

Parfois, les parents doivent prendre des décisions radicales pour protéger leurs enfants. Anaïs la maman de Lily-Rose a fait un choix compliqué pour l’avenir de sa chaîne TikTok : arrêter de montrer sa fille. « Vous ne verrez plus le visage de ma fille. Tout simplement car nous n’aimons pas les reprises de vidéos faites. Certaines sont gentilles mais elles sont surtout postées pour se moquer. Bref, nous ne voulons plus voir notre fille sur TikTok. Nous n’aurions pas dû l’exposer et aujourd’hui nous voulons que ses vidéos de reprises cessent », explique l’assistante maternelle aux 4 millions de personnes qui ont regardé sa vidéo explicative. Pour protéger sa petite fille, la famille se prive d’une audience basée sur les frasques de l’enfant et de partenariats. « On a une prise de conscience aujourd’hui que ce n’est pas anodin de poster ses enfants sur Internet notamment avec les reprises de photos sur des sites pédopornographiques », explique Vanessa Lalo, psychologue spécialisée dans les pratiques numériques.

Les parents ont-ils compris que le consentement des enfants filmés était une prérogative non négociable ? C’est en tout cas ce que souhaite la psychologue.

« « À partir de 5 ans les enfants ont conscience de leur image et sont en capacité d’entendre et comprendre s’ils veulent apparaître sur les réseaux sociaux ou non. Il faut bien poser la question aux enfants. C’est la base du consentement. Il faut leur montrer les commentaires et les réactions pour qu’ils prennent déjà conscience de l’impact des vidéos sur leur quotidien. Avec les réseaux sociaux on a oublié que les enfants avaient besoin de leur intimité… On veut juste montrer qu’ils sont incroyables pour se rassurer sur son rôle de parents. » »

Se montrer ou se cacher ?

A l’heure de la vidéo et des réseaux sociaux, les parents des enfants stars sont donc partagés entre leur envie de montrer leur quotidien ou de protéger leur famille. « Quand on s’expose sur les réseaux sociaux on s’expose également aux critiques. Les gens pensent que derrière un écran ils peuvent tout dire et tout se permettre sous prétexte qu’on s’expose, souffle Julie la maman d’Adriano. Au début, on a eu énormément de critiques sur le physique d’Adriano, avec des comparaisons peu flatteuses. Après j’ai eu le droit aux insultes me concernant avec  » tana « , le mot bien à la mode en ce moment. […] Les gens se permettent de commenter car ils pensent connaître notre vie en quelques minutes de vidéos, sauf que les réseaux ce n’est pas la vie réelle… On montre ce que l’on a envie de montrer et certains ont du mal à se rendre compte de ça. »

Pourquoi des adultes ont-ils besoin de reposter des vidéos d’enfants ? De commenter et de donner leur avis souvent négatif ? « On est de plus en plus dans l’injonction à la parentalité parfaite et aller se confronter sur les réseaux à d’autres pratiques éducatives cela peut nous rassurer sur notre éducation. Cela va nous rassurer, tous les parents ont des failles et personne n’est parfait. Maintenant on voit que tout le monde galère avec ces enfants » analyse Vanessa Lalo.

Mais comme dans toute nouvelle tendance, elle peut également apporter du positif. Adriano, le petit garçon de Julie adore les tracteurs et les pelleteuses, « du coup on a des personnes issues de l’agriculture et du bâtiment qui nous regardent, des grands-mères aussi m’écrivent pour me parler de leurs petits-enfants. On a une communauté assez vaste mais qui est vraiment bienveillante avec chaque membre de notre famille. Il ne faut pas oublier que faire des vidéos sur les réseaux sociaux c’est une expérience et un investissement personnel. Comme dans tous les aspects de nos vies, il y a du bon comme du moins bon… » tempère la mère au foyer.