« Ça fait oublier le prix réel du véhicule » : secrets des constructeurs pour les Français
Le leasing automobile, aussi appelé LOA et LLD, est devenu la norme en France, avec plus de la moitié des SUV vendus en 2024 financés par ce biais. Selon l’émission Cash Investigation, le leasing coûte donc quasiment deux fois plus cher qu’un crédit classique, même si les mensualités paraissent plus douces.
L’émission Cash Investigation sur les SUV a permis aux Français de prendre conscience d’une pratique de plus en plus courante, mais aux conséquences lourdes et dangereuses pour les particuliers. Voici pourquoi il est impératif d’éviter d’acheter une voiture en leasing.
Le leasing automobile, également appelé LOA (location avec option d’achat) et LLD (location longue durée), s’est imposé comme la norme en France. Selon Cash Investigation, plus de la moitié des SUV vendus en 2024 ont été financés de cette manière. Les mensualités semblent en effet plus légères qu’un crédit traditionnel et la promesse séduisante de rouler dans un nouveau véhicule tous les trois ou quatre ans, sans se soucier de la revente, attire de nombreux consommateurs.
Cependant, derrière ce vernis marketing se cache un système moins avantageux qu’il n’y paraît, potentiellement dangereux et coûteux pour les consommateurs.
La démonstration débute avec une caméra cachée dans une concession. Un journaliste, infiltré en tant que stagiaire chez Peugeot, a entendu des discussions que les vendeurs n’abordent jamais avec les clients. L’un d’eux a avoué : “Stellantis Finance, ils font de la marge sur le financement. C’est comme une banque quoi.” En d’autres termes, lorsque quelqu’un achète une voiture en leasing, il ne l’achète pas au concessionnaire, mais à Stellantis directement, qui joue le rôle de banque en appliquant un taux de crédit élevé. Cela permet à Stellantis de réaliser plus de bénéfices que si la voiture avait été vendue comptant.
Un responsable a révélé qu’il est possible de réaliser “30 % de marge sur une location”, alors qu’en achat comptant ou à crédit, la marge habituelle est plutôt “autour de 8 %”. De plus, les commerciaux sont incités à vendre en leasing grâce à des primes : 100 euros pour une vente comptante contre 375 euros pour une vente en leasing. Ces chiffres montrent que, derrière l’argument de mensualités accessibles, le leasing représente une véritable source de revenus pour les constructeurs. Un vendeur a même eu un commentaire sarcastique sur des personnes qui prennent un leasing pour un SUV, tout en ayant un mode de vie modeste.
Ainsi, des ménages modestes s’endettent au-delà de leurs capacités pour conduire un véhicule qu’ils n’auraient jamais pu se permettre autrement.
L’émission présente aussi Pierre Chasserey, porte-parole de 40 Millions d’Automobilistes, qui exprime son scepticisme vis-à-vis du leasing. Il estime que cela crée une vulnérabilité économique, affirmant que c’est “une formule marketing exceptionnelle pour faire consommer” tout en “oubliant le prix réel du véhicule”. Il met en garde que, en cas de difficultés personnelles, comme une séparation ou une perte d’emploi, le leasing devient rapidement problématique. Contrairement à un crédit classique permettant de revendre le véhicule pour solder le prêt, un contrat de leasing maintient l’automobiliste engagé jusqu’à son terme.
Un avocat spécialisé en droit automobile, interrogé par l’émission, est catégorique : “il n’y a pas de doute, on évite le leasing.” Lorsqu’un client fait face à des difficultés financières, “soit vous avez une assurance, par exemple décès, soit vous n’en avez pas, et dans ce cas il faut contacter immédiatement la société de prêt.” Cependant, pour le loueur, un incident de paiement est avantageux, car cela lui permet de récupérer le véhicule tout en demandant le paiement des loyers restants. Ainsi, si un automobiliste se retrouve dans une situation difficile, il perd à la fois sa voiture et accumule une dette conséquente.
Il est théoriquement possible de céder son contrat à un particulier, mais cela nécessite l’accord du loueur et la recherche d’un acheteur prêt à accepter des formalités administratives. De plus, il est impossible de résilier le contrat en avance.
Le constat est sans appel : “Il n’y a pas de doute, on évite le leasing. Le mieux, c’est de prendre un véhicule comptant ou avec un crédit, ça coûtera toujours moins cher.” L’avocat avertit que “le leasing, c’est vivre au-dessus de ses moyens.”
Un autre point critique est la valeur résiduelle, c’est-à-dire la valeur à laquelle le consommateur pourra racheter la voiture à la fin du leasing. Le constructeur peut manipuler cette valeur pour diminuer les mensualités en l’augmentant. Cela permet de proposer des véhicules plus chers à des mensualités semblables à celles de modèles moins coûteux, mais cela peut aussi se révéler être un piège, car la somme totale à payer à la fin du leasing sera bien plus élevée.
Dans l’exemple étudié dans l’émission, il y a un écart de 40 euros par mois entre une Peugeot 208 et une 2008, contre 7 000 euros d’écart en achat comptant, sans que l’on connaisse le montant de la valeur résiduelle dans les deux cas.
En réalité, le leasing est souvent plus coûteux qu’un crédit classique, même si les mensualités semblent plus faibles. Les marges appliquées par certains constructeurs expliquent en partie ce phénomène, de même que les taux implicites : chez Tesla, par exemple, certaines offres de leasing affichent un taux (TAEG) d’environ 7 %, alors qu’un crédit auto bancaire peut descendre aujourd’hui sous les 4 %.
Le leasing peut donc coûter quasiment deux fois plus cher qu’un crédit traditionnel. Bien que les mensualités soient faibles en leasing, cela s’explique par le fait qu’elles ne financent qu’environ la moitié de la valeur de la voiture. Si l’on souhaite acheter le véhicule à la fin de la LOA, une somme importante est à rajouter. Pour une Peugeot 2008, cela pourrait représenter environ 7 300 euros de plus qu’un achat comptant.
Si l’on choisit de rendre la voiture à la fin du leasing, il faut également prendre en compte l’addition des loyers, des frais de remise en état éventuels, et de l’assurance de leasing, ce qui peut faire grimper la facture.
Pour comparer équitablement un leasing avec un crédit, il faut supposer revendre la voiture achetée à crédit après la même durée que celle du leasing. Par exemple, lors d’une LOA de 3 ans, il faut considérer un crédit avec revente au bout de 3 ans, permettant ainsi d’évaluer le coût mensuel réel.
Bien que le crédit demande plus de liquidités (puisque les mensualités sont plus élevées), il est généralement moins coûteux à long terme.
Le seul véritable motif de choisir un leasing est de payer plus cher pour la commodité de changer régulièrement de voiture sans se préoccuper de la revente. Cependant, pour la majorité des automobilistes, il s’agit d’un mirage financier.
Le succès du leasing repose sur une illusion : celle de rouler dans un véhicule plus cher que celui que l’on pourrait réellement acheter. Cette facilité apparente cache un coût élevé.
Pierre Chasserey souligne que “on crée de la vulnérabilité économique”, et l’avocat confirme que “le leasing, c’est vivre au-dessus de ses moyens.” L’émission de France 2 met ainsi en évidence un système qui profite avant tout aux constructeurs et aux loueurs, au détriment des consommateurs. Si le leasing peut convenir à certains, il constitue pour beaucoup un véritable piège financier, avec des conséquences lourdes en cas d’imprévu.

