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Ariane 6, Starship, mininavettes… Une année 2025 pleine de défis pour le secteur spatial

«3, 2, 1… Décollage. » Cette douce phrase que tous les amateurs de spatial aiment entendre devrait retentir à tout-va en 2025, à leur grand bonheur. Cette année s’annonce encore riche en événements spatiaux, aux Etats-Unis et ailleurs. 20 Minutes vous dresse la liste (non exhaustive) de ce qu’il ne faut pas manquer cette année.

Ariane 6 entre en service

L’année 2025 marquera l’entrée en service d’Ariane 6, avec son premier vol commercial prévu entre mi-février et mi-mars. Après son vol inaugural en juillet 2024, pendant lequel « on a vérifié que tout ce qu’on avait prévu sur le papier se déroulait comme prévu », le nouveau lanceur européen « passe à l’opérationnel, c’est-à-dire qu’on va vendre des lancements », explique Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’espace, à Toulouse. Ariane 6 doit ainsi prouver qu’elle est capable de remplir les objectifs qui lui ont été fixés, car, « si on a un lanceur qui ne peut pas atteindre le nombre de vols par an qu’on attend de lui, c’est un peu gênant », poursuit le spécialiste. Cinq vols sont planifiés en 2025, alors que l’Agence spatiale européenne (ESA) en prévoit, à terme, une dizaine chaque année.

Cette entrée en service commerciale est d’autant plus importante qu’Ariane 6 est une mission de souveraineté : elle permet « de s’assurer que l’Europe puisse lancer ses satellites par elle-même sans faire appel aux autres », souligne Olivier Sanguy. La nouvelle fusée européenne étant modulable en deux versions aux puissances différentes, elle permet, en complément du lanceur léger de l’ESA Vega-C, de couvrir les besoins européens en matière de lancements.

Le Starship de SpaceX monte en cadence

2025 s’annonce comme une année « très cruciale » pour SpaceX, tout comme celles à venir, prévient Olivier Sanguy. L’entreprise d’Elon Musk doit continuer de développer son Starship, sa mégafusée très attendue par la Nasa car indispensable aux missions Artemis de retour des humains sur la Lune, prévues à partir de 2026. Pour que tout soit prêt à temps, SpaceX prévoit 25 vols de son Starship cette année et veut valider plusieurs étapes importantes, comme le rattrapage du second étage après son lancement et le transfert de carburant entre deux vaisseaux en orbite.

Des objectifs ambitieux, peut-être trop ? « C’est la question à plusieurs milliards de dollars », pose Olivier Sanguy. Il n’empêche que ces objectifs sont alignés sur les besoins du programme lunaire de la Nasa, qui nécessite que le Starship qui amènera les astronautes sur la Lune soit lancé puis ravitaillé en carburant en orbite par une dizaine d’engins similaires, ce qui impose une cadence de lancement « jamais vue dans le spatial », décrit notre spécialiste. « SpaceX doit passer de l’exploit qui est de faire voler le plus gros lanceur de tous les temps à l’exploit qui est de faire que ce ne soit plus un exploit », résume-t-il. Une année riche en défis qui a cependant commencé par la perte du second étage lors du septième vol, le 16 janvier.

Les mininavettes spatiales font leur trou

Les navettes spatiales devraient faire leur retour cette année, du moins leurs modèles réduits. Le Dream Chaser, dont le premier modèle Tenacity devrait effectuer sa première mission de ravitaillement de la Station spatiale internationale en 2025. La mininavette de l’entreprise américaine Sierra Space est le troisième véhicule commercial de ravitaillement de l’ISS sélectionné par la Nasa, avec les capsules Starliner de Boeing et Dragon de SpaceX.

L’arrivée de ce nouvel acteur sur le marché des vols cargo s’inscrit dans la volonté d’ouverture au privé de l’agence spatiale américaine, mais surtout dans sa volonté de ne pas dépendre d’un seul prestataire. « S’il y a un problème sur un des modes de transport, elle veut avoir un plan B, détaille Olivier Sanguy. Il ne faut pas oublier que la Nasa est une agence fédérale, donc son rôle, c’est de mettre en œuvre la politique spatiale de l’exécutif américain. » Avoir plusieurs vaisseaux d’entreprises différentes et au fonctionnement différent est donc « une sécurité qui permet aux Américains d’assurer leur « space dominance » [« dominance spatiale »] », qui est la doctrine des Etats-Unis depuis des décennies.

Côté européen, l’ESA devrait mener cette année plusieurs tests de largage grandeur nature de sa mininavette Space Rider, un véhicule inhabité entièrement automatisé conçu pour effectuer des expériences scientifiques dans l’espace avant de revenir se poser sur Terre. Un engin réutilisable jugé « très prometteur » par Olivier Sanguy : « Dans le spatial, on risque d’arriver à des taux d’utilisation tels que la réutilisation vaut le coup. » Sans compter que ce type de véhicule présente l’avantage de revenir sur Terre, un élément crucial pour les « expériences en orbite dont on veut analyser les résultats au sol », illustre le spécialiste.

Les Américains visent la Lune

Si la Lune ne sera pas foulée par l’homme en 2025, elle n’est pas pour autant délaissée par la Nasa, bien au contraire. Six missions privées, dont celle de la société américaine Firefly Aerospace lancée le 15 janvier, doivent se poser sur notre satellite cette année dans le cadre du programme CLPS (Commercial Lunar Payload Services) de la Nasa. L’objectif ? Préparer les missions Artemis en testant différentes technologies et en étudiant la Lune de manière poussée.

Ces différents projets confirment le regain d‘intérêt pour la Lune, « il y a une forte instabilité potentielle du programme spatial américain en général et du programme lunaire en particulier » avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, prévient Olivier Sanguy : « Tout dépendra de l’entente ou mésentente entre Elon Musk et le nouveau président américain, car cela peut éventuellement très mal se passer ». A noter, aussi, que le patron de SpaceX Elon Musk, promu à l’efficacité gouvernementale, pourrait être tenté de définancer le spatial, ce qui mettrait en péril les missions lunaires, selon le responsable de l’actualité spatiale de la Cité de l’espace.

La première station spatiale privée arrive

Les projets de stations spatiales privées se multiplient et la première devrait arriver en orbite cette année. Le module Haven-1, laboratoire en orbite destiné aux agences spatiales et aux astronautes privés, doit être lancé en 2025 et permettre de réaliser des expériences scientifiques et de la recherche lors de missions de deux semaines.

Conçue par la société américaine Vast, cette station orbitale illustre bien le tournant pris par le spatial privé, qui « arrive désormais sur des domaines qu’on pensait avant totalement régaliens », expose Olivier Sanguy. Il s’adresse ainsi aux agences spatiales, qui s’en serviront pour faire voler leurs astronautes sans avoir à développer un lanceur et une capsule ou à conclure des accords de coopération avec un pays qui a les capacités d’envoyer des humains dans l’espace. Ce qui peut donner une idée de l’après ISS, qui sera désorbitée courant 2031 : « La Nasa a clairement dit que quand l’ISS s’arrêterait, elle ne voulait pas interrompre les vols habités sur orbite basse. Quand vous n’avez plus de station, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous allez louer celles des autres », expose Olivier Sanguy.

En clair, 2025 est une année pleine d’enjeux pour les acteurs du spatial, mais aussi « pleine d’incertitudes », résume le spécialiste. Car rien n’est jamais sûr dans ce domaine : « Un lanceur, on sait d’où il part, mais on ne sait jamais quand. On le sait quand on le voit décoller… » conclut-il.