High-tech

Apple défend ses innovations face à une réglementation restrictive.

Apple a dénoncé le DMA dans un communiqué le 25 septembre. Google a appelé l’Europe à réviser le Digital Market Act, un règlement en vigueur depuis le 1er novembre 2022.

La guerre est déclarée. Le 25 septembre, dans un communiqué très détaillé, Apple critique le DMA. Quelques heures plus tard, Google, qui n’était pas forcément attendu sur ce sujet, appelle l’Europe à réviser son Digital Market Act, ce règlement destiné aux grandes plateformes numériques ayant une position dominante sur le marché, leur imposant des contraintes censées favoriser la concurrence. 20 Minutes fait le point.

Moins acerbe qu'Apple face à l'Europe, Google réclame néanmoins la révision de la réglementation Digital Market Act (DMA).
Moins acerbe qu’Apple face à l’Europe, Google réclame néanmoins la révision de la réglementation Digital Market Act (DMA). - A. Behar/Sipa USA/SIPA

Apple et Google en désaccord avec l’Europe

Le retard d’Apple Intelligence en Europe ? C’est à cause du DMA. Les nouveaux écouteurs AirPods Pro 3 qui ne permettent pas la traduction simultanée en Europe, alors que c’est possible aux États-Unis ou au Canada ? À cause du DMA. Les requêtes Google Search qui orientent vers des sites intermédiaires facturant leurs services, au lieu des sites des compagnies aériennes ou des hôtels, comme auparavant ? Toujours le DMA. Apple et Google s’insurgent et demandent à l’Europe de revoir le règlement, transformant Bruxelles en véritable bureau des lamentations.

« Nous appelons les régulateurs à examiner de plus près comment cette loi impacte les citoyens européens qui utilisent quotidiennement les produits Apple », exige la marque à la pomme. « Nous appelons la Commission à garantir des pratiques d’application centrées sur l’utilisateur, factuelles, cohérentes et claires, dans l’intérêt des entreprises et consommateurs européens, et à éviter que la conformité au DMA se fasse au détriment de la sécurité, de la qualité et de l’utilité du marché numérique », déclare pour sa part Google, de manière plus mesurée. Mais de quoi parle-t-on en ce qui concerne le DMA ?

Conflit avec Bruxelles

Entré en vigueur le 1er novembre 2022 et applicable en grande partie depuis le 2 mai 2023, le Digital Market Act est un règlement européen visant à garantir un marché numérique plus équitable et ouvert. En résumé, il vise à contrer les abus de position dominante des « gatekeepers », ces géants tels qu’Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook) ou Microsoft, dont les services masquent ceux de nombreux autres acteurs de moindre envergure.

Parmi les différentes restrictions ou obligations imposées à ces fameux gatekeepers, on trouve par exemple l’interdiction de privilégier leurs propres services par rapport à ceux des concurrents, ou encore l’obligation pour les utilisateurs de pouvoir désinstaller facilement les applications pré-installées. Sur le papier, le DMA, dont le projet a été présenté il y a déjà 5 ans, devrait séduire… sauf ceux qui en subissent les conséquences. C’est ainsi qu’un conflit s’est engagé avec Bruxelles.

« Aucune intention » d’abroger le DMA

Bien que la Commission européenne ait lancé une consultation publique pour adapter sa réglementation aux nouveaux défis, tels que l’IA (un rapport à ce sujet sera rendu avant le 3 mai 2026), elle n’entend pas modifier le moindre aspect de son règlement d’ici là.

En réponse à Apple, Thomas Régnier, porte-parole de la Commission, a déclaré à l’AFP : « Apple conteste systématiquement chaque détail du DMA depuis son entrée en vigueur. Cela remet en question la volonté affichée par l’entreprise de coopérer pleinement avec la Commission », ajoutant que l’UE n’a « aucune intention » d’abroger le DMA.

L'Europe rétorque aux «gatekeepers» qu'elle n'a pas l'intention d'abroger le DMA.
L’Europe rétorque aux «gatekeepers» qu’elle n’a pas l’intention d’abroger le DMA. - A. Benayache/SIPA

Pour le grand public, les conséquences visibles du DMA portent d’abord sur des retards dans le lancement de certaines fonctionnalités, comme ce fut le cas pour Apple Intelligence, l’IA d’Apple, qui est arrivée plusieurs mois après sa version américaine. Lancés le 19 septembre, les derniers AirPods dotés de la fonction de traduction simultanée ne peuvent, pour le moment, rien traduire en Europe… tant que des produits concurrents ne proposent pas cette fonctionnalité. Frustrant ? Probablement. Moins agressif, Google indique de son côté que « les contraintes réglementaires et l’incertitude retardent jusqu’à un an le lancement de nos nouveaux produits, comme certaines fonctions d’IA, par rapport au reste du monde ».

Des applications inappropriées dans l’Apple Store

Pour appuyer son propos et se défendre, Apple souligne également que le DMA engendre des problèmes de sécurité pour ses utilisateurs. « Le DMA oblige Apple à autoriser le téléchargement direct d’applications, ainsi que d’autres magasins d’applications et des systèmes de paiement alternatifs – même s’ils ne respectent pas les normes élevées de confidentialité et de sécurité de l’App Store ». Apple ajoute : « Pour la première fois, des applications pornographiques sont disponibles sur iPhone via d’autres plateformes». Pour Google, qui reste moins virulent : « Le DMA complique la protection des utilisateurs contre les arnaques et les liens malveillants sur Android, obligeant au retrait de protections qui garantissaient la sécurité ».

D’un côté, il y a donc des entreprises déterminées à défendre leurs intérêts, de l’autre, l’UE, qui ne souhaite pas céder. À trop vouloir combattre les pratiques anticoncurrentielles de certains grands acteurs du numérique, l’Europe brime-t-elle l’innovation ? Une approche évolutive de ce règlement ne serait-elle pas souhaitable ? Et en cherchant à protéger leurs intérêts et leurs écosystèmes, certains fabricants ne devraient-ils pas s’efforcer de trouver un meilleur équilibre grâce à plus d’ouverture, de transparence et de flexibilité ? En attendant, seul un dialogue de sourds entre l’UE et les « gatekeepers », actuellement en impasse, semble pertinent.