24 heures en Rolls-Royce Spectre : un récit d’expérience unique
La Rolls-Royce Spectre, première voiture électrique de la marque, repose sur une batterie de 102 kWh et offre une autonomie de « 530 km en une charge selon le cycle WLTP ». Le prix d’entrée de gamme pour ce modèle est de « 340000 euros ».
Chez *Survoltés*, notre mission est de vous informer quotidiennement sur l’actualité des voitures électriques, de clarifier les idées reçues sur le sujet et de vous guider vers le meilleur rapport qualité-prix pour chaque usage grâce à nos nombreux essais et guides d’achat.
Dans cet article, nous allons aborder un sujet différent : nous avons passé 24 heures à bord de la Rolls-Royce Spectre, probablement la voiture électrique la plus exclusive au monde.
Changeons d’approche : au lieu de vous conseiller pour votre prochain achat, nous allons partager les sensations que l’on ressent à bord d’une voiture dépassant les 400 000 euros. Laissez-vous emporter, c’est parti.
### Notre vidéo
### Fiche technique
| Modèle | Rolls-Royce Spectre |
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| Dimensions | 5,45 m x 2,08 m x 1,56 m |
| Puissance (chevaux) | 584 chevaux |
| 0 à 100 km/h | 4,5 s |
| Niveau d’autonomie | Conduite semi-autonome (niveau 2) |
| Vitesse max | 250 km/h |
| Prise côté voiture | Type 2 Combo (CCS) |
| Prix entrée de gamme | 340 000 euros |
*La voiture d’essai nous a été prêtée durant vingt-quatre heures par le constructeur.*
### Une voiture majestueuse
La découverte de la Spectre se fait en plusieurs étapes. La première impression est immédiate : c’est indiscutablement une Rolls-Royce, reconnaissable à ses proportions. Malgré sa carrosserie coupé (la seule de la gamme), la Spectre mesure tout de même 5,47 mètres de long, 1,99 m de large et 1,57 m de haut.
Ce qui est remarquable, c’est que tous les attributs d’une Rolls sont présents, tout en s’orientant vers un design plus contemporain.
À noter : la calandre Parthénon est bien en place à l’avant, mais elle est maintenant obstruée et éclairée ; le *Spirit of Ecstasy* demeure au bout du long capot mais est retouché pour mieux fendre l’air ; les roues mesurent désormais 23 pouces, mais le logo « RR » au centre reste vertical même en mouvement.
Évidemment, la personnalisation est un mot clé. Notre Spectre d’essai, dans une teinte *Magma Red*, était assez sobre, mais il est possible de faire bien plus avec des capots à peinture contrastée, des bitons allant jusqu’à la malle, plusieurs finitions de logos, et divers styles de jantes ou étriers de frein.
À noter aussi la présence de la *coachline*, cette ligne peinte à la main sur le flanc, dont la couleur peut être choisie selon les désirs.
Aussi imposante soit-elle, la Spectre parvient à ne pas intimider. Elle dégage une sorte de charisme naturel, inspirant le respect sans ostentation. Concrètement, tout le monde se retourne lorsqu’elle passe, mais les signes d’hostilité étaient presque inexistants durant notre essai.
### Un habitacle aussi sophistiqué qu’accueillant
**Une présentation à quatre épingles**
S’installer dans la Rolls-Royce Spectre n’entraîne jamais de perte de dignité, grâce à l’ouverture antagoniste de ses immenses portes électriques, permettant de s’asseoir sans contorsion. Les célèbres parapluies, à la couleur de la carrosserie, se cachent dans chaque aile.
Le cuir, le bois et le métal sont omniprésents : tout est beau et authentique. Le cuir coche toutes les cases : passepoils, surpiqûres, embossages… tout est personnalisable et de qualité exquise, avec une douceur et une souplesse inégalées. La moquette est également en véritable laine de mouton, d’une épaisseur remarquable.
Les placages en bois se retrouvent sur la planche de bord et la console centrale, pouvant aussi orner les contre-portes – qui étaient en cuir perforé, révélant un motif lumineux. Notre Spectre présentait par exemple des inserts en acacia à pores ouverts, à la fois discrets et élégants.
Le plafond étoilé, une signature des habitacles Rolls-Royce depuis des années, apporte une touche magique à la Spectre avec l’apparition aléatoire d’étoiles filantes – une surprise qui procure une joie presque enfantine.
La planche de bord arbore une disposition classique, mettant en avant plusieurs commandes physiques. Le plaisir tactile est conservé, avec une sensation optimale des molettes et une résistance parfaite des boutons.
Bien que la Spectre ne refoule pas le XXIᵉ siècle, avec deux écrans qui l’accompagnent : un pour le conducteur, avec un affichage tête-haute dans le pare-brise, et un autre au centre pour l’infodivertissement.
Pour ce dernier, saluons son intégration discrète, sa connectivité (Android Auto / Apple CarPlay, planificateur d’itinéraire pour optimiser les arrêts de recharge sur longs trajets, etc), sa fluidité, sa définition et sa bonne ergonomie.
Cependant, un point décevant demeure : son interface est celle du système iDrive BMW, sans réelle personnalisation, ce qui semble inapproprié pour une voiture d’un tel standing.
**De la place pour quatre**
Les dimensions généreuses de la Spectre permettent d’accueillir facilement quatre passagers. Les occupants à l’arrière bénéficient presque du même confort que ceux à l’avant, avec des sièges chauffants, des prises USB, un réglage de climatisation individuel et un espace excellent – sans oublier la vue sur le plafond étoilé.
Le coffre, d’une capacité de 380 litres, est suffisant pour un week-end. Et ne pensez pas que cette partie de l’habitacle ait été négligée par Rolls-Royce : les finitions sont également impeccables, et le soin du détail toujours présent. Le plancher dissimule un sous-coffre et se maintient en position relevée par un petit aimant offrant une résistance juste suffisante pour ne pas se détacher sans effort.
L’absence de coffre avant pourrait étonner, particulièrement concerning le volume disponible sous le capot, tandis qu’un chargeur à induction intégré à l’habitacle aurait été apprécié.
### Une expérience de conduite hors du commun
**Une fiche technique démesurée**
La Spectre est la première Rolls-Royce électrique de l’histoire – à l’exception de la 102EX, un prototype de 2011 sur la base de la Phantom qui n’a jamais été produite en série. Fait surprenant : Charles Rolls, l’un des cofondateurs de la marque, vantait déjà les avantages des moteurs électriques dès 1900 ; leur absence de vibration, leur couple élevé et leur silence convenaient parfaitement à ce qu’il imaginait pour ses voitures. 125 ans plus tard, son souhait est enfin exaucé.
Reposant sur la plateforme *Architecture of Luxury*, la Spectre ne propose qu’une motorisation. Deux moteurs électriques (un sur chaque essieu) délivrent une puissance combinée de 430 kW (585 ch) et 900 Nm de couple, permettant à cette Rolls de 2 890 kg à vide de passer de 0 à 100 km/h en 4,5 secondes.
Ces deux moteurs sont alimentés par une batterie de 102 kWh. Le poids conséquent impacte l’autonomie : la Spectre peut parcourir « seulement » 530 km par charge selon le cycle WLTP, avec une consommation de 22,2 kWh/100 km, incluant les pertes à la recharge.
En réalité, on estime plutôt l’autonomie entre 400 et 450 km. Selon nos mesures, la consommation en milieu urbain était de 22,8 kWh/100 km (soit 447 km d’autonomie dans ces conditions) et de 24,2 kWh/100 km à 130 km/h, correspondant ainsi à 421 km en une charge.
**Un apaisement total**
Mais intéressons-nous à la conduite de la Spectre – un sujet délicat, car les sensations ne ressemblent guère à celles d’une voiture « normale ».
S’il fallait choisir un adjectif, ce serait « apaisant ». La Spectre est *apaisante*. Dès la fermeture des portes, l’insonorisation efface tous les bruits extérieurs.
On se retrouve dans un habitacle totalement silencieux, même à des vitesses très élevées. Rolls-Royce a développé un bruit moteur artificiel, mais l’activer impliquerait de renoncer à un aspect fondamental des sensations ressenties.
Le silence est tel qu’écouter de la musique devient superflu. C’est dommage, car les quelques morceaux diffusés ont mis en relief la qualité du système audio « Bespoke Audio », dont nous ne savons rien, sinon qu’il a été « développé et perfectionné par Rolls-Royce et des experts de premier plan du secteur ».
Le confort est également essentiel. Les suspensions actives et pneumatiques, alliées aux barres antiroulis déconnectables automatiquement, rendent l’expérience d’une douceur exceptionnelle. Tout y est feutré, filtré, atténué. Même à un rythme plus soutenu, la Spectre ne se dérobe jamais ; bien qu’elle ne soit pas une voiture de sport, elle ne donne jamais l’impression d’être en difficulté.
La calibration des commandes diffère aussi des autres modèles. La direction est étonnamment légère, mais précise ; la puissance de l’accélérateur arrive de façon progressive, à l’opposé de la brutalité des Tesla, mais sans jamais donner l’impression d’être lente ou sous-motorisée.
De toute manière, l’indicateur de réserve de puissance sur le tableau de bord, qui descend à 0 % lorsque l’on appuie sur l’accélérateur mais dépasse rarement les 60 %, est la preuve que la Spectre n’a rien à prouver.
C’est probablement ce dernier point qui résume le mieux l’expérience à bord de la Rolls : une force tranquille, sans arrogance ni brutalité. Une présence douce et réconfortante, générant une sensation presque absurde mais certaine : *rien de mal ne peut nous arriver au volant de la Spectre*.
### Une expérience de recharge en décalage
Comme mentionné précédemment, la Rolls-Royce Spectre repose sur une plateforme maison, assez éloignée de celle de la BMW i7, et n’accède donc pas aux dernières technologies du marché.
L’architecture électronique demeure ainsi à 400 volts, et la puissance maximale de recharge est de 195 kW : passer de 10 à 80 % de la batterie prend 34 minutes. Nous avons attendu 27 minutes à une borne pour passer de 17 à 76 %.
C’est probablement ici que le bât blesse : l’expérience peut sembler en décalage avec le raffinement de la Spectre. Passer plus de 30 minutes dans des espaces de restauration d’aires d’autoroute peut donner un sentiment de déclassement ; néanmoins, Rolls-Royce rétorque que les clients de la Spectre parcourent en moyenne 6 400 km par an, et que « la grande majorité d’entre eux la rechargent à domicile ».
Parallèlement, BMW annonce que les technologies de sa gamme Neue Klasse (la nouvelle génération de véhicules électriques, débutant avec l’iX3), dont l’architecture à 800 volts et la recharge en 21 minutes, seront actualisées aux autres BMW, Mini et Rolls-Royce électriques. On peut donc espérer une version « 2.0 » de la Spectre dans les mois à venir.
### Un tarif qui participe au rêve
429 000 euros : c’est le prix de notre Rolls-Royce Spectre. Un tarif presque abstrait, puisque les multiples possibilités de personnalisation peuvent amener à des coûts fluctuants.
Mettre une somme permettant d’acheter une maison ou un bel appartement à Paris dans une voiture soulève des questions. *Est-ce bien raisonnable ?*
Les clients semblent y avoir répondu. Depuis son lancement en 2024, la Spectre est devenue la deuxième voiture la plus vendue de la marque, derrière le Cullinan, son SUV. Rolls-Royce a même fourni des précisions sur le profil des propriétaires : en moyenne, *« la Spectre est la deuxième Rolls-Royce d’un client et fait partie d’un garage de sept voitures »*. Un problème ? Pas de problème.
On pourrait questionner, en toute bonne foi, si une Spectre est *objectivement* quatre fois meilleure qu’une voiture à 100 000 euros, comme une (excellente) Volvo ES90, un (moelleux) BMW iX ou une (remarquable) Porsche Taycan. Après 24 heures à son volant, cette question semble complètement hors de propos : une Rolls, c’est une Rolls, et les sensations vécues derrière le volant ne laissent que peu de doutes quant à l’exclusivité de l’offre.
Enfin, ouvrons une réflexion sur le marché le plus dynamique du monde : la Chine. Si des marques y excellent dans la production de SUV à bas prix, certaines se lancent également dans le grand luxe : les premiers retours européens sur la Nio ET9 ou la Maextro S800 prouvent que ces acteurs locaux vont vite et sont capables de proposer des voitures électriques extrêmement sophistiquées. Reste à déterminer si elles parviendront sur le marché européen et si ces avancées seront aussi révolutionnaires que promis, sans oublier si la clientèle sera prête à s’aventurer dans l’inconnu.

