France

« Zéro portable en prison : Darmanin s’attaque aux téléphones et au shit »

La vidéo, filmée à la prison de la Santé à Paris par un détenu, a été diffusée sur TikTok il y a deux jours. En 2024, près de 80.000 téléphones ont été découverts en détention.

« Tout droit poto. » Cette vidéo, filmée dans la prison de la Santé à Paris par un détenu, a été publiée sur TikTok il y a deux jours. Son auteur tend le bras à travers les barreaux de sa fenêtre donnant sur le boulevard Arago et saisit un « yoyo », une corde fabriquée avec un drap utilisée par les prisonniers pour s’échanger divers objets. « Colis réceptionné », déclare cette personne incarcérée dans la maison d’arrêt. Dans une autre séquence diffusée sur le réseau social chinois, l’homme se filme en train de consommer, dans sa cellule avec vue sur la tour Eiffel et la tour Montparnasse, ce qui semble être un joint de cannabis.

Ce détenu n’est pas le seul à partager ce type de contenus sur Internet, ce qui agace fortement le ministre de la Justice. Coincidence ? Gérald Darmanin a justement choisi cette prison, proche de la place Denfert-Rochereau, pour présenter son plan intitulé : « Zéro portable en prison ». « L’immense majorité des Français, comme des agents pénitentiaires d’ailleurs, ne comprennent pas comment en prison, on peut communiquer avec des téléphones portables et fumer du shit. C’est inacceptable », a-t-il déclaré vendredi lors d’une conférence de presse.

80.000 téléphones découverts

En 2024, près de 80.000 téléphones ont été découverts en détention. « Et en 2025, nous avons observé, sur les trois premiers trimestres, une augmentation de 10 % des découvertes de portables », a expliqué Sébastien Cauwel, le directeur de l’administration pénitentiaire. Les téléphones et la drogue (ou les kebabs) sont projetés par-dessus l’enceinte de l’établissement par des complices ou livrés derrière les hauts murs de la prison grâce à des drones. L’année dernière, 868 survols ont été comptabilisés au-dessus des prisons, dont 58 équipées de dispositifs visant à empêcher ce type d’intrusion. En 2025, près de 5.000 survols ont été recensés. « Il n’y a pas forcément d’explosion, c’est juste qu’on détecte mieux les drones qu’avant. Aujourd’hui, on comptabilise aussi les tentatives », indique une source proche du dossier à 20 Minutes.

Le ministre de la Justice s’est donc rendu, vers 8h30, à la prison de la Santé pour annoncer un investissement de 29 millions d’euros destiné à améliorer la sécurité de six établissements : Paris, Dijon, Arras, Toulon, Rennes et Toulouse. Au programme, l’installation de dispositifs pour lutter contre les drones ou des brouilleurs de téléphone « extrêmement efficaces », selon Gérald Darmanin. Leur coût ? « Entre 4 et 5 millions d’euros par établissement. » L’objectif est d’empêcher les prisonniers les plus dangereux de « commanditer des assassinats, de diriger un point de deal ou de blanchir leur argent ». La grande majorité des appareils sont utilisés « par des personnes qui sont moins dangereuses que les grands criminels, mais qui doivent quand même respecter leur peine », a souligné le ministre de la Justice.

Cours recouvertes

Par ailleurs, d’ici 2026, les cours de promenade de ces six établissements seront recouvertes. L’objectif est ensuite de généraliser ce dispositif à tous les établissements pénitentiaires en France. « Il faut néanmoins garantir l’accès à la lumière extérieure », a signalé Justine Gerbaud, la nouvelle porte-parole de l’administration pénitentiaire, qui a fait visiter la maison d’arrêt de la Santé à une vingtaine de journalistes. « Il y a plusieurs options à l’étude. Il faut aussi s’assurer qu’architecturalement cela soit faisable. » L’environnement immédiat de la prison parisienne, entourée d’immeubles d’habitation, facilite considérablement le travail des personnes payées pour lancer toutes sortes de marchandises derrière les murs. Certains ont identifié, pour accomplir cette mission, un endroit idéal sur le toit d’une école maternelle voisine.

D’autres objets interdits sont également remis aux détenus lors des parloirs avec leurs proches. Le ministère de la Justice compte également déployer des portiques à ondes millimétriques pour mieux contrôler les visiteurs pénétrant à l’intérieur de la prison, pour un coût total de 17 millions d’euros. « Nous le voyons à Vendin-le-Vieil et à Condé-sur-Sarthe, ce dispositif est particulièrement efficace pour limiter l’introduction de tout ce qui est interdit en détention », a assuré Sébastien Cauwel. Des scanners seront également installés dans les prisons et seront utilisés lors de la fouille des paquetages des détenus.

Des caillebotis « troués, tordus, arrachés » à Dijon

Les fenêtres, déjà équipées de barreaux, seront renforcées avec des caillebotis, une forme de grillage métallique. « L’objectif est d’éviter le phénomène des yoyos », a expliqué Justine Gerbaud. Mais ce dispositif est-il réellement efficace ? Ceux qui ont été installés il y a trois jours à la prison de Dijon « sont déjà troués, tordus, arrachés par des personnes détenues », a alerté le syndicat FO Justice dans un communiqué.