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VTT : Pourquoi l’Absa Cape Epic fascine-t-elle tant les coureurs du monde entier ?

Des célébrités du monde du sport comme Luis Enrique et Vincenzo Nibali partagent depuis cinq jours un immense challenge sportif loin de l’Europe. Ce casting improbable est celui de l’Absa Cape Epic en Afrique du Sud, considérée comme la course de VTT à étapes la plus dure au monde. On parle en effet de 648 km et 15.475 m de dénivelé positif à parcourir en huit étapes enchaînées, du 19 au 26 mars. Mille quatre cent quarante coureurs du monde entier (720 binômes) dont 60 équipes de l’Union cycliste internationale (UCI) se sont lancés sur cet impitoyable parcours autour du Cap, avec un départ chaque matin à partir de 7 heures. A ce petit jeu, et sans réelle surprise, l’ancien sélectionneur de la Roja, finisher en 2013 et 2018, bataille autant sur son vélo que pour tenter en vain de tromper le gardien marocain Yassine Bounou lors de la dernière Coupe du monde.

A trois étapes de la fin, l’ex-joueur et coach du Barça (330e) a déjà passé plus de 24 heures sur les sentiers sud-africains et il pointe ce jeudi à 6h40 du tandem de tête, où on retrouve l’impressionnant Suisse Nino Schurter. L’ancien vainqueur du Tour de France 2014 Vincenzo Nibali est par contre dans le coup, à la 9e place avec trente minutes de retard. Comme eux, une vingtaine de Français ont tenu à vivre cette aventure hors normes en Afrique du Sud. Adepte de cross-country, Baptiste Roussel (18 ans) est le benjamin de l’épreuve. Aux côtés de son entraîneur Rémi Crinon (36 ans), cet étudiant en Staps s’est surtout « mis à fond » au VTT depuis le premier confinement.

« C’est notre Ligue des champions »

Dans son Val-d’Oise, il peine à trouver du dénivelé durant sa douzaine d’heures d’entraînement par semaine, mais ça ne l’a pas empêché de se classer 64e coureur en élite lors d’une récente manche de Coupe du monde en Suisse (120 km et 5.000 m de D +), puis 44e le mois dernier sur l’Andalucia Bike Race et sa course en six étapes (336 km et 10.000 m de D +), qui fait office de mise en bouche pour l’Absa Cape Epic. Tous les deux malades et victimes de nombreux problèmes mécaniques, ils sont 98es au classement général et s’accrochent à leur objectif de finir ce monstrueux défi.

Accompagné de ses grands-parents pour cette aventure en Afrique du Sud, Baptiste Roussel vit à 18 ans sa première Absa Cape Epic.
Accompagné de ses grands-parents pour cette aventure en Afrique du Sud, Baptiste Roussel vit à 18 ans sa première Absa Cape Epic. – Baptiste Roussel

« C’est notre Ligue des champions, notre Tour de France, résume le jeune coureur. Il n’y a pas plus longue épreuve dans le monde, c’est vraiment une course mythique. Ça fait bizarre de se sentir dans la cour des grands. Devenir finisher de l’Absa Cape Epic, ça impose le respect. » Quatorzième sur l’édition 2022 et actuellement 21e aux côtés du Belge Sébastien Carabin, Pierre Billaud a lui aussi vécu une sacrée mésaventure lundi, en devant se coltiner les 20 derniers kilomètres de l’étape sans selle (cassée). Pourtant, pour lui aussi, l’enthousiasme est toujours aussi fort.

On ne trouve nulle part en Europe un tel format de course à étapes atypique, en huit jours, et aussi compliqué à encaisser pour les organismes. D’autant plus qu’on débarque de notre climat hivernal et qu’on se prend un 35°C. Heureusement qu’on a un partenaire car ça permet de repousser davantage ses limites. Même les gars qui sont tout devant au classement ont avant tout en tête de finir la course. Il y a bien des moments où on a envie de balancer le vélo durant ces huit jours mais c’est toujours dans l’extrême qu’on se régale le plus. C’est notre Graal de la saison, c’est comme un véritable parc d’attractions pour nous. »

Le coureur tricolore Pierre Billaud, ici lors de l'immense deuxième étape de cette Absa Cape Epic (116 km) mardi.
Le coureur tricolore Pierre Billaud, ici lors de l’immense deuxième étape de cette Absa Cape Epic (116 km) mardi. – Romain Esnard

Trois hélicoptères mobilisés et une chaîne YouTube

Des moyens conséquents sont prévus pour rendre cet événement du circuit VTT toujours plus incontournable : trois hélicoptères et des e-bikes filment sans cesse l’épreuve, et l’organisation propose une retransmission en direct sur sa chaîne YouTube. Pour autant, même des coureurs élite comme Pierre Billaud ne vivent pas forcément de leur passion. Travaillant pour un équipementier dans le monde du vélo, celui-ci raconte : « Dans notre sport, on peut être champion de France et amateur. On s’autofinance, c’est de la débrouille, et cette course représente une grosse partie de notre budget de l’année. Mais on en prend plein les yeux dans ces décors, enfin davantage en revoyant les vidéos qu’en direct. »

Car les difficultés sont telles, sur des parcours extrêmement techniques, qu’il ne peut y avoir aucun relâchement. Hugo Drechou (31 ans) est l’un des rares coureurs professionnels français, au sein du Team Buff Megamo, et il est actuellement 20e au général (avec 1h03 de retard) aux côtés de l’Espagnol Enrique Morcillo Vergara. Cette ancienne référence du cross-country, vice-champion de France en 2014 derrière Julien Absalon, s’entraîne vingt heures par semaine dans la région de Perpignan. « C’est une course légendaire, s’enthousiasme-t-il pour sa deuxième participation. Il y a quatre étapes au-delà des 100 km. Imaginez : 100 bornes sur route c’est déjà costaud, mais alors en VTT sur de tels parcours, pfiou… L’année dernière, je ressentais des crampes dès mon réveil sur les trois dernières journées de course. »

Un budget surréaliste à prévoir pour les non-élite

Si Pauline Ferrand-Prévot s’est illustrée en Afrique du Sud l’an passé en remportant trois étapes et en s’offrant une belle troisième place pour la première participation de sa carrière, un podium tricolore n’est a priori pas au programme pour cette saison. Mais l’essentiel est ailleurs, à en croire les sacrifices financiers réalisés par certains amoureux de VTT n’appartenant pas à la catégorie élite.

Comptez ainsi un forfait de 7.500 euros par binôme pour bénéficier de l’inscription, de la nourriture et de l’hébergement… en tente durant les huit jours de cet événement. A écouter Hugo Drechou, l’Absa Cape Epic mériterait presque une telle folie : « Il y a chaque jour de nouveaux parcours et de nouveaux paysages. Assister au lever du jour avec la poussière des hélicoptères, ça donne une ambiance fantastique. » Allez, cette modeste étape de 102 km, vendre entre Oak Valley Estate et Lourensford Wine Estate vous fait de l’œil.