France

« Vous pensez que je dors la nuit ? » Payé 260 smics par mois, le PDG de Renault justifie son énorme rémunération

«Moi je travaille 60, 70, 80 heures par semaine. Vous pensez que je dors la nuit ? » Interrogé en audition à l’Assemblée nationale sur le sort de la Fonderie de Bretagne (FDB), le patron de Renault Luca de Meo s’est justifié sur sa rémunération, soit 5,5 millions d’euros. « 5,5 millions d’euros sur un an hors action, c’est-à-dire l’équivalent, pour qu’on ait bien en tête ce que ça représente, de 260 personnes au Smic. C’est à peu près le nombre de salariés qu’il y a à la Fonderie de Bretagne, ils sont 300 », a attaqué le député du groupe Les Ecologistes – EELV, Benjamin Lucas.

En 2022, FDB avait été vendue par Renault, en grande difficulté, à un fonds d’investissement allemand. Le groupe automobile français est toutefois resté le principal client de la Fonderie, elle aussi en difficulté, tout en la poussant à chercher des clients au-delà du secteur automobile. La Fonderie n’a pas remonté la pente et Renault a refusé depuis l’été 2024 de s’engager sur un volume de commandes pour les années à venir.

« Est-ce que vous valez 260 travailleurs ? »

« Si, malheureusement, malgré les montants engagés par Renault, aucun plan de reprise ne se dessine, on prendra nos responsabilités et on proposera un emploi équivalent aux salariés sur un de nos sites en France », a lancé mardi Luca de Meo devant les députés de la Commission des affaires économiques. Mais l’attitude du dirigeant a exaspéré le député Benjamin Lucas, qui a jugé qu’il s’exprimait « avec une forme de légèreté, de détachement ».

« Ma question, elle est donc simple, est-ce que vous pensez, monsieur le directeur général, que moralement, intellectuellement, par la force de votre travail, vous valez 260 travailleurs ? », a poursuivi le député écologiste.

Luca de Meo a tenté de se justifier, invoquant le fait qu’il crée selon lui de la valeur : « Je pense qu’il faut aussi comprendre que des gens comme nous, on est là parce qu’on a derrière nous une carrière de vingt, trente ans, où toutes les années on a dû démontrer des résultats. » « On a créé 10 milliards de cash en positif et on a créé 10 milliards de marge opérationnelle. Ça, c’est la valeur, ça, c’est ce qu’on fait », a-t-il ajouté, avant de mentionner sa charge de travail, équivalente à 60, 70, 80 heures par semaine.

Médecins, avocats et agriculteurs travaillent 80 heures

Est-ce que cela vaut 260 smics ? On laisse le lecteur ou la lectrice juge de cela. Mais on fera remarquer que d’autres mettent en avant une telle charge horaire, sans avoir le même salaire. Nombreux et nombreuses sont les médecins qui affirment travailler 80 heures par semaine. Les agriculteurs et agricultrices disent régulièrement travailler autant, et sont pour leur part payés parfois l’équivalent d’un seul smic. Dans le secteur juridique, les semaines de travail de 60 à 80 heures « sont assez standards », relève sur un forum cet employé d’une agence de gouvernement « de premier plan », quand un avocat affirme travailler « 65 heures par semaine » pour 2.000 à 2.500 euros net par mois.

Et que dire de ces millions de mères qui font la double journée, soit 80 heures sans être payées en sus, comme le fait remarquer la sénatrice Laurence Rossignol ? « Pas de doute qu’elles seraient d’accord pour être aussi bien payées ! »