Viols de Mazan : Y aura-t-il un second procès en appel ? Le dilemme des avocats de la défense
L’heure est aux calculs savants, tant pour les avocats de la défense que pour le ministère public. Faut-il ou non faire appel du verdict rendu jeudi matin par la cour criminelle du Vaucluse dans l’affaire des viols de Mazan ? Les peines sont généralement en deçà de ce qu’avait requis le parquet mais une trentaine d’accusés réclamait leur acquittement, assurant n’avoir pas violé Gisèle Pelicot. Parmi eux, beaucoup ont été placés en détention à l’issue de l’audience.
Pour autant, dans les salles des pas perdus, quelques heures après le verdict, l’heure est à la temporisation. « Je vais en discuter avec mon client. » « Pour l’instant, rien n’est acté. » « Il faut que nous y réfléchissions sereinement »… répondent, un à un, les avocats de la défense. Même l’avocate de Dominique Pelicot, Me Béatrice Zavarro, a affirmé se laisser le temps de la réflexion.
Tous ont dix jours pour faire appel. Tout comme le ministère public. « Nous jugerons au cas par cas en ce qui concerne un éventuel appel, quand nous aurons reçu les motivations », a confié à l’AFP l’un de ses deux représentants, Jean-François Mayet. Seuls deux hommes, condamnés l’un comme l’autre à huit ans de réclusion criminelle, ont, pour l’heure, annoncé avoir fait appel. Il y aura donc un second procès Mazan. Mais de quelle ampleur ?
« Ils ont plus à perdre qu’à gagner »
La réflexion pour les accusés et leurs avocats n’est pas si simple. Entre la détention provisoire déjà effectuée – souvent entre quatorze et vingt mois – le jeu des remises de peine, les hommes condamnés à des peines de six, sept ou huit ans de prison pourraient demander une libération conditionnelle d’ici quelques mois, deux ans maximum. « Honnêtement, la réflexion pour certains de mes clients qui ont eu des peines autour de cinq à sept ans est rapide : ils ont plus à perdre qu’à gagner. La question se pose pour ceux qui ont eu les peines les plus lourdes », estime Me Louis-Alain Lemaire. Il compte notamment parmi ses clients, Romain V., venu six fois à Mazan et qui s’est vu attribuer la plus lourde peine : quinze ans de réclusion criminelle.
Même pour des hommes qui se sont vus condamnés à de plus lourdes peines, la question n’est pas simple. Outre Dominique Pelicot, quatorze accusés ont été condamnés à des peines de dix ans ou plus. Me Gontard, l’avocat de Jean-Pierre M., a déjà annoncé qu’il n’interjetterait pas appel. Les juges se sont accordés sur une peine de douze ans de réclusion – cinq de moins que ce que réclamait le parquet – pour celui qui est présenté comme le « disciple » de Pelicot pour avoir soumis chimiquement son épouse et l’avoir violé, seul, ou avec Dominique Pelicot. « C’est un homme qui par ce verdict retrouve un peu de la place et une image auprès de sa famille. Je ne ferai pas appel », insiste le conseil.
Jury populaire
Surtout qu’en appel, le procès se tiendra devant un jury populaire (celui de la cour criminelle était composé de magistrats professionnels). Quelle analyse tireront des citoyens devant ces vidéos de viols, au cœur du dossier ? Comment réagiront-ils devant un dossier aussi emblématique ? « Je me méfie de la vox populi, insiste Me Louis-Alain Lemaire. Je pense que compte tenu du battage autour de cette affaire, il y aura forcément un biais au moment de juger. J’ai tendance à dire qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. »
Notre dossier sur le procès des viols de Mazan
Dans tous les cas, l’un des deux avocats de Gisèle Pelicot, Me Stéphane Babonneau, a indiqué ce vendredi sur France Inter que l’appel ne faisait pas « peur » à sa cliente. « Si cela devait se passer, elle nous a d’ores et déjà indiqué qu’elle y ferait face – si elle en a la santé –, évidemment, puisque c’est une dame qui a aujourd’hui 72 ans », a-t-il précisé.