Violences sexistes et sexuelles : Surveiller les horaires, les dépenses… Qu’est-ce que le « contrôle coercitif » ?
Il est défini comme un mécanisme destructeur exercé par un agresseur pour rendre sa victime impuissante, et il précède la plupart des féminicides. Les députés ont inscrit mardi soir pour la première fois dans la loi l’infraction de « contrôle coercitif ».
Surveiller les horaires, les dépenses, tracer un téléphone portable, utiliser des mots rabaissant, contrôler les sorties, les fréquentations : par des actes ou des propos multiples et répétés un agresseur isole et piège sa victime en exerçant un « contrôle coercitif », a exposé la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé.
Une notion parfois confondue avec l’emprise ou la violence psychologique
Le Centre national de ressources et résilience (Cn2r) nous rappelle que la notion de « contrôle coercitif » n’est pas nouvelle. « L’intérêt de ce concept est d’aller au-delà d’un simple recensement des violences physiques et psychologiques que peut subir une femme victime de violences conjugales » explique le Cn2r. « Les caractéristiques principales du contrôle coercitif incluent la restriction de l’autonomie et de la liberté de l’autre partenaire » poursuit le Centre.
« Malgré une prise de conscience grandissante de la notion du contrôle coercitif, elle est parfois confondue avec l’emprise ou la violence psychologique, précise de son côté le site Women for Women France. Le contrôle coercitif se concentre sur le schéma d’un comportement oppressif et répétitif de l’auteur envers sa victime, comme la privation de droits et de ressources, la surveillance ainsi que la microrégulation et le contrôle du comportement. »
Une infraction qui serait punie de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende
La proposition de loi visant à « renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes » adoptée mardi soir en première lecture par les députés (137 pour, 20 contre, 64 abstentions), prévoit de punir cette infraction de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende.
Plusieurs députés ont salué le fait de s’emparer de cette notion, présente dans plusieurs pays anglo-saxons (Australie, Angleterre, Ecosse…) et en Belgique. « C’est une très grande victoire, c’est la première fois en France que le contrôle coercitif entre dans la loi », s’est félicitée la députée MoDem Sandrine Josso à l’origine de la mesure votée. Son amendement a été préféré à l’article initialement rédigé par Aurore Bergé, à l’époque députée avant de rejoindre le gouvernement, qui avait déposé début décembre cette proposition de loi transpartisane (signée par plus d’une centaine d’élus).
Notre dossier sur les violences sexuelles
Selon Sandrine Josso, l’article initial élargissait la définition des violences psychologiques, mais restait insuffisant pour appréhender pleinement les dynamiques complexes de domination et de coercition conjugales. Malgré de nombreuses réticences à intégrer trop rapidement cette notion dans la loi, une majorité de députés a finalement voté cette mesure, mais aussi appelé à l’améliorer avec un travail législatif à venir, notamment au Sénat.
Durée maximale de la garde à vue prolongée à 72 heures en cas de viol
Outre cette disposition, les députés ont aussi adopté l’élargissement de la « prescription glissante » aux victimes majeures. Ce principe permet de prolonger le délai de prescription du viol si la même personne viole ou agresse sexuellement par la suite une autre victime, jusqu’à la date de prescription de cette nouvelle infraction.
Aurore Bergé a cependant échoué à faire adopter un article visant à rendre imprescriptible au civil des viols commis sur des mineurs, comme demandé par de nombreuses associations de victimes. Certains députés arguant qu’une telle mesure risquait de donner des « faux espoirs » et de « laisser seule » la victime lors d’un procès.
Les députés ont également approuvé la durée maximale de la garde à vue de 48 à 72 heures dans les cas de viol (mais aussi de meurtre, assassinat, empoisonnement), avec le vote d’un amendement du gouvernement.