France

Viol, tentative de meurtre, séquestration… Le streameur « Mr WaynZ » devant les assises

« Tu ne sortiras jamais ». Ce matin du 20 janvier 2019, Cécilia*, plaquée sur le lit, tente de reprendre sa respiration. Son agresseur vient d’enlever l’oreiller qu’il a collé à son visage, mais il enserre immédiatement son cou avec ses deux mains. La jeune femme d’une vingtaine d’années « se sent partir ». C’est à l’intervention de la police, quelques secondes plus tard, qu’elle doit la vie. La dispute, entamée quelques heures auparavant avec son petit ami Nicolas*, a viré au cauchemar. Depuis trois mois, elle fréquente ce streameur (joueur de jeux vidéo en ligne), connu sous le nom de « Mr WaynZ », qui jouit d’une certaine notoriété dans le milieu. Originaire de Tours, elle est venue passer le week-end chez lui dans le 19e arrondissement de Paris. Mais le trentenaire est extrêmement jaloux et possessif.

A son réveil, ce matin-là, la jeune femme ne trouve pas son téléphone. Elle comprend rapidement que son compagnon l’a caché. Le ton monte entre les deux, Cécilia veut quitter l’appartement, mais l’homme lui bloque le passage. Elle se met à hurler, il entoure son bras autour de son cou, lui plaque la main sur la bouche et la jette violemment au sol. L’homme finit par la lâcher, récupère un couteau de cuisine et lui intime « de le planter avec », raconte-t-elle aux enquêteurs. Terrorisée, la jeune femme lui porte un coup, déclenchant la fureur de son compagnon. Il la saisit par les cheveux, la traîne jusqu’au lit et l’agresse sexuellement, avant de l’étrangler. Elle parvient à s’extirper, se rue sur le balcon et appelle au secours. Par miracle, deux policiers du 2e district de la police judiciaire (DPJ), qui passent par là, entendent ses cris. Ce sont eux qui mettent fin à son calvaire, quelques minutes plus tard, en tambourinant à la porte de l’appartement. Nicolas est immédiatement interpellé. Cécilia, elle, est retrouvée terrorisée, « des traces de strangulation » sur le cou. Elle est prise en charge par les secours et porte plainte le soir même.

Des scènes quasi-identiques

A l’issue de la garde à vue de Nicolas, une enquête est ouverte contre lui pour tentative d’homicide, séquestration et agression sexuelle. Pourtant, la justice ne juge pas bon de le placer en détention provisoire. Il ressort libre, sous contrôle judiciaire. Il ne sera placé en détention provisoire que dix mois plus tard, en octobre 2019.

Car au fil des auditions, les enquêteurs recueillent quatre autres témoignages d’anciennes compagnes du streameur, qui l’accusent de faits similaires. Depuis, trois d’entre elles se sont constituées parties civiles au procès qui s’ouvre ce mardi 31 janvier, devant la cour d’assises de Paris. Nicolas, âgé de 34 ans aujourd’hui, doit être jugé pour tentative d’homicide, viols et violences.

Car les faits décrits par les trois autres plaignantes sont eux aussi d’une violence inouïe. Lors de son audition par les enquêteurs, Iriane, la seconde plaignante et mère de son enfant, raconte avoir été frappée et violée à plusieurs reprises par Nicolas. Elle décrit des scènes d’une grande brutalité, mêlant coups de tête, claques et actes de sodomie, notamment durant sa grossesse. Et à chaque fois qu’elle envisage de le quitter, l’homme la menace de mort, un couteau placé sous sa gorge.

Des violences pendant la grossesse

L’histoire de Fiona, la troisième plaignante et ancienne compagne de Nicolas, n’est pas si différente. Insultes, coups de pied et de poing, gifles, croche-pieds, séquestration… La jeune femme, qui a partagé la vie du streameur de 2015 à 2018, décrit un huis clos horrifiant. En septembre 2018, alors qu’il parvient presque à l’étouffer, les genoux appuyés sur sa cage thoracique et les mains serrées autour de son cou, Fiona réussit à se débattre et court se réfugier dans la cuisine. Mais son compagnon la rattrape et l’étrangle à nouveau. Dans une scène quasi similaire à celle décrite par Cécilia, Fiona attrape un couteau et le plante dans son bras « pour qu’il arrête », expliquera-t-elle aux enquêteurs. Les concubins sont tous les deux poursuivis pour violences réciproques, mais seule la jeune femme est placée en garde à vue. En mars 2019, ils sont condamnés à la même peine, quatre mois de prison avec sursis.

Oriane, elle, rencontre Nicolas, sur les réseaux sociaux en 2017. Elle a 17 ans et lui 29. Rapidement, il lui demande de gérer son compte Twitch et le graphique de sa chaîne YouTube. Au fil des mois, leur relation devient plus intime. Devant les enquêteurs, la jeune femme évoque plusieurs rapports consentis, mais également des viols, dont des fellations forcées, au domicile du joueur. Mais le streameur, qui est retourné dans les bras de Fiona, met un point à leur relation. « Fragile à cette époque », Oriane fait une dizaine de tentatives de suicide.

« Une introspection profonde »

Nicolas, lui, attend de « s’expliquer en détail sur les faits qui lui sont reprochés et surtout d’être entendu », confie ses avocats, Mes Raphaëlle Rischmann et Guillaume Halbique du cabinet Marcus. Si le streameur reconnaît les faits de séquestration, notamment d’« avoir fermé la porte à clé et gardé la clé dans sa poche pendant des disputes », ses conseils estiment que « cela est très éloigné de ce que l’on peut imaginer dernière ce mot séquestration ». En revanche, l’homme dément formellement les accusations de tentative d’homicide, « qui n’est manifestement pas caractérisé », et celles de viols.

Pourtant, Cécilia, elle, « s’est vue mourir », estime Me Medhi Bouzaïda, son avocat, qui affirme que sa cliente « s’en est sorti uniquement parce qu’elle a appelé à l’aide et que des policiers l’ont entendu ». « Il dit que ce n’était pas vraiment de la séquestration, que c’était pour s’expliquer avec elle. Mais les quatre victimes font quand même état des mêmes faits de séquestration », poursuit l’avocat. « Quand on l’interroge sur les gestes de violence, il dit que ce n’était pas un étranglement, mais une clef de bras. La frontière est quand même mince », ajoute-t-il.

Les avocats de Nicolas l’assurent, le trentenaire, qui est suivi en détention, s’est inscrit « dans une introspection profonde ». « Ce suivi lui a permis de faire un travail en profondeur sur ses failles, engendrées par son enfance terrible et chaotique. C’est quelqu’un qui se questionne et se construit chaque jour », ajoutent-ils. La cour d’assises de Paris, elle, aura dix jours pour juger Nicolas.

*Tous les prénoms ont été modifiés.